Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 1er février 2017 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Je trouve très bien que le CESE se soit saisi de ce sujet, car la société civile a un rôle important à jouer dans ce combat contre l'évasion fiscale.

Je réagirai à cinq des propositions qu'il formule.

La première, qui fait directement référence à la résolution que nous avons adoptée, est l'organisation d'une Conférence des parties sur ce sujet au sein de l'Organisation des Nations unies (ONU). Cela a du sens aujourd'hui, mais nous avons bien fait de commencer autrement. Sur ce sujet, si nous avions commencé par des négociations diplomatiques, il ne se serait rien passé : chaque pays serait venu défendre ses intérêts – et les oppositions entre le Nord et le Sud sont fortes en la matière. Le G20 a eu une bonne idée en confiant à l'OCDE le soin de travailler à la question, parce qu'elle ne fait pas négocier des diplomates : elle lance des idées et essaie de construire des consensus. Cela a permis de mobiliser tout le monde ; par la voie de la diplomatie, tout se serait très vite arrêté. Quant aux institutions européennes, je me rappelle qu'Éric Woerth et moi les avions consultées au début de l'année 2013 pour savoir si le sujet les intéressait. Visiblement, ce n'était pas le cas. Voyez comme les choses ont évolué ! Il y a aujourd'hui une formidable mobilisation, avec une conférence intergouvernementale. La lutte contre l'optimisation fiscale est devenue centrale en Europe. La méthode de l'OCDE a permis de faire évoluer même les institutions qui s'en préoccupaient peu, telle l'Union européenne.

Cela m'amène à mon deuxième point : la question européenne. C'est parvenir à une assiette commune et consolidée de l'impôt sur les sociétés (ACCIS) qui me paraît aujourd'hui primordial. Si tous les pays retiennent la même assiette, tous les mécanismes d'optimisation consistant à exploiter les failles de nos législations respectives, c'est-à-dire les différences entre nos pays, disparaissent. Et il est indispensable que ce soit une assiette consolidée, car le problème, notamment avec de grandes sociétés du numérique, est de savoir localiser les profits où ils sont réalisés, alors qu'en général ils sont concentrés dans le pays qui gère les résultats financiers dans les différents pays européens – par exemple, en Irlande pour Google. De même, l'idée d'une espèce de serpent, comme nous connaissions un serpent monétaire pour les taux de change, est aussi une bonne idée. Les pays d'Europe sont, aujourd'hui, à peu près d'accord pour une assiette commune ; c'est déjà considérable. Pour une assiette consolidée, c'est déjà plus difficile – cela voudrait dire que les profits concentrés en Irlande seraient localisés dans les différents pays européens où ils sont réalisés –, mais je pense que c'est fondamental pour la lutte contre l'optimisation fiscale.

En ce qui concerne la responsabilité sociale et environnementale, il est effectivement indispensable que les institutions représentatives du personnel se saisissent aussi de la stratégie fiscale. Dans le rapport rendu à l'issue des travaux de la mission d'information présidée par Éric Woerth, nous avions simplement dit que l'État devait, lorsqu'il était présent au capital d'une grande société, se préoccuper aussi du respect des obligations fiscales, mais il est bon, effectivement, que les institutions représentatives des personnels s'en saisissent.

Je partage pleinement aussi l'idée que le respect des obligations fiscales puisse être un critère supplémentaire pour les attributions de marchés publics. Après tout, la citoyenneté, c'est respecter des obligations fiscales !

Mon dernier point concerne l'abus de droit. Vous vous souvenez que le Conseil constitutionnel avait refusé que soient considérés comme constitutifs d'abus de droit les actes ayant pour motif principal – et non plus exclusif – celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales. Le Conseil a considéré que c'était une modification extrêmement forte, surtout eu égard au fait que l'abus de droit est très lourdement sanctionné. Si nous avions assoupli les sanctions, nous aurions peut-être pu progresser sur la question. En tout cas, j'observe qu'en France, depuis lors, nous n'avons plus avancé, alors qu'il y a eu des évolutions dans tous les autres pays. M. Pascal Saint-Amans nous l'a d'ailleurs dit : dans la plupart des pays, la notion de motif ayant principalement pour but d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales a remplacé celle de motif ayant exclusivement ce but. Je pense donc que nous pourrions, à la condition d'assouplir les sanctions, nous repencher, à l'avenir, sur la définition de l'abus de droit.

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