Intervention de Didier Migaud

Séance en hémicycle du 8 février 2017 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les députés, les juridictions financières publient de nombreux rapports tout au long de l’année, mais la présentation du rapport public annuel demeure un rendez-vous inéluctable, un point culminant de notre calendrier.

En effet, ce rapport permet à la Cour et aux chambres régionales de rendre compte d’une partie de leurs constats, de leur impact effectif sur l’action publique et de leur activité, tout en satisfaisant à leur obligation constitutionnelle de contribuer à l’information des citoyens.

Au sujet de l’activité des juridictions, je veux citer quelques éléments.

En 2016, le champ des compétences juridictionnelles de la Cour et des chambres régionales couvrait plus de 17 000 organismes. Les chambres régionales ont publié 612 rapports d’observations définitives portant sur la gestion et les comptes des collectivités territoriales, des hôpitaux, d’autres institutions locales, auxquels s’ajoutent les avis de contrôle budgétaire et les jugements, et plus de 1 000 travaux correspondant à nos différents métiers ont été conduits par les chambres de la Cour.

Parmi ces métiers, vous l’avez rappelé, monsieur le président, figure l’évaluation des politiques publiques, à laquelle la Cour contribue, sur laquelle nous faisons le point dans ce rapport public annuel. En 2016, à votre demande, nous avons évalué la régulation des jeux d’argent et de hasard et les aides à l’accession à la propriété. J’en profite pour me réjouir avec vous de la qualité des relations entre la Cour et le Parlement, qui témoigne de l’intensité et de la portée de la mission d’assistance de notre institution à la représentation nationale.

Naturellement, nous ne nous contentons pas de poser tous ces travaux sur la table, nous en suivons très attentivement les effets, en analysant les suites apportées à nos recommandations : 72 % des recommandations émises au cours des trois dernières années ont été au moins partiellement mises en oeuvre et près de 25 % l’ont été entièrement.

Ce que mesurent ces constats, c’est à la fois la réalité des efforts des agents publics pour appliquer nos recommandations, et donc l’impact effectif sur l’action publique des travaux des juridictions financières, et le chemin qu’il reste à parcourir pour améliorer l’efficacité et l’efficience de nos services publics.

Je voudrais à présent vous faire part des idées-forces que je retiens des travaux présentés aujourd’hui.

Premièrement, les progrès constatés depuis 2010 dans la situation de nos finances publiques sont réels mais demeurent fragiles. Des efforts accrus de maîtrise des dépenses seront nécessaires pour que la France soit capable de stabiliser puis de réduire son niveau de dette, et de respecter la trajectoire sur laquelle elle s’est engagée à travers son Gouvernement et son Parlement.

Deuxièmement, pour accroître l’efficacité et l’efficience des services publics, une dynamique de modernisation s’est amorcée dans de nombreux secteurs. Elle demande à être amplifiée et doit concerner tous les domaines de l’action publique.

Troisièmement et enfin, pour accompagner et renforcer cette dynamique, les juridictions financières s’attachent à identifier les freins persistants qui l’entravent et à mettre en valeur les conditions de sa réussite.

J’en viens maintenant à mon premier message, qui concerne la situation de nos finances publiques, appréciée au regard des derniers éléments disponibles.

À première vue, on pourrait se réjouir et se satisfaire de l’évolution récente de nos grands agrégats financiers. En 2016, le déficit public devrait à nouveau se réduire selon les prévisions du Gouvernement. Le solde public s’établirait pour l’année 2016 à 3,3 points de PIB, ce qui représente une amélioration de 0,2 point par rapport à 2015.

Plusieurs éléments conduisent néanmoins à relativiser la portée des progrès enregistrés, qui demeurent fragiles. Tout d’abord, la France est, avec l’Espagne, le Portugal et la Grèce, l’un des quatre pays de la zone euro qui sont encore placés en procédure de déficit public excessif.

Ensuite, la maîtrise apparemment accrue de nos dépenses publiques doit être mise en perspective. Au-delà des efforts d’économies qui ont été engagés, et que nous constatons, des facteurs indépendants de la volonté des pouvoirs publics ont contribué à une maîtrise accrue des dépenses et au respect de la trajectoire : l’évolution à la baisse des taux d’intérêt, à laquelle sont dus 40 % de la réduction du déficit public intervenue depuis 2011, et la baisse de notre contribution au budget européen.

En dernier lieu, le niveau de notre dette publique est toujours préoccupant. Établi à quatre-vingt-seize points de PIB, il est supérieur au niveau de dette moyen des États de la zone euro.

Sa stabilisation en 2016, telle qu’elle a été prévue par le Gouvernement, a été facilitée par des facteurs exceptionnels et par la poursuite de l’utilisation, par l’Agence France Trésor, d’un volume élevé d’émissions sur des souches anciennes, c’est-à-dire à des taux supérieurs à ceux du marché actuel. Cette pratique, qui freine dans un premier temps l’évolution de l’endettement en permettant l’encaissement de primes à l’émission, aura comme contrepartie d’alourdir corrélativement dans les années à venir la charge de la dette et le besoin de financement de l’État – c’est en tout cas un risque.

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