J’aimerais réagir à un argument que j’ai entendu tout à l’heure, lors de la discussion générale, et qui justifie l’avis défavorable de la commission et du Gouvernement, que je ne partage pas.
Au printemps, nous avons eu dans cet hémicycle un début de discussion sur ce que l’on avait appelé « l’inversion de la hiérarchie des normes ». Nous n’étions évidemment pas d’accord sur le niveau de négociation qui devait l’emporter sur l’autre à l’intérieur de l’entreprise. Cependant, nous étions au moins d’accord sur le fait qu’en matière de droit du travail, le législateur a le droit de fixer des règles, des seuils ou des planchers qui bornent la discussion des partenaires sociaux.
Ce qui me gêne dans les arguments que j’ai entendus tout à l’heure, c’est qu’on a l’impression qu’à partir du moment où une négociation aurait eu lieu entre les partenaires sociaux, le législateur devrait s’interdire d’en changer les paramètres, quand bien même plusieurs mois voire plusieurs années se seraient écoulés sans que les discussions aient avancé. Cela me gêne énormément ! Je ne vois pas pourquoi nous nous arrogeons tous les ans le droit de modifier la législation fiscale, par exemple, lorsque nous constatons qu’un certain nombre de problèmes fondamentaux ne sont pas résolus, alors qu’en matière de droit du travail, au motif que nous aurions voté une loi de circonstance visant à transposer l’ANI de 2003, il serait interdit de constater plusieurs années plus tard que les choses n’avancent pas en matière d’égalité entre les hommes et les femmes ou de lutte contre le temps partiel subi, par exemple. Pourquoi serait-il interdit au législateur de prendre ses responsabilités ?
Il s’agit d’un problème de concept et de principe. Nous devons distinguer, d’une part, la nécessité de nous autolimiter, à un moment donné, pour tenir compte d’une négociation qui vient d’avoir lieu, et d’autre part, le principe selon lequel le Parlement ne peut pas s’abaisser au point de considérer que son pouvoir législatif doit s’effacer définitivement devant ce qu’on appelle « dialogue social ». En matière de dialogue social, d’ailleurs, nous parlons ici d’accords n’ayant pas fait l’objet d’un consensus de l’ensemble des organisations représentatives des salariés.