Monsieur l'ambassadeur, nous nous connaissons depuis vingt-cinq ans. Nous nous sommes rencontrés une première fois à Hong Kong, où j'accompagnais Jacques Chirac, venu observer comment vous accompagniez la sortie – déjà ! – de Hong Kong du giron britannique, puis nous nous sommes revus à Sarajevo. Je suis donc très heureux de vous accueillir aujourd'hui, malgré mes regrets que l'ambiance ne soit pas franchement à la gaieté et que nous entrions dans une période complexe qui doit avoir le moins de conséquences négatives pour nos deux pays.
La dernière fois que les Anglais ont quitté le continent, si l'on excepte l'épisode de la poche de Dunkerque, c'était il y a cinq cent quarante-deux ans, lorsque fut signé le traité de Picquigny, aux termes duquel, Louis XI, sans doute le roi le plus intelligent qu'ait eu la France, paya à Édouard IV d'Angleterre une somme de 75 000 écus, assortie d'une rente annuelle, pour que les Anglais veuillent bien rentrer chez eux et nous ficher la paix… Or les négociations qui s'annoncent ne sont pas sans évoquer le traité de Picquiny, toute la question étant de savoir qui va payer.
Et c'est là que ça se complique. Plusieurs problèmes urgents se profilent devant nous ; nous devons donc éviter que cette affaire ne traîne trop car, même si Mme May affirme ne pas vouloir déstabiliser l'Europe, le seul fait que les négociations s'étirent en longueur, sur deux ans voire plus, sera extrêmement délétère pour ce qui reste de l'unité européenne. Je pense en particulier à tout ce qui touche à la désindustrialisation et à la délocalisation dont souffrent nos territoires – le cas de l'usine Whirlpool d'Amiens qui va être délocalisée en Pologne est à ce titre emblématique. Nos débats à cet égard sont assez voisins des vôtres…
Je souhaite donc que tout se passe le plus rapidement possible. Mme May a indiqué qu'elle voulait un divorce : eh bien, divorçons ! La première question dans un divorce concerne les enfants, en l'occurrence les citoyens. De mémoire, 1,2 million de Britanniques qui vivent sur le continent, dont de nombreux pensionnés qui vivent en France. Quelles sont vos intentions à leur égard ? Pourriez-vous par ailleurs nous dire ce qu'il en est des rumeurs de montée à Londres de manifestations de xénophobie à l'égard des citoyens européens, y compris français ? Que compte faire votre Gouvernement ?
J'aimerais également en savoir plus sur votre stratégie. En quoi consiste exactement l'accord de libre-échange que vous souhaitez ? Vous avez parlé d'un partenariat fort et ambitieux : quels domaines concernera-t-il ? Envisagez-vous un divorce à la norvégienne ? à la suisse ?
Enfin, l'unité du Royaume-Uni est-elle mise en danger par le Brexit et qu'implique-t-il dans votre organisation interne ?