Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la sécurité publique qui survient au terme de la discussion de nombreux projets – déjà évoqués – visant à mieux protéger nos concitoyens constitue une réponse à l’agression au cocktail Molotov de quatre policiers à Viry-Châtillon et à la légitime revendication des forces de police pour disposer de moyens juridiques de légitime défense identiques à ceux de la gendarmerie. L’agression du Louvre dont ont été victimes des militaires du dispositif « Sentinelle » vendredi dernier en souligne la nécessité et la légitimité.
Plus directement, d’après moi, il constitue aussi par son article 4 et désormais son article 9 bis issu d’un amendement adopté en commission une forme d’achèvement juridique de la loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.
Cette loi, je vous le rappelle, visait à tirer les conséquences de l’attentat évité du Thalys, le 21 août 2015, en renforçant très sensiblement le dispositif de contrôle des passagers des transports terrestres urbains afin d’y prévenir, autant que possible, les actes terroristes.
J’ai toujours pris la précaution, à cette tribune comme à d’autres, de préciser qu’il s’agit de resserrer au maximum les mailles du filet sans pour autant prétendre instaurer une sûreté totale dans des modes de transport utilisés par des milliards de passagerskilomètre, chaque année, et grâce auxquels nous sommes libres de circuler. Chaque jour, pour plus de dix millions de personnes, ils offrent un service de première nécessité.
À cet égard, je voudrais dissiper ici une contre-vérité tenace selon laquelle la loi que je viens d’évoquer attendrait encore ses décrets d’application. En réalité, seules deux de ses dispositions, d’une grande complexité, ne sont pas encore opérationnelles. Je le réaffirme ici : les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP peuvent d’ores et déjà procéder à des palpations de sécurité, à des inspections visuelles de bagages, à l’issue desquelles ils peuvent interdire l’accès à un train, un métro, un bus, à ceux qui n’y consentent pas ; ils peuvent retenir une personne récalcitrante à un relevé d’identité pour en confier le contrôle ou la vérification à un officier de police judiciaire ; ils peuvent opérer des missions en civil et en arme dans les véhicules de transport ; ils peuvent déclencher leurs caméras-piétons lors de contrôle de personnes.
Les maires qui le souhaitent peuvent quant à eux confier à leurs polices municipales – sur une ligne ou l’ensemble d’un réseau de transport – la compétence de police des transports leur permettant d’opérer en province avec les mêmes prérogatives que la SUGE – surveillance générale – à la SNCF ou le GPSR, groupe de protection et de sécurisation des réseaux, à la RATP.
Enfin, les agents de police et les forces de gendarmerie disposent désormais de la prérogative de police des transports. Ils peuvent effectuer des vidéo-surveillances, des fouilles de bagages et de véhicules dans les emprises des entreprises de transports terrestres.
Toutes ces dispositions sont désormais pleinement applicables et se déploient au fur et à mesure de la formation des personnels. Au 31 décembre 2016, la seule SNCF avait réalisé 17 787 inspections visuelles de bagages, 6 524 fouilles, et opposé 5 241 interdictions d’accès aux trains.
Je l’ai évoqué : deux grandes dispositions de la loi doivent encore être mises en oeuvre.
La première concerne la lutte contre la fraude et la plateforme d’interrogation en cours de mise en place par l’union des transports publics pour pouvoir « tracer » un fraudeur et remonter jusqu’à son compte en banque. La seconde nous intéresse ici, en particulier l’article 4 de la loi dont nous débattons aujourd’hui : elle consiste à s’assurer que des individus potentiellement terroristes occupant des fonctions sensibles et susceptibles d’être utilisés pour perpétrer des attentats de masse en soient éloignés afin de prévenir un risque important pour les usagers.
L’article 4, amendé par le Sénat et par notre commission des lois, introduit à cet effet un nouveau motif réel et sérieux de licenciement si le reclassement du salarié « potentiellement dangereux » est impossible, soit en raison du refus de ce dernier, soit en raison de l’incapacité de l’entreprise à lui proposer un nouveau poste. Cette procédure dite de « criblage », qui peut être déclenchée par l’autorité administrative à la demande ou non de l’employeur, propose un détour procédural par les juridictions administratives qui doivent se prononcer, en première instance comme en appel, sur la validité du motif de licenciement afin que l’entreprise puisse l’invoquer. C’est donc en quelque sorte l’État, au titre de ses prérogatives régaliennes de sécurité publique, qui prendra et assumera la responsabilité du licenciement – si licenciement il y a – l’entreprise devant impérativement le mettre en oeuvre si elle ne trouve pas de solution de reclassement interne, comme l’a opportunément permis l’adoption en commission d’un amendement de notre collègue Goasdoué.
Ainsi, par le vote de cet article 4, la loi sera complétée d’un dispositif essentiel à la prévention des risques terroristes qui pourrait faire école dans d’autres secteurs d’activité si nécessaire.
Enfin, toujours dans le domaine des transports, nous avons introduit en commission après l’article 9 un amendement permettant aux agents de la SUGE comme à ceux du GPSR de poursuivre une action contre un contrevenant sur l’emprise de l’une ou l’autre entreprise – vous savez qu’aujourd’hui, les agents de sécurité sont limités à la domanialité de chacune d’entre elles. Cet amendement est extrêmement important en Île-de-France où, désormais, les polices de la RATP et de la SNCF pourront indistinctement prolonger leurs actions sur l’ensemble du réseau.