Je viens de publier un livre dans lequel je donne des chiffres extrêmement précis sur ce qui va se passer en termes de flux migratoires – notamment en provenance d'Afrique du Nord, mais surtout du Sahel. Nous n'en sommes qu'au début. Il est bien évident que si la politique de contrôle des frontières de l'Union européenne se résume à du sauvetage en mer – ce qui a été le cas des opérations menées depuis l'arrivée au pouvoir de Matteo Renzi –, les trafiquants en profiteront pour faire fructifier leurs affaires puisqu'il leur suffit de téléphoner aux navires de l'OTAN et de l'Union européenne pour qu'ils viennent repêcher les migrants et les conduire ensuite en Italie d'où ils rentrent en France tous les jours. Demandez à Jean-Claude Guibal, collègue de la Commission des affaires étrangères, combien de migrants arrivent chaque jour à Menton. Ces gens se retrouvent ensuite à Paris, dans le quartier Stalingrad, puis à Calais. C'est sans issue. Je suis d'accord avec Mme Guigou lorsqu'elle dit que ce serait folie de revenir sur les accords du Touquet et d'ouvrir grand la frontière française car la situation deviendrait absolument ingérable – d'abord pour la France, ensuite pour le Royaume-Uni. La seule solution serait que l'Union européenne et l'Alliance atlantique changent de stratégie s'agissant de cette politique de contrôle des frontières maritimes. Tant qu'on en reste à du sauvetage en mer et qu'on ne reconduit pas les migrants sur les côtes libyennes, il n'y a aucune raison que cela s'arrête, au contraire : les parties rivales en Libye vont continuer à profiter du trafic. Mettre fin à ce dernier suppose que nos gouvernements prennent des actes peu populaires, certes pas très jolis à voir à la télévision ; mais si nous ne le faisons pas, nous en paierons le prix à Stalingrad, à Paris où les centres d'accueil sont totalement saturés et débordés, à Calais et dans d'autres villes de France. On ne peut pas continuer à nier la réalité et à essayer de vider des campements en distribuant à tout va le statut de demandeur d'asile à des gens qui, pour l'essentiel, sont des réfugiés économiques. Il est inadmissible de voir à quel point toutes les procédures sont détournées. Cela ne fait qu'aggraver les choses. Nous nous livrons vraiment à un jeu d'apprenti sorcier, tout cela à cause des images de télévision, des qui associations hurlent à la mort et de la peur de passer pour des méchants. Mais ceux qui deviennent méchants, ensuite, ce sont ceux qui en vivent les conséquences à Stalingrad et à Calais.
Lord Llewellyn. Madame Guigou, je suis entièrement d'accord avec vous sur le fait que nous devons continuer à travailler ensemble à Calais. J'aurais dû préciser que la convention de Dublin nous oblige à accueillir sur notre territoire les mineurs isolés ayant des liens avérés avec notre pays et que cela restera évidemment le cas. Lorsqu'on se rend à Calais, on s'aperçoit à quel point nous y avons conjointement renforcé les équipements de sécurité. Nous continuerons à vous aider à sécuriser la zone portuaire et les abords du tunnel de la Manche, mais nous voulons à tout prix éviter un appel d'air à Calais – qui risquerait de se produire si les gens pensaient que cette frontière était soudain ouverte.
La Libye est évidemment un défi majeur. Nous devons continuer à travailler ensemble en tant que communauté internationale, aux Nations unies et avec nos partenaires européens pour essayer de renforcer le fragile gouvernement en place. Il faut faire en sorte que la Libye dispose des moyens de contrôler son propre littoral, ce qui n'est pas du tout le cas aujourd'hui. Nous devons aussi continuer à travailler ensemble pour détruire ces filières de passeurs, améliorer nos capacités de renseignements et renforcer les frontières extérieures de l'Union. Le Royaume-Uni contribue à cet effort en Italie et en Grèce. C'est un exemple des défis auxquels nous allons continuer à faire face ensemble quand le Royaume-Uni aura quitté l'Union européenne car nous resterons un pays engagé en Europe.