Enfin et surtout, nous tenons à formuler des observations de portée plus générale et plus prospective qui sont valables au-delà du « cas » méditerranéen.
La marine française est la seule marine européenne réellement présente et crédible en Méditerranée, car en mesure d'agir sur l'ensemble du spectre des missions. Quelles sont à l'heure actuelle les « vraies » marines en Europe, capables matériellement et prêtes « psychologiquement » à mener tout type de missions et d'opérations, y compris de haut du spectre ? La marine britannique reste une grande marine mais elle fait face à des défis majeurs, tant en termes de ressources humaines qu'en termes capacitaires. La marine allemande, à l'image de l'ensemble des forces armées de ce pays, n'a pas encore manifesté concrètement sa volonté à s'impliquer davantage dans les affaires stratégiques du monde. La marine italienne s'est, en quelque sorte, « démilitarisée ». Elle mène quasi exclusivement des opérations de simples garde-côtes et a perdu des compétences critiques dans certains domaines essentiels.
Il ne s'agit pas faire preuve d'arrogance ou de condescendance, au contraire : les exemples de nos voisins et alliés doivent nous inciter à la plus grande vigilance. Car le temps militaire est un temps long. Porter l'effort de défense et le maintenir à un niveau cohérent par rapport aux menaces, aux priorités politiques et aux nécessités et responsabilités stratégiques suppose une rigueur et des efforts constants et durables.
Pour faire face aux enjeux actuels, pour assurer la préservation de nos intérêts nationaux, de ceux de nos alliés et le respect du droit international, il est nécessaire pour notre pays d'avoir une marine cohérente et complète, qui dispose de l'ensemble des matériels et maîtrise l'ensemble des compétences lui permettant d'agir sur toute la palette opérationnelle.
Nous partageons donc le constat opéré par d'autres collègues avant nous et estimons qu'il est impératif que l'Union européenne tienne enfin compte des efforts que la France est souvent bien seule à assumer pour assurer la sécurité des Français, mais aussi de l'ensemble des Européens. Cela peut passer, notamment, par une neutralisation au moins temporaire d'une partie des dépenses de défense pour le calcul des règles de déficit excessif.
Si l'on devait constater un désengagement américain au sein de l'OTAN et si l'Union européenne se voyait contrainte d'augmenter son effort de défense, une telle modification des règles budgétaires européennes n'en serait que plus légitime.
Notre marine constitue une force multi-missions unique en Europe, dont il faut conserver et même renforcer les capacités. Comme l'affirmait à raison un autre président américain, Theodore Roosevelt, « Une marine puissante ne constitue pas une provocation à la guerre. Elle représente la meilleure garantie pour la paix. » Une telle appréciation s'applique naturellement, au-delà des seules forces navales, aux forces armées dans leur globalité.