Intervention de Jean-Claude Desenclos

Réunion du 31 janvier 2017 à 10h30
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jean-Claude Desenclos :

Je ne sais pas ce que vous entendez par « automatisé », mais, s'agissant des données issues des résumés, que nous recevons chaque matin, des passages aux urgences de la veille, nous avons instauré des indicateurs de détection automatisée des augmentations ou des baisses. Il en va de même en ce qui concerne la mortalité : dès que celle-ci commence à augmenter, des alarmes sonnent pour appeler notre attention. Bref, nous disposons de systèmes de détection automatisée, mais de nature temporo-spatiale, relativement simples. Leurs fondements mathématiques sont connus et, eux aussi, relativement simples. Nous en maîtrisons l'utilisation et nous savons identifier une fausse alerte.

De fait, et pour revenir à la question que vous avez posée avec insistance aux représentants de l'ANSM, chercher partout et par tous les moyens disponibles provoque un nombre considérable de faux signaux ; les signaux ne sont que quelquefois les bons. Il faut donc faire le tri, ce qui implique que chaque signal émis doit être vérifié, car il y va clairement de la responsabilité de l'agence.

Or, d'après mon expérience, un grand nombre des signaux qui nous sont transmis – par téléphone, par des recherches via Google ou sur les réseaux sociaux, par le système de veille sanitaire existant – et qui demandent à être validés ne sont pas des signaux d'alerte. Quelques-uns en sont : il faut que nous les connaissions suffisamment tôt. Au total, nous passons un temps considérable à valider ces signaux et les ressources ainsi mobilisées ne sont pas utilisées pour autre chose. Plus l'on accroît la sensibilité, plus le nombre de signaux augmente : pour Ebola, on en est arrivé à près de 2 000 suspicions qu'il a fallu systématiquement vérifier et, le cas échéant, valider, afin que la France ne soit pas prise en défaut comme les États-Unis l'avaient été. L'efficience des ressources allouées fait donc débat : pendant que l'on se livre à cette tâche, on n'étudie pas, par exemple, le nombre de diabétiques en France. Cette question doit d'autant plus être posée que les moyens dévolus aux opérateurs publics sont, vous le savez, à la baisse.

En ce qui concerne la détection automatisée, je suis entièrement d'accord avec mes collègues : on en est clairement au stade de la recherche s'agissant des très grosses bases de données et des données du web. Cette recherche est à la fois méthodologique et conceptuelle ; c'est d'ailleurs l'un des axes de recherche suivis au sein de l'ITMO (institut thématique multi-organismes) Aviesan santé publique, avec lequel nous sommes en interaction, de même que l'ANSM.

Beaucoup de signaux sont des signaux faibles, qui, très souvent, se « dégonflent » parce qu'ils ne sont pas révélateurs d'un danger. Ce n'est que rétrospectivement que l'on se souvient d'un signal faible, quand on s'est aperçu qu'il correspondait à un vrai signal. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas s'intéresser à ces signaux, au contraire ; mais il faut s'organiser de manière efficiente pour les appréhender.

En revanche, il existe déjà, je l'ai dit, des méthodes temporo-spatiales dont l'application systématique et quotidienne à toutes les bases de données qui nous transmettent des informations, qui font partie de nos projets internes, de telle sorte que les résultats soient faciles à lire et à utiliser par nos différents agents. Ce projet est mis en oeuvre concernant la canicule et les infections saisonnières ; il est en cours de généralisation. Ces méthodes font l'objet d'une connaissance scientifique et nous savons les utiliser.

Je le disais, nous avons travaillé très tôt, de manière très interactive et très positive, avec la CNAMTS, qui a beaucoup contribué à notre éducation et a facilité notre utilisation du SNIIRAM. Nous avons évolué vers des accords-cadres concernant l'accès au SNIIRAM, d'abord, en 2011, sans croisement des variables sensibles, puis en passant par le COPIIR, le comité d'orientation et de pilotage de l'information interrégimes. La CNIL nous a alors délivré une autorisation. Ensuite, nous avons étendu notre accord aux variables sensibles, puis à la possibilité de croiser les informations relatives à la résidence du professionnel de santé, dont nous avions besoin. Enfin, en 2016, a été ouverte la possibilité d'accéder à l'historique, car un recul de trois ans ne suffisait pas pour déceler des tendances. Tout cela a permis à Santé publique France d'intensifier ses travaux – l'ensemble des analyses étant réalisées chez nous –, d'acquérir une expérience et de développer des usages multiples des données au niveau national, régional et territorial.

Ainsi, les données de remboursement permettent de connaître la couverture vaccinale avec une grande réactivité, à six mois près, ainsi que son évolution par cohorte de naissance. Cette dernière donnée s'est révélée très utile, nous permettant de mesurer que le niveau de couverture vaccinale avait atteint près de 90 % s'agissant de la première injection du vaccin contre l'hépatite B, et, a contrario, nous montrant très tôt l'effondrement de la couverture vaccinale des jeunes filles par le vaccin anti-HPV. Le tout à partir d'une base unique, d'un accès unique, par l'intermédiaire de personnes formées à l'extraction des données, lesquelles sont graphiquement très parlantes.

S'agissant de la vaccination comme d'autres interventions en santé publique, l'hétérogénéité régionale est un élément qu'il est important d'observer. La vaccination est très diversement acceptée d'une région à l'autre ; elle l'est beaucoup moins dans le Sud-Est, notamment, mais le phénomène est plus complexe que cela. Or l'étude de ce phénomène jusqu'à l'échelon du territoire de santé permet en particulier aux agences régionales de santé (ARS) et aux acteurs régionaux, ou à ceux qui interviennent à un niveau plus fin encore, de promouvoir la vaccination et d'identifier des risques de résurgence. S'agissant de la rougeole, par exemple, le niveau de la couverture vaccinale est assez satisfaisant, mais son hétérogénéité résiduelle est un facteur d'épidémies, dues aux zones les moins bien vaccinées. La France a ainsi connu une épidémie très forte il y a trois ou quatre ans.

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