Intervention de Philippe Martin

Réunion du 1er février 2017 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Martin :

Monsieur le président, mes chers collègues, c'est le 14 septembre 2012, lors de la première Conférence environnementale, que le Président de la République a annoncé la création d'une agence destinée à préserver notre biodiversité.

Soutenue par plusieurs ministres – un temps par moi-même –, puis menée jusqu'à son terme par la ministre Mme Ségolène Royal et la secrétaire d'État Mme Barbara Pompili, la création de l'Agence française pour la biodiversité est une réponse concrète à l'enjeu que représente la perte de biodiversité. Une réponse rendue possible par l'adoption de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, loi en faveur de laquelle votre Commission a joué un rôle déterminant dans plusieurs domaines.

Malgré le consensus qui s'est fait autour de l'idée que la biodiversité nous rend des services indispensables, celle-ci est en danger et s'érode à l'échelle de notre pays comme de l'Europe et de la planète. Selon les indicateurs de la stratégie nationale de développement durable, la biodiversité est le seul item actuellement « dans le rouge ». Il faut donc agir de manière positive, démontrer que la biodiversité n'est pas un « empêcheur de réalisation », mais un « pourvoyeur de solutions », en même temps qu'une source d'innovation, d'activité et de bien-être.

Pour ne pas être trop long, je ne reviendrai pas en détail sur les différentes dispositions de la loi, afin de mieux évoquer cette « maison commune » qui doit être celle de nos concitoyens qui s'engagent.

Le décret relatif à l'Agence française pour la biodiversité a été publié au Journal officiel, le 26 décembre dernier, et sa création officielle est intervenue le 1er janvier 2017.

Comme vous le savez, ce nouvel établissement public est le fruit de la fusion de plusieurs établissements : l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), l'Agence des aires marines protégées (AAMP) et les Parcs nationaux de France (PNF). L'Agence se substitue par ailleurs au groupement d'intérêt public « Atelier technique des espaces naturels » (ATEN), dissous le 1er janvier 2017.

La nouvelle Agence a également vocation à intégrer une partie des personnels du Muséum national d'histoire naturelle, ainsi que ceux de la Fédération des conservatoires botaniques nationaux.

Dans sa configuration définitive, elle comptera environ 1 300 collaborateurs.

De par la loi, dix parcs nationaux lui sont rattachés, ce qui signifie que, sans que les parcs fassent juridiquement partie de l'Agence, celle-ci a vocation à mettre en place avec eux des services communs dès cette année et à créer des synergies fortes. L'Établissement public du Marais poitevin a par ailleurs sollicité son rattachement à l'AFB, et il appartiendra au conseil d'administration de l'Agence de se prononcer sur cette demande.

La loi a globalement défini les missions de l'AFB, et le décret du 26 décembre 2016 en a précisé les modalités d'organisation et de fonctionnement. Les principales missions confiées à l'Agence concernent tous les milieux : terrestres, aquatiques, continentaux et marins.

Tout en reprenant les missions et attributions des quatre organismes intégrés, l'AFB orientera son action autour de quelques objectifs essentiels : préserver, gérer et restaurer la biodiversité ; développer des connaissances, des ressources, des usages et des services écosystémiques attachés à la biodiversité ; gérer les eaux de façon équilibrée et durable ; apporter un appui scientifique, technique et financier aux politiques publiques et privées, y compris le soutien aux filières des croissances verte et bleue ; lutter contre la biopiraterie.

Ces objectifs se déclineront en missions concrètes et je pourrai, si vous le voulez et si nous en avons le temps, vous présenter quelques-unes des premières initiatives envisagées par l'AFB en 2017.

Un autre aspect caractéristique de l'AFB est la volonté de concertation et de partenariat. L'Agence n'a en effet pas vocation à agir seule. Si elle veut réussir son ancrage sur le terrain, elle devra développer une culture de participation de tous les acteurs concernés ainsi que des citoyens eux-mêmes.

Les premiers partenaires seront, bien sûr, les collectivités territoriales – régions et départements – avec l'objectif de créer des agences régionales de la biodiversité. Les autres établissements publics – instituts de recherche et gestionnaires d'espaces naturels, acteurs socio-économiques, associations, fondations – seront toutefois aussi des partenaires essentiels.

L'AFB ne part pas d'une page blanche. Elle réunit des savoir-faire qui sont ceux des quatre organismes intégrés. Je veux, à cette occasion, saluer les agents de ces organismes, leurs compétences et leur engagement, car la réussite de l'Agence reposera sur eux

J'en viens à la gouvernance, qui s'organise sur trois niveaux, de la façon suivante.

Le conseil d'administration délibère sur les orientations stratégiques de l'établissement, les conditions générales de son organisation et de son fonctionnement, ainsi que sur sa politique sociale, mais aussi sur la création et la gestion des aires marines protégées, sur le budget et sur son règlement intérieur. Il peut déléguer une partie de ses attributions au directeur général, M. Christophe Aubel – que je salue, car il est un atout considérable pour l'organisation et la mise sur pied de l'Agence. Il est assisté par un conseil scientifique, actuellement présidé par M. Gilles Boeuf. Le mandat des membres du conseil d'administration est de quatre ans, renouvelable une fois, à l'exception des représentants de l'État.

A un deuxième niveau, des comités d'orientation thématiques seront constitués, dont trois sont prévus par la loi : milieux marins et littoraux, biodiversité ultramarine, milieux d'eau douce. Un quatrième est envisagé pour les espaces naturels.

Enfin, au troisième niveau, le Comité national de l'eau, le Comité national de la biodiversité et le Conseil national de la mer et des littoraux seront consultés sur les orientations stratégiques de l'Agence, qu'il s'agisse des contrats d'objectifs ou des programmes généraux d'activité et d'investissement.

L'organisation de l'Agence est à la fois multipolaire et territoriale, avec trois pôles géographiques pour les services centraux, à Brest, Montpellier et Vincennes ; sept directions régionales, trois directions interrégionales en métropole et une pour l'outre-mer, chapeautant quatre-vingt-quinze services départementaux ; six antennes de façade, dont trois outre-mer ; huit parcs naturels marins, dont deux outre-mer, et deux missions d'études pour un parc naturel marin. Les sites de Brest, Montpellier et Vincennes regroupent ensemble 350 personnes environ, ce qui veut dire que les 850 agents restants sont déjà déployés sur les territoires.

L'organisation de l'Agence repose également sur la direction de la recherche, de l'expertise et du développement des compétences, sur la direction de l'appui aux politiques publiques, sur la direction des parcs naturels marins, des parcs nationaux et des territoires, sur la mission communication et sur le secrétariat général.

Fin décembre, une décision interministérielle a arrêté le budget initial de l'Agence pour 2017.

L'élaboration de ce budget est adossée aux hypothèses suivantes : la reprise des résultats prévisionnels pour 2016 des quatre établissements constituant l'AFB au 1er janvier 2017 ; la prise en compte d'un prélèvement sur le fonds de roulement de l'ONEMA au profit du budget de l'État, prévu en loi de finances rectificative pour 2016, pour un montant de 70 millions d'euros, contribuant à la réduction de la dépense publique ; une prévision de recettes de 220 millions d'euros ; des dépenses qui intègrent les engagements des années antérieures, la poursuite des actions menées par les quatre établissements intégrés et des actions nouvelles.

Le plafond d'emplois pour 2017 est de 1 227 équivalents temps plein (ETP), et le montant de la masse salariale s'établit à 81,4 millions d'euros. Cette estimation a été élaborée à partir du « socle » de 2016, en lien avec les dépenses de personnel des quatre établissements. Les mesures nouvelles pour 2017 intègrent trente-sept créations de postes nouveaux, dont vingt-cinq en catégorie A et douze en catégorie B.

Telles sont les grandes lignes de ce que doit être notre nouvelle Agence française pour la biodiversité. Elle n'est pas en elle-même un aboutissement, mais le début d'une tâche à la fois immense et exaltante. C'est la première fois qu'il y aura, dans le monde, une agence nationale s'occupant exclusivement de la biodiversité. Elle sera ce que la loi a voulu, mais aussi ce que nous en ferons. Elle contribuera, après l'accord de Paris et la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, à faire de la France un pays d'excellence environnementale. Elle permettra de mieux installer dans le paysage des acteurs qui oeuvrent inlassablement, et parfois depuis longtemps, à la préservation et à la connaissance de la biodiversité.

Parmi les actions prévues en 2017 figurent, sans que cette liste soit exhaustive : la restauration d'un site Natura 2000 au large de Saint-Raphaël par l'enlèvement d'un récif artificiel en pneus immergés et dégradés ; le soutien technique et financier à l'animation du portail « 65 millions d'observateurs » ; le déploiement du programme « Atlas de la biodiversité communale », 500 de ces atlas devant être créés au cours des deux prochaines années.

Nous devons faire de l'Agence le coeur d'un réseau d'associations déjà engagées au service de la protection de la biodiversité, et qui travaillent aux côtés de l'État, des collectivités territoriales et de bien d'autres établissements publics, comme l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ou les agences de l'eau.

Mes chers collègues, au cours de ma carrière, administrative, puis politique, l'engagement qui fut le mien m'a appris à comprendre et à parler avec tous les acteurs de la protection de la nature, sans exclusive. Cet engagement en faveur de la biodiversité est pour moi à la fois philosophique, politique et pragmatique.

Philosophique, car je suis conscient du clin d'oeil que représente l'humanité dans l'histoire de l'évolution, sans rapport avec notre pouvoir de destruction d'aujourd'hui.

Politique, car je reste convaincu que nous devons inventer un nouveau modèle de développement, plus respectueux des personnes et de la planète, et que la transition nécessaire passera par plus de connaissance et plus de protection.

Pragmatique, parce que je viens du Gers et que, dans cette terre d'équilibre où cohabitent défenseurs de la nature, agriculteurs et chasseurs, j'ai appris que nous avions besoin de tous pour les combats que nous avons à mener ; je m'attacherai donc à rassembler tous ces acteurs.

L'Agence française pour la biodiversité a la chance de réunir des organisations dont la compétence en matière de protection de l'eau, de milieux aquatiques, d'aires marines protégées, de parcs nationaux, est précieuse et unique, notamment dans les domaines de l'ingénierie, de la formation et de la communication.

Ce sont des missions concrètes, qui s'organisent autour du principe de « solidarité écologique » consacré par la loi, et du lien que nous devons faire, en permanence, entre la préservation de la biodiversité et les activités humaines.

Je me consacrerai totalement à cette agence puisque je ne suis pas candidat aux élections législatives du mois de juin prochain. Je me sens prêt et enthousiaste à l'idée de m'engager, si vous l'approuvez, dans cette formidable aventure.

J'ai à l'esprit l'objectif qu'Hubert Reeves, avec ses mots, a assigné à notre agence : « L'Agence doit être dans l'action, pour donner à tous les milieux terrestres, aquatiques et marins, le droit d'exister et de produire les conditions d'une vie la plus joyeuse possible aux Terriens que nous sommes. »

Mes chers collègues, si vous m'en donnez la possibilité, je promets d'être un président sérieux, et j'essaierai d'être un président joyeux.

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