Enfin et surtout, s’il se stabilise, le niveau de notre dette ne se replie pas, alors même que celui de certains de nos voisins européens, comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, a continué de baisser en 2016.
En 2017, selon les prévisions du Gouvernement, l’amélioration de nos comptes devrait s’accentuer plus sensiblement. En effet, alors que l’objectif de réduction du déficit était de 0,2 point en 2016, celui de 2017 a été fixé à un niveau beaucoup plus ambitieux, à 0,6 point.
Si les juridictions financières appellent à nouveau à faire preuve de prudence vis-à-vis de ces prévisions, ce n’est pas parce qu’elles font profession de pessimisme. C’est au contraire parce qu’elles considèrent que, sans prévisions réalistes, il n’existe pas de choix éclairés. Or les prévisions actuelles ne semblent pas assez prudentes.
Elles comportent une évaluation optimiste des recettes publiques. Celle-ci repose d’une part sur une prévision de croissance économique pour 2017 qui avait été jugée un peu élevée par le Haut Conseil des finances publiques en septembre dernier et sur l’hypothèse d’une croissance spontanée des prélèvements obligatoires supérieure à ce que dicterait la prudence.
Du côté des dépenses publiques, les prévisions de déficit intègrent effectivement une nette accélération, qui s’explique notamment par une progression de plus de 3 % de la masse salariale de l’État en 2017. La Cour estime néanmoins que cette prévision de croissance des dépenses risque d’être sous-estimée, aussi bien pour l’État que pour la Sécurité sociale. En définitive, l’objectif d’un déficit à 2,7 points de PIB en 2017 sera très difficile à atteindre.
Comme j’ai eu l’occasion de le souligner il y a quelques semaines lors de notre audience solennelle de rentrée, le respect de la trajectoire adoptée par vous-mêmes dans la dernière loi de programmation des finances publiques appellera des efforts supplémentaires en matière de dépenses. Ceux-ci seront d’autant plus exigeants que plusieurs tendances lourdes s’apprêtent à peser comme autant de contraintes supplémentaires sur la situation des finances publiques.
Je veux parler ici de la remontée des taux d’intérêt, qui est en train de se concrétiser, de l’évolution de notre contribution au budget de l’Union européenne, qui, selon les prévisions même de la Commission, devrait recommencer à s’accroître, et enfin du choix souverain de notre pays de renforcer ses efforts en matière de sécurité intérieure et extérieure, ce qui ne manquera pas d’avoir des conséquences budgétaires.
Maîtriser les dépenses publiques, cela ne signifie pas qu’il faille sacrifier la qualité du service public offert aux citoyens. Au contraire, ce que montrent de nombreux exemples du rapport public annuel, ce sont des démarches d’amélioration possibles, qui reposent sur le souci d’accroître la capacité des organismes publics à répondre aux besoins réels des citoyens, tout en utilisant plus efficacement chaque euro dépensé.
Les pouvoirs publics ne sont pas restés inactifs face au défi de la modernisation. Des efforts réels ont souvent été engagés par les administrations pour accroître la performance des services publics. C’est mon deuxième message.
Certains de ces efforts manifestent une volonté de mieux organiser les politiques publiques par la formalisation d’une stratégie reposant sur des priorités et des instruments explicites, ainsi que par la clarification des rôles de chacun. Si ces réformes sont parfois très récentes, elles constituent des avancées dont la Cour sera attentive à suivre les effets.
Je citerai rapidement deux exemples. Tout d’abord, la création par regroupement du nouvel opérateur Business France, qui a permis un meilleur centrage des actions de l’État en matière d’appui à l’internationalisation de l’économie française, grâce à un partage des rôles avec les chambres de commerce et d’industrie, et à la définition d’axes stratégiques prioritaires.
Second exemple : la réforme de l’externalisation du traitement des demandes de visa à l’étranger, qui a atteint son objectif de désengorgement des consulats tout en offrant un service de bien meilleure qualité sans peser sur les finances publiques.
La Cour constate également, dans certains secteurs, des efforts d’amélioration des processus de gestion, destinés à les rendre plus rigoureux et plus efficients. Les exemples sont divers. Ils concernent entre autres le sujet sensible des achats de maintenance et du maintien en condition opérationnelle des matériels militaires, ou le recours par Pôle emploi à des opérateurs privés, dont les limites avaient été soulignées dans un rapport remis par la Cour au Parlement en 2014.
Vous le voyez, des progrès de nature diverse sont à l’oeuvre, et nous les relevons chaque fois que nous les constatons, en soulignant les contraintes fortes auxquelles les administrations ont parfois dû faire face.
C’est le cas, par exemple, de la politique d’hébergement des personnes sans domicile. La Cour relève que cette politique a enregistré des progrès notables en matière de capacité d’accueil et de conditions de prise en charge des bénéficiaires. Toutefois, l’impact de la crise économique et du contexte international n’a pas permis une adaptation suffisante à des besoins sans cesse croissants, le nombre de personnes sans domicile ayant augmenté de façon massive – plus précisément de 44 % – en dix ans.
Au-delà d’un contexte difficile, le rapport public annuel relève que les initiatives prises pour améliorer la performance des politiques publiques se heurtent trop souvent à des obstacles d’ordre interne. Ceux-ci ont parfois dévoyé ou limité les effets des réformes nécessaires. Dans certains cas, ils les ont tout à fait empêchées d’advenir.
La Cour et les chambres régionales des comptes s’attachent à les identifier et à mettre en valeur les conditions à réunir pour les dépasser. C’est l’objet de mon troisième et dernier message.
Le premier frein est le défaut d’adaptation des missions et des objectifs prioritaires des administrations publiques. C’est la principale conclusion du chapitre portant sur le Muséum national d’histoire naturelle, qui n’a pas su faire face à la multiplicité des sites qu’il gère et à la nécessité de choisir un axe stratégique de développement.
Le deuxième frein identifié par la Cour est le caractère inadapté de l’organisation institutionnelle, autrement dit, le manque de clarté ou de pertinence du partage des responsabilités et des tâches.
À cet égard, l’exemple des travaux portant sur le stationnement urbain est particulièrement significatif. Il montre en effet l’incohérence de la répartition des compétences entre les communes et les structures intercommunales, qui peut entraîner une incohérence dans l’action.
Autre exemple : le projet de constitution du pôle scientifique et technologique de rang mondial Paris-Saclay, qui ne repose sur aucune stratégie ou gouvernance d’ensemble, et dont les différents volets évoluent donc de façon très inégale, insuffisamment coordonnée et rythmée.