Je souscris à l’argument de M. le garde des sceaux selon lequel il importe de ne pas rigidifier la loi. J’y suis particulièrement sensible car j’ai été de ceux qui ont prôné, il y a maintenant quelques années, la création des unités dédiées sur le modèle de l’expérience menée à Fresnes à l’automne 2014. La situation a évolué depuis lors. Le nombre de détenus a augmenté et augmentera plus encore au cours des années à venir en raison de l’augmentation du nombre de procédures visant ceux qui reviennent en France.
Par ailleurs, le public en détention, préventive ou définitive après condamnation, présente une certaine diversité, comme je l’ai constaté lors de déplacements dans le cadre de la mission que m’a confiée le Premier ministre en 2015 mais également grâce au travail que nous avons mené dans le cadre de la commission d’enquête présidée par Georges Fenech. On y trouve des prosélytes, qu’il faut en effet isoler. Tel est le sens de la nouvelle expérimentation évoquée par M. le garde des sceaux. Il s’agit de détenus potentiellement dangereux susceptibles de contaminer une prison et de porter atteinte aux surveillants.
Mais on trouve aussi parmi ceux qui ont été condamnés ou qui sont détenus pour des faits de terrorisme des individus sous influence, d’esprit plus faible, qui doivent faire l’objet de programmes spécifiques, ce qui est le cas : il existe des programmes de désengagement ou de déradicalisation – leur nom importe peu – permettant d’agir. Il importe que les directeurs d’établissement pénitentiaire puissent apprécier au cas par cas, grâce à la mise en place des quartiers d’évaluation de la radicalisation, la dangerosité ou le degré de radicalisation de tel ou tel individu.
Je rappellerai enfin deux choses. D’une part, il existe une constante : on ne peut pas décalquer le même système à tous les détenus. En prison comme à l’extérieur, il faut adopter une approche individualisée et pluridisciplinaire, ce qui explique l’importance des programmes et de l’évaluation de la dangerosité.
D’autre part, certains détenus sortiront de prison au cours des prochaines années car, même si la politique pénale a évolué depuis un an, ceux qui rentraient de Syrie ou d’Irak étaient jusqu’à présent condamnés à six ou sept ans de prison. En dépit de la criminalisation de ces faits par le procureur de la République, qui permet de les condamner à des peines plus longues, certains détenus sortiront donc de prison au cours des années à venir. Il faut dès lors éviter qu’il s’agisse de sorties sèches, pour ainsi dire, dépourvues d’accompagnement par des programmes de désengagement. Il y a là un véritable enjeu.
Je pense comme vous que le milieu carcéral est un enjeu particulier, chère collègue, sur lequel la France a essayé d’avancer, mais il n’existe aucun système en Europe ou ailleurs dans le monde sur lequel nous calquer.