Intervention de Françoise Descamps-Crosnier

Réunion du 8 février 2017 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Descamps-Crosnier :

L'ordonnance dont la ratification nous est proposée aujourd'hui est issue d'une habilitation inscrite dans la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie, aux droits et obligations des fonctionnaires. Ayant rapporté ce projet de loi à l'Assemblée nationale, j'ai bien sûr prêté une attention particulière à ce texte.

La rapporteure a décrit les apports et modifications apportés au code des juridictions financières. L'ordonnance modernise les dispositions relatives aux missions et à l'organisation de ces juridictions, ainsi que les procédures applicables ; elle réorganise l'architecture du code et supprime des dispositions devenues obsolètes, y compris sur le plan de la sémantique.

L'ordonnance intervient également dans le domaine statutaire : c'est notamment sur cette partie qu'il nous faut faire preuve de vigilance. Elle apporte un certain nombre d'améliorations en adaptant aux juridictions financières les avancées que comporte la loi du 20 avril 2016. Je pense particulièrement aux garanties disciplinaires – cas du rétablissement de l'agent dans ses fonctions, conduite à tenir en cas de poursuites pénales, etc.

Sur le fond, les modifications vont dans le bon sens. Sur la forme, l'ordonnance demeure dans le périmètre fixé par la loi. Il n'y a ainsi pas de difficultés de ce point de vue, comme l'a souligné notre rapporteure, et le groupe Socialiste, écologiste et républicain votera donc sans difficulté ce projet de loi.

Tout juste pourra-t-on peut-être regretter que quelques mesures un temps envisagées n'aient pas trouvé de traduction dans le texte qui nous est soumis. Il aurait pu être souhaitable d'encourager davantage encore l'ouverture des juridictions financières, tout particulièrement de la Cour des comptes, et la création de passerelles pour la bonne respiration des corps concernés dont l'excellence est connue de tous. Si la création des « conseillers experts » prévue par l'article 2 de l'ordonnance me semble une bonne chose, de même que la diversification du recrutement par le tour extérieur, je regrette, à titre personnel, qu'on ne soit pas allé plus loin dans l'ouverture de la Cour des comptes aux membres des chambres régionales.

Je voulais profiter de ce projet de loi pour évoquer une question qui touche non seulement les juridictions financières mais également les juridictions administratives : certains de leurs membres sont soumis, au titre de la loi du 20 avril 2016, à l'obligation de déclarer leur situation patrimoniale.

Nous avons, la semaine dernière, voté la proposition de loi organique relative aux obligations déontologiques applicables aux membres du Conseil constitutionnel, que rapportait notre collègue Cécile Untermaier. Cette proposition visait à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 2016 : pour une raison de forme, le Conseil avait censuré l'obligation faite à ses membres de déclarer leur situation patrimoniale, qui avait été insérée dans la loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats.

Cette décision a aussi invalidé une partie de l'article 50 de la même loi organique qui déterminait les catégories de magistrats judiciaires soumises à l'obligation de déclarer leur situation patrimoniale, au motif qu'il n'était pas légitime d'instaurer une différence de traitement entre magistrats. Pour résumer, soit tous les magistrats doivent établir une déclaration, soit aucun ne le peut.

La loi du 20 avril 2016, qui étend l'obligation de déclarer leur situation patrimoniale à certains magistrats des juridictions administratives et financières en raison de l'importance des fonctions qu'ils exercent, n'a pas été soumise au Conseil constitutionnel, mais le même raisonnement pourrait s'appliquer. Le décret en Conseil d'État, qui est nécessaire pour que s'appliquent les obligations en matière de déclarations de situation patrimoniale, pourrait dès lors ne jamais voir le jour, ce qui irait clairement à l'encontre de la volonté du législateur.

Je tenais à souligner cet état de fait, qui invalide une partie du dispositif construit depuis 2013 en matière de transparence de la vie publique : la prochaine législature devra se pencher sur ce sujet.

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