Intervention de Sonia Lagarde

Séance en hémicycle du 2 février 2017 à 15h00
Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSonia Lagarde :

Faire avancer la société pour tendre vers une pleine égalité entre les hommes et les femmes, changer la place que celles-ci y occupent, suppose avant tout de changer les mentalités. Cela doit aussi faire partie des raisons fortes de tout engagement politique.

Trop nombreux sont ceux qui ont oublié que les droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes sont des principes constitutifs de notre République. En 1946, le préambule de la Constitution proclamait : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. »

Quels que soient les domaines de la vie publique et privée, le législateur ou le juge doivent encore intervenir pour garantir aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes. On ne peut que le regretter et le dénoncer, car le chemin sera encore long pour dépasser une stricte égalité juridique et tendre vers une égalité réelle entre les deux sexes.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui à l’initiative du groupe GDR s’attaque à ce sujet.

La gestion des carrières, le temps de travail, la rémunération, la reconnaissance : nombreux sont les motifs d’insatisfaction dans le milieu professionnel. Le monde du travail est trop souvent le symbole de la domination des hommes. Si les femmes sont surreprésentées dans certaines professions – et cela se concentre sur une douzaine de métiers : aide à domicile, secrétaire, infirmière… – elles sont en revanche quasiment absentes de certains domaines, notamment dans l’industrie.

Les stéréotypes ont également la vie dure en entreprise, où 80 % des femmes disent être régulièrement victimes d’attitudes sexistes sur leur lieu de travail.

Alors que les femmes ont massivement investi le marché du travail et que leur niveau d’éducation a rejoint, voire dépassé celui des hommes, les inégalités professionnelles persistent. Instaurer l’égalité entre les hommes et les femmes reste compliqué pour de nombreuses entreprises. Selon un dernier bilan dressé par la ministre des droits des femmes, 97 d’entre elles ont ainsi été sanctionnées financièrement par l’État pour n’avoir pas respecté la loi pour l’égalité réelle du 4 août 2014. Les femmes représentent 39 % de la population active mondiale, mais gagnent en moyenne 18 % de moins que les hommes. Elles sont seulement 13 % à siéger dans les conseils d’administration et 9 % à occuper des postes de PDG. Enfin, selon le dernier rapport du Forum économique mondial, la France ne se situe qu’au 134e rang mondial – sur 144 pays – en matière d’égalité salariale.

Ces seuls éléments soulignent que l’égalité professionnelle est toujours une question légitime et qu’on ne peut se résigner à l’immobilisme. Il nous faut cependant reconnaître que malgré des intentions louables, certaines mesures de la proposition de loi initiale ne semblaient pas opportunes.

Les dispositions relatives au recrutement apparaissent davantage comme des mesures d’affichage, dans la mesure où notre arsenal législatif permet déjà de condamner les recruteurs si jamais ils se livrent à des pratiques discriminatoires. Il ne semble pas non plus propice de créer de nouvelles obligations pour l’ensemble des entreprises. Il conviendrait plutôt, sur ce sujet, d’encourager les bonnes pratiques et la publication des statistiques en matière de recrutement. Ainsi, l’Allemagne a voté il y a quelques semaines un projet de loi obligeant les grandes entreprises à faire preuve de transparence sur les différences de salaires entre hommes et femmes. Les entreprises de plus de 200 salariés devront introduire un droit à l’information, à la demande, sur les critères de rémunération. Celles de plus de 500 salariés devront en outre publier régulièrement un rapport dressant un état des lieux des écarts salariaux entre hommes et femmes.

S’agissant des mesures relatives au temps partiel, les députés du groupe UDI restent prudents. La crise économique que traverse encore notre pays et le chômage de masse nous obligent à ne pas entraver le marché du travail. Nous estimons qu’il serait davantage opportun de développer la flexibilité du travail plutôt que de multiplier les mesures restrictives à l’embauche.

Si nous partageons la volonté de réduire le recours excessif au temps partiel, nous estimons également que cet objectif ne doit pas mettre une fois encore en danger l’équilibre d’entreprises, de secteurs d’activité, de branches professionnelles pour lesquels le recours au temps partiel est structurel. Notre combat doit se concentrer sur le temps partiel subi, véritable source de précarité pour les femmes.

Sur les dispositions relatives à la parentalité et à l’allongement du congé maternité, il s’agit là encore d’être prudent : aussi intéressantes soient-elles, elles méritent un débat de fond. En effet, il conviendrait d’en analyser les incidences financières, tant dans le privé que dans le public, et sans aucun doute de privilégier la création de crèches, qui est au fond le problème crucial pour bien des femmes.

Le droit en la matière n’est pas figé, comme en témoigne la prolongation de la période légale d’interdiction de rupture du contrat de travail à l’issue des congés liés à la grossesse et à la maternité. Cette mesure, défendue par nos collègues du groupe RRDP et soutenue par le groupe UDI, a été inscrite dans la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

L’équilibre et la conciliation entre grossesse et vie professionnelle n’est pas toujours évident. Ne fermons donc pas la porte aux questions relatives à la parentalité, mais prenons garde à la précipitation. Pour adopter cette disposition, il conviendrait de disposer d’une évaluation précise de son coût tant pour le privé que pour le public, ainsi que pour la Sécurité sociale.

La question de la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale ne doit pas être réservée aux femmes. Nous constatons en effet que les inégalités de partage des tâches ont des répercussions directes sur la vie professionnelle des femmes, parce qu’elles délaissent davantage leur carrière pour se consacrer à l’éducation de leurs enfants. Au-delà du sujet de l’allongement du congé maternité et du congé paternité, il nous faut apporter des réponses concrètes à une question simple, que je viens d’évoquer : où et comment placer son enfant, une fois effectué le retour à la vie professionnelle ? Aujourd’hui, faire garder un enfant de moins de trois ans relève trop souvent du parcours du combattant, et cela est d’autant plus vrai pour les familles monoparentales, bien souvent des mères, qui cumulent les difficultés.

Mes chers collègues, nous l’avons dit, cette proposition de loi est imparfaite ; elle ne lève pas les obstacles que rencontrent les femmes dans leur quotidien. Certes, madame la secrétaire d’État, le chemin reste encore long pour atteindre l’égalité parfaite, mais nous préférons ne pas prendre part au vote.

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