Intervention de Lord Llewellyn

Réunion du 26 janvier 2017 à 9h15
Mission d'information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations

Lord Llewellyn, ambassadeur du Royaume-Uni en France :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux d'être ici ce matin pour témoigner devant vous.

C'est un grand honneur et un privilège d'être en poste à Paris, dans un moment très important pour les relations entre nos deux pays. La France a toujours joué un rôle majeur dans ma vie professionnelle et personnelle.

Ma carrière, ces trente dernières années, a été axée sur les affaires étrangères, ce qui m'a amené à rencontrer déjà plusieurs d'entre vous. Avant d'être directeur de cabinet de David Cameron à Downing Street pendant six ans, j'ai passé treize ans à l'étranger : cinq ans à Hong-Kong, auprès de notre dernier gouverneur, Chris Patten, puis trois ans à Bruxelles, au sein de son cabinet ; cinq ans enfin à Sarajevo, au sein de la mission chargée de la reconstruction de la Bosnie.

Il se trouve que, par une incroyable coïncidence, le premier Français que j'ai rencontré lors de mon arrivée à Calais, il y a environ deux mois, pour prendre mes fonctions d'ambassadeur en France, était un policier de la police de l'air et des frontières avec lequel j'avais travaillé il y a onze ans à Sarajevo : cela m'a rappelé à quel point la France et le Royaume-Uni travaillent ensemble partout dans le monde pour défendre nos valeurs et nos intérêts communs.

Dès ma prise de fonctions, j'ai pu mesurer le caractère fort et unique de la relation qui unit nos deux pays. J'ai assisté à la cérémonie marquant le centenaire de la fin de la bataille de la Somme au cours de laquelle de nombreux soldats britanniques et français ont combattu côte à côte : parmi eux, mon arrière-grand-oncle, soldat britannique, mais également l'arrière-grand-père de ma femme, soldat français. J'ai également participé à l'émouvante commémoration du premier anniversaire de l'attentat du Bataclan ; ces cérémonies m'ont rappelé à quel point nos deux pays ont toujours su s'entraider dans les moments difficiles et comment ils continuent à le faire.

Ma mission en tant qu'ambassadeur comporte plusieurs priorités, au premier rang desquelles la relation entre la France et le Royaume-Uni. Cela signifie que, tout en faisant le maximum pour que les nouvelles relations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne soient un succès pour tous, je veux surtout oeuvrer à l'approfondissement de notre relation bilatérale, dans de nombreux domaines.

J'en viens à présent à la position du Royaume-Uni et à notre feuille de route concernant le Brexit. Avant d'entrer dans les discussions techniques, je tiens à dire que je suis conscient de l'émotion suscitée par le résultat du referendum, ici comme ailleurs.

La Première ministre Theresa May a prononcé la semaine dernière un discours majeur sur notre sortie de l'Union européenne, présentant notre plan pour le Brexit, notre vision du futur partenariat stratégique entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

Les principaux points développés par la Première ministre sont les suivants.

Nous quittons l'Union européenne mais nous ne quittons pas l'Europe. Nous resterons des partenaires fiables, volontaires et des amis proches de nos voisins, comme la France, avec lesquels nous partageons tant de valeurs et d'intérêts communs.

Je sais que les raisons du vote des Britanniques n'ont pas toujours été très bien comprises ; ce choix peut s'expliquer par la volonté de mes concitoyens de voir les décisions qui concernent leur vie prises par des élus qu'ils ont choisis et dont ils se sentent proches. Leur vote en faveur du Brexit reflète tout particulièrement l'attachement de notre pays à sa démocratie parlementaire et au rôle de notre Parlement, à Westminster.

Nous avons entendu la position des leaders de l'Union européenne sur la question de l'indivisibilité des quatre libertés relatives au marché unique. C'est pourquoi notre proposition est celle d'un accord de libre-échange audacieux et ambitieux, qui supprime autant que possible les freins au commerce des biens et des services. Nous voulons donner aux entreprises européennes et britanniques un maximum de liberté pour commercer ensemble et opérer sur leurs marchés respectifs.

Notre priorité, comme vous le savez, est de parvenir à un accord dès que possible, afin de garantir les droits des citoyens, qu'il s'agisse des Britanniques vivant dans les États membres de l'Union européenne ou des citoyens des États membres vivant au Royaume-Uni.

Nous voulons que la transition entre notre statut actuel d'État membre de l'Union et le nouveau partenariat que nous souhaitons voir naître soit aussi nette et fluide que possible, dans notre intérêt commun. Dans cette perspective, nous souhaitons qu'un accord sur ce futur partenariat soit signé dans les deux ans prévus par l'article 50.

Je veux insister sur les ambitions du nouveau partenariat que nous proposons : destiné à se substituer à la relation institutionnelle à laquelle nous renonçons, il doit être constructif, bénéfique pour les deux parties, et englober bien plus que les seules questions économiques. Nous souhaitons que notre coopération continue dans d'autres secteurs clefs, notamment la défense, la sécurité ou la recherche.

Je souligne que nous ne voulons pas déstabiliser le marché unique ni l'Union européenne. Au contraire, nous voulons que l'Union européenne soit une réussite et que ses États membres, qui sont nos alliés, nos voisins, nos amis, soient prospères.

Nous voulons aussi que les relations entre le Royaume-Uni et la France restent étroites. Pourquoi ? Pas seulement parce que nous sommes des amis, des voisins et des alliés, mais parce que nos deux pays, de taille similaire, partagent un héritage, des valeurs et des objectifs communs et qu'ils font face aux mêmes défis mondiaux. Si nous avons eu nos rivalités et nos différends – pour dire les choses en termes diplomatiques –, notre relation se fonde sur un profond respect mutuel ; il est donc clair que notre partenariat devra continuer à s'approfondir dans de multiples domaines.

En matière de défense tout d'abord : j'étais à Downing Street lors de la signature des accords de coopération de Lancaster House – qui sont l'un des accords dont je suis le plus fier. Depuis, notre coopération – qui se déploie sur de nombreux théâtres d'opérations extérieures comme au Mali, en Irak ou en Syrie – n'a cessé de se renforcer, à tel point qu'aujourd'hui un pilote britannique pilote un avion militaire français et inversement. En tant que membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies enfin, nos deux pays ont également une responsabilité particulière sur la scène internationale.

En matière de sécurité, j'ai pu, lors de mes années passées à Downing Street, mesurer l'étendue de notre coopération en matière de sécurité, notamment dans le cadre de la menace terroriste, mais également en amont, dans la lutte contre la radicalisation. Nous vivons dans un monde dangereux ; loin de réduire notre coopération, nous devons au contraire la renforcer dans ce domaine.

La recherche, les sciences et les technologies sont l'un des autres domaines dans lesquels se déploie notre coopération ; j'ai pu en voir de mes propres yeux de nombreux exemples. Ainsi, à l'occasion de son cinquantième anniversaire, j'ai visité la semaine dernière l'institut Laue-Langevin à Grenoble, un centre de recherche sur les neutrons qui réunit les Français, les Britanniques et les Allemands, et constitue un bel exemple de cette coopération scientifique.

Enfin, notre coopération dans le domaine énergétique est également essentielle : il n'est qu'à voir la signature de l'accord pour la construction d'un EPR par EDF à Hinkley Point, qui engage le Royaume-Uni pour plus de soixante ans, autrement dit vraiment sur le long terme.

Plus globalement, je lancerai très prochainement, avec ma collègue Sylvie Bermann, l'ambassadrice de France à Londres, un programme d'échanges de haut niveau, intitulé Young Leaders et visant à encourager les relations directes entre jeunes professionnels issus de divers États des deux côtés de la Manche.

Je suis donc très optimiste sur l'avenir de nos relations. Nous avons hâte de poursuivre un travail constructif ensemble, alors que nous entrons dans une période cruciale pour le futur de nos deux pays et de l'Europe.

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