Intervention de Éric Woerth

Réunion du 1er février 2017 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth :

Nous avons là un bon rapport du CESE, sur un sujet dont on peut parler à l'infini : ce combat va durer longtemps, et des milliers et des milliers d'acteurs sont concernés, notamment tous les États. Il pose, au fond, la question de la manière dont la richesse circule dans ce monde et du moment où elle est prélevée pour assurer les dépenses communes.

Comme Pierre-Alain Muet, je pense que la solution est d'abord internationale, vous l'avez dit, et, évidemment, européenne. En effet, le rôle de l'OCDE est particulièrement fort. Elle s'est saisie de la question de façon plus puissante depuis les années 2008-2009, et est ainsi revenue sur le devant de la scène. C'est le bon niveau de réponse. Il faut évidemment que tout cela se concrétise, tant les initiatives européennes, comme la proposition de directive ACCIS, que les travaux BEPS au niveau de l'OCDE.

Vous proposez une COP fiscale, et un rapport sur le sujet a d'ailleurs été présenté à notre commission la semaine dernière. Pourquoi pas ? Je ne sais pas si cela servira vraiment à grand-chose mais, dès lors que la question est évoquée de manière responsable entre États responsables, cela me semble utile.

Vous avez bien dit qu'il était difficile d'évaluer ce qui, par principe, est caché. Pour ma part, je ne crois pas du tout aux montants avancés. Je peux, bien sûr, me tromper, mais je pense que cette évasion fiscale crée sa propre économie. Si vous mettez tout cela sous les projecteurs, cela réagira, et il ne suffit pas d'appliquer aux montants dissimulés le taux d'imposition en vigueur pour déterminer quelles recettes pourraient être engrangées. Je pense que c'est plus sophistiqué ; une sorte d'autorégulation de la fraude fait que lorsque ce qui est dissimulé réintègre l'économie cela ne rapporte plus la même chose. Évidemment, il faut combattre le phénomène avec une très grande rigueur, mais je ne pense pas que les montants soient de l'ordre de ceux avancés – 60 ou 80 milliards d'euros pour la France... Cela dit, je ne mésestime pas l'effet à la fois mobilisateur et incitatif de tels chiffres !

Je risque de me rendre impopulaire en disant cela, mais je ne suis pas sûr qu'il faille faire totalement sauter ce que vous appelez le « verrou de Bercy ». Certes, nous sommes dans un monde de transparence, mais il y a, d'un côté, ce qui relève vraiment du pénal et, de l'autre, la nécessité, avant tout, de récupérer l'argent pour financer les dépenses publiques. Parfois, les faits commis ne relèvent pas vraiment du pénal, et le contribuable a finalement payé ce qu'il devait payer. Quant au verrou, il ne faut pas s'imaginer qu'il ne tienne qu'à la volonté du ministre ; il y a une commission des infractions fiscales, dont les membres sont plutôt des gens sérieux qui regardent les dossiers sérieusement. Ce n'est pas n'importe qui qui fait n'importe quoi dans n'importe quelles conditions... Les bananes poussent peut-être à Jersey, mais Bercy ne fonctionne pas pour autant comme une république bananière ! Ne prêtons pas totalement et immédiatement foi à tel ou tel article de presse ; posons-nous les bonnes questions.

Et s'il faut certainement accroître la transparence, il peut aussi y avoir une mauvaise transparence. L'échange de données dans tous les sens et à tous les niveaux pose un vrai problème, surtout quand ce sont les nôtres et pas celles des autres. Nous ne pouvons aborder l'économie internationale désarmés. Les sociétés américaines et chinoises attendent évidemment avec intérêt que nos sociétés se mettent toutes nues devant l'opinion publique internationale, disent tout, révèlent tout, en échange de quoi elles ne diront elles-mêmes rien ! Dans un monde qui n'a rien de naïf, on peut toujours progresser, mais attention à ne pas désarmer sous prétexte de transparence – il en faut, certes, mais le monde doit évoluer au même rythme pour tous. Que ceux qui veulent montrer le chemin prennent garde, ils risquent d'en être écartés par les autres !

Il me semble que le rescrit est une bonne chose. Il me paraît bon que le contribuable puisse recueillir le sentiment de l'administration fiscale sur ce qu'il compte faire. Ce doit être développé dans une société dans laquelle on gagne plus d'argent qu'on n'en perd à se faire confiance. Le rescrit me semble extrêmement important de ce point de vue.

Pour ma part, je n'approuve pas du tout vos préconisations relatives aux IRP. Dans un cadre qui n'est pas l'autogestion, le rôle des IRP n'est pas de s'occuper des mécanismes fiscaux mis en oeuvre par l'entreprise.

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