Qu'il s'agisse des nouvelles méthodes de guérilla ultra-violente que la commission d'enquête parlementaire sur le maintien de l'ordre républicain avait déjà pu observer, du « copwatching » qui consiste à diffuser les identités des membres des forces de l'ordre sur les réseaux sociaux afin de les désigner à la vindicte de déséquilibrés, de l'organisation de guet-apens et de tentatives d'assassinat que le drame de Viry-Châtillon en octobre 2016 a révélé au grand jour ou encore des meurtres de policiers commis par des terroristes, le constat est sans appel : ceux qui nous protègent sont en danger de mort. Les chiffres des violences commises à leur encontre en attestent.
Depuis 2012, nous vous avons proposé, avec MM. Éric Ciotti et Guillaume Larrivé, pas moins de quatre propositions de loi, que vous n'avez hélas pas retenues. Pour calmer la grogne des policiers, vous avez commandé des rapports – Guyomar en 2012, sans lui avoir donné de suites, Cazaux-Charles à l'automne 2016. Vous avez en réalité été contraints d'agir par les policiers en colère qui manifestent chaque jour leur malaise dans la rue.
Le cadre commun d'usage des armes que propose l'article 1er répond à une demande ancienne et unanime des syndicats de policiers. Les cinq cas énumérés tiennent compte de la jurisprudence, hélas très restrictive, de la CEDH, suivie par la Cour de cassation, et l'on ne peut que se féliciter que le Sénat ait étendu le bénéfice de ce cadre commun aux douaniers, aux militaires de l'opération Sentinelle, aux policiers municipaux et aux agents de l'administration pénitentiaire. Je vous proposerai par amendement de l'étendre aux agents de sécurité des transports dans le cadre de l'interruption d'un périple meurtrier.
Par ailleurs, mis en cause dans l'exercice de leurs missions, les membres des forces de l'ordre ne doivent pas être soumis à des traitements vexatoires et encore moins se sentir abandonnés par leur hiérarchie. C'est pourquoi je vous proposerai deux amendements, l'un visant à poser le principe de leur audition dans le cadre de l'article 61-1 du code de procédure pénale afin de leur permettre de bénéficier de l'assistance d'un conseil et de préciser les conditions de sa prise en charge par la protection fonctionnelle, l'autre afin d'améliorer le cadre applicable aux auditions menées par le Défenseur des droits, afin d'en limiter la durée à quatre heures et d'ouvrir le droit à l'assistance d'un conseil, pris en charge par la protection fonctionnelle, et à la notification du droit à garder le silence. Ces deux amendements répondent à des demandes des forces de l'ordre – je vous renvoie au rapport de la mission Cazaux-Charles.
L'anonymisation des procédures par référence à un numéro d'immatriculation permettant d'authentifier l'officier de police judiciaire (OPJ) sans dévoiler son identité est bienvenue, même s'il ne faut pas la limiter aux procédures passibles de trois ans de prison : je salue la suppression de ce quantum de peines par le Sénat. Nous pourrions également envisager une adaptation de la procédure qui existe en Espagne, point abordé par l'étude d'impact.
En matière de criblage des personnels des entreprises de transports, je ne peux que me réjouir que vous vous soyez finalement rangés à ma demande ancienne d'inclure dans le contrôle administratif ouvert par la loi dite « Savary » les personnels déjà en poste.
Les personnels pénitentiaires se voient reconnaître également de nouvelles prérogatives ; il faudra en effet débattre de la notion d'« abords immédiats ». Cette disposition doit permettre de mieux lutter contre le fléau des projections d'objets illicites et de renforcer la sécurité des établissements.
Je vous proposerai un amendement autorisant les agents pénitentiaires, au même titre que les agents de sécurité des transports, à procéder à la visite de véhicules stationnant ou circulant dans ce périmètre et aussi de permettre la rétention d'une personne qui refuse une fouille, dans l'attente de sa présentation à un OPJ.
Par ailleurs, voilà exactement un an, vous rejetiez ma proposition de loi visant à améliorer le renseignement pénitentiaire et à isoler électroniquement les détenus. Depuis l'heureux changement de garde des Sceaux, le Gouvernement a accepté l'intégration du renseignement pénitentiaire au second cercle de la communauté du renseignement et son accès aux techniques spécialisées, et doté les unités d'isolement d'une base légale, ce qui n'a toutefois pas empêché le terroriste Abdeslam de communiquer avec un autre détenu. Ce projet de loi étend le recours à ces techniques, ce qui est une très bonne chose. Cependant, je vous proposerai un amendement pour supprimer l'obligation de prévenir le détenu que ses conversations illicites sont surveillées et qu'elles pourront donner lieu à des suites judiciaires mais aussi pour détruire les appareils saisis.
Enfin, pour que des drames comme celui d'Osny – où, tout comme Mehdi Nemmouche, le djihadiste qui a agressé le surveillant communiquait avec Daech depuis sa cellule d'isolement – ne se reproduisent pas, je suggère d'inscrire dans la loi l'interdiction, actuellement seulement réglementaire, des téléphones portables et terminaux de connexion à Internet. Le nombre des saisies annuelles de téléphones – plus de 30 000 – permet de supposer que tout détenu en dispose, alors même qu'ils les utilisent dans au moins 20 % des cas à des fins malveillantes. La presse a relaté la façon dont, à Osny, un escroc téléphonait depuis sa cellule à des personnes âgées, en se faisant passer pour un policier : il a ainsi réussi à arnaquer 136 retraités, pour un butin de 190 000 euros ! Élever cette interdiction au rang législatif renforcera la base légale des écoutes des communications clandestines, dont à peine 1 % est contrôlé par les services.
Monsieur le ministre, je vous appelle à maintenir les améliorations introduites par le Sénat et à accepter celles que nous vous proposerons.