Intervention de Éric Ciotti

Séance en hémicycle du 7 février 2017 à 15h00
Sécurité publique — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

L’article 4, autre mesure centrale du projet de loi, complète la loi Savary du 22 mars 2016 en tirant les conséquences des enquêtes administratives. C’est le cas pour les salariés des entreprises de transport ; nous souhaitons aller plus loin, de façon à ce que les recrutements dans l’éducation nationale fassent l’objet d’une procédure similaire. Un président de conseil régional ou départemental, qui a la responsabilité des lycées et des collèges, ou un maire, qui a celle des écoles, doivent savoir qui ils recrutent, s’agissant notamment des personnels de services, ouvriers ou techniciens. Lorsque nous recrutons – je porte pour quelques mois encore la casquette de président d’une collectivité territoriale –, des personnels administratifs dans des services liés à la petite enfance, nous vérifions que ces personnes ne figurent pas dans le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, le FIJAISV. Cette disposition opportune a été adoptée de façon consensuelle. Nous réclamons de la même façon, pour les recrutements de personnels en contact avec des enfants, une procédure qui nous permette notamment de vérifier, via l’autorité administrative compétente, que les candidats au recrutement ne sont pas inscrits dans le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste – FSPRT. C’est là une mesure concrète et j’espère monsieur le ministre, que, conformément à l’esprit de consensus qui préside à l’examen de ce texte, vous entendrez nos arguments sur ce point.

Je salue certes la qualité de votre écoute, monsieur le rapporteur et monsieur le président de la commission des lois, mais l’ouverture et le consensus qui auraient pu présider à nos débats se sont finalement limités à l’adoption d’un de mes amendements tendant à conférer la qualité d’officier de police judiciaire aux directeurs d’établissements pénitentiaires et aux chefs de détention. Je m’en félicite et j’espère que vous ne reviendrez pas sur cette décision, les prisons constituant, hélas, l’un des lieux de la radicalisation, et les moyens dont disposent les autorités carcérales étant aujourd’hui bien insuffisants pour s’y opposer.

Monsieur le ministre, au-delà des pétitions de principe, nous attendons du Gouvernement qu’il prenne toute la mesure de la gravité de la situation à laquelle sont confrontées les forces de l’ordre. Vous franchissez certes un premier pas en alignant les conditions de légitime défense des policiers sur celles des gendarmes mais il faut aller plus loin.

En effet, la masse des faits de délinquance à traiter constitue un défi quotidien pour les enquêteurs, à qui l’on impose le suivi de procédures devenues trop lourdes et chronophages. Protéger les forces de l’ordre signifie aussi leur donner les moyens de mieux réprimer la délinquance, avec rapidité : la crainte que doit inspirer la force de la loi, détenue par ceux qui portent l’uniforme de la République, commence là.

Nous appelons tout d’abord de nos voeux une vraie simplification de la procédure pénale pour les policiers. Ce souhait n’est pas le mien mais celui de l’ensemble des représentants des forces de l’ordre. Tous nous enjoignent avec force de simplifier la procédure pénale ; tous nous disent qu’ils ne peuvent plus conduire les enquêtes tant les procédures administratives, les délais de présentation ou ceux liés à la garde à vue les privent d’un temps précieux pour les actes essentiels à l’élucidation des faits et pour l’exercice d’une enquête équitable.

À contre-courant de ce que la situation exige, la loi du 3 juin 2016, par exemple, a introduit toute une série de nouveaux droits au profit des personnes mises en cause, multipliant les actes administratifs à la charge des policiers et des gendarmes, au détriment de l’efficacité de l’enquête : je pense, entre autres, à la possibilité donnée à toute personne gardée à vue de s’entretenir avec un tiers pendant une durée maximale de trente minutes, disposition que les policiers considèrent – hâtivement peut-être – comme un droit de consulter un complice.

L’officier de police judiciaire peut certes s’opposer à cet entretien mais à la condition de motiver son refus. Pour les forces de l’ordre, ces mesures ne font que saper encore davantage la position de l’enquêteur dans le processus judiciaire. Aussi avons nous déposé des amendements tendant à simplifier la procédure pénale et j’espère que vous les accepterez.

Il est également devenu indispensable, monsieur le ministre, de recentrer les forces de l’ordre sur leur coeur de métier : la sécurité des Français. Actuellement, une part importante du temps des forces de l’ordre est détournée au profit de missions qui ne relèvent pas de ce coeur de métier et qui pourraient être efficacement assurées par d’autres acteurs.

En 2014, le volume de ces missions périphériques représentait presque 10 % de l’activité opérationnelle de la police : c’est considérable ; c’est trop. Nous défendrons par conséquent des amendements visant à confier certaines de ces missions à des entreprises de sécurité privée ou à la police municipale. Ces amendements ayant été rejetés en commission, j’espère, monsieur le ministre, que vous ferez preuve d’ouverture pour répondre à des attentes qui, bien au-delà des parlementaires de l’opposition, sont exprimées par les représentants de nos forces de police.

Face à une situation inédite, face au terrorisme, face à la violence exacerbée, face au malaise des policiers, toutes les forces de sécurité nationale doivent être mobilisées. Le rôle des polices municipales, essentiel et croissant en matière de tranquillité et de sécurité publiques, doit être accru. Le Sénat avait, en cette matière aussi, adopté des avancées significatives. À la demande du rapporteur, la commission des lois est revenue sur chacune d’entre elles.

Pourtant les polices municipales jouent un rôle de plus en plus essentiel en matière de sécurité, mais aussi de prévention. Dans cette optique, la qualité d’agent de police judiciaire devrait être conférée aux directeurs de police municipale. De plus, les policiers municipaux devraient être autorisés à procéder à des contrôles d’identité. Je n’ignore pas les difficultés d’ordre constitutionnel que de telles dispositions soulèvent, mais nous devons dès aujourd’hui ouvrir ce débat majeur.

Nous avons également déposé un amendement essentiel tendant à imposer le port d’arme aux policiers municipaux après qu’ils auront reçu une formation. En matière de terrorisme, vous connaissez l’importance des premiers intervenants sur le lieu d’un attentat. Les policiers municipaux, parce qu’ils sont présents sur la voie publique et portent un uniforme, peuvent être des cibles mais aussi ces primo-intervenants. Ils doivent donc être mieux protégés et, pour cela, être armés, et l’être obligatoirement : c’est la contrepartie que nous leur devons, en considération des missions de protection qu’ils assurent.

Enfin, il est pour le moins surprenant que le texte ne prévoie rien pour donner de nouvelles prérogatives utiles aux forces de l’ordre. Sur ce point encore nous défendrons des amendements, visant, en l’espèce, à assouplir les règles relatives aux contrôles d’identité, aux fouilles de véhicules et de bagages, l’objectif étant de doter les policiers et les gendarmes des mêmes prérogatives que celles dont disposent les agents des douanes, qui bénéficient d’un « droit de visite général ». Le cadre juridique en vigueur, bien trop contraint, n’est plus adapté à l’évolution de la criminalité et de la délinquance.

Depuis longtemps, les députés du groupe Les Républicains vous demandent d’aller plus vite et plus loin dans le combat contre le terrorisme et la délinquance en général. Pendant cinq ans vous avez hésité, tergiversé même, refusant nos propositions avant de les faire vôtres à plusieurs reprises, souvent trop tard malheureusement. Ces allers et retours permanents ont fait perdre du temps à notre pays et je crains que vous ne persévériez dans cette erreur.

On citera, comme exemples de mesures proposées par notre groupe et celui de l’UDI, auxquelles vous vous opposiez et que vous avez fini par adopter, la perpétuité incompressible pour acte de terrorisme : vous vous y opposiez ? Vous avez fini par nous suivre. La suppression de toute automaticité de réduction de peine en matière de terrorisme : vous vous y opposiez ? Vous avez fini par y venir. Le rétablissement de l’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs : vous vous y êtes opposés ? Vous avez fini par l’adopter. L’automaticité de la peine complémentaire d’interdiction de territoire français pour les étrangers condamnés pour un acte de terrorisme …

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