Intervention de Aurélie Filippetti

Réunion du 1er février 2017 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélie Filippetti :

L'intitulé de votre rapport, qui établit un lien entre évitement fiscal et consentement à l'impôt, mérite d'être discuté. Si je suis d'accord avec vous sur les efforts de pédagogie qu'il faut déployer à l'attention de l'ensemble des contribuables, je considère, en revanche, que ceux qui pratiquent l'évitement fiscal le font en toute conscience, en payant pour cela des cabinets de conseil, et avec l'objectif de contourner sinon la loi du moins l'esprit de la loi.

Dans ces conditions, faire le lien entre le consentement à l'impôt et l'évitement fiscal, revient quasiment à accorder des circonstances atténuantes à ceux qui pratiquent ce qu'il faut appeler de la fraude à grande échelle, avec des conséquences désastreuses aussi bien pour les finances publiques que pour l'ensemble des acteurs économiques. On sait fort bien que les « GAFA » captent la valeur économique créée par les acteurs culturels. Cette captation nuit également aux entreprises industrielles et a des incidences délétères sur l'emploi. D'où mes réticences.

Je constate, par ailleurs, que quand il est question de fraude fiscale, certains – notamment à droite de l'hémicycle – pratiquent volontiers l'euphémisme et parlent d'optimisation ou d'évitement ; lorsqu'il s'agit de fraude sociale, en revanche, ou de fraude aux Assédic, on n'hésite pas à employer les vrais mots. J'ai donc le sentiment d'une justice à deux vitesses, qui ne vous traitera pas de la même manière selon que vous serez puissant ou misérable.

Quoi qu'il en soit, il me semble que nous devons trouver le moyen de faire en sorte que l'ensemble des mécanismes d'optimisation, jusqu'à la défiscalisation sur le mécénat, soient réservés à des entreprises qui ne pratiquent pas l'évitement fiscal.

Je salue, par ailleurs, votre idée de créer un statut européen pour les lanceurs d'alerte. Le Parlement européen et l'Assemblée nationale se sont beaucoup mobilisés sur cette question.

Enfin, le « verrou de Bercy » est un problème bien réel. Il ne s'agit en aucun cas d'exposer les entreprises françaises à une concurrence déloyale, sachant d'ailleurs que, grâce au hacking, les entreprises chinoises ou américaines sont probablement mieux informées sur leurs comptes que ne l'est la commission des finances. Il n'est donc pas admissible que Bercy fasse ainsi obstacle aux enquêtes qu'entend légitimement mener l'administration fiscale sur des pratiques d'évitement. Pour ce qui concerne le Parlement, si le secret fiscal n'est opposable ni au président, ni au rapporteur général de la commission des finances, il n'en est pas de même pour les autres commissaires. Comment, dès lors, pensez-vous qu'il soit possible de nous donner des pouvoirs supplémentaires pour renforcer notre lutte dans la lutte contre l'évitement fiscal ?

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