Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, afin d’organiser et de maîtriser l’expansion urbaine des années 1960, le Gouvernement a conduit une politique d’aménagement de villes nouvelles. Elles ont été construites autour de trois idées fortes : le polycentrisme, la lutte contre les grands ensembles et la recherche de la mixité sociale. Cette politique a concerné neuf sites en France, dont cinq villes nouvelles en Île-de-France : Sénart, Saint-Quentin-en-Yvelines, Évry, Cergy-Pontoise et Marne-la-Vallée.
Pour organiser la coopération nécessaire entre les communes de ces territoires, des syndicats d’agglomération nouvelle, les SAN, ont été créés, et investis de compétences spécifiques déterminées par la loi pour la réalisation de l’agglomération nouvelle. Ce statut avait une vocation transitoire et les SAN étaient appelés à se transformer en communauté d’agglomération à l’achèvement des opérations de construction et d’aménagement des villes nouvelles.
La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, a prévu la suppression du statut de syndicat d’agglomération nouvelle au 1er janvier 2017, ce dernier ayant dans les faits disparu au 1er janvier 2016.
Véritable instrument de la politique d’aménagement du territoire, les syndicats d’agglomération nouvelle ont bénéficié du soutien financier de l’État : recours à l’emprunt facilité, aide au financement des investissements, dotations.
Sur ce dernier point, dès la création de la dotation d’intercommunalité consécutivement à l’adoption de la loi Chevènement de 1999, un statut particulier a été réservé aux SAN. Leur potentiel fiscal a été pondéré afin de tenir compte de leurs charges particulières. Il est vrai que ces communes ont fait face à un dynamisme de la population hors norme nécessitant des investissements lourds et une offre de logement en perpétuelle augmentation, qu’il était donc nécessaire de prendre en compte dans le calcul des dotations.
Cette modalité de calcul dérogatoire du potentiel fiscal a été maintenue dans le temps pour bénéficier aux EPCI ayant intégré un SAN au fil des réformes territoriales. Ainsi, le Gouvernement a souhaité maintenir les droits existants des SAN postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi NOTRe en prenant une disposition en loi de finances pour 2016 qui vise, d’une part, les communautés d’agglomération issues de la transformation de syndicats d’agglomération nouvelle et de leurs communes membres ou créées par fusion d’établissements publics de coopération intercommunale avec un syndicat d’agglomération nouvelle, et, d’autre part, les communautés d’agglomérations créées par fusion d’établissements publics de coopération intercommunale – EPCI – dont une communauté d’agglomération issue d’un syndicat d’agglomération nouvelle.
Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité étendre cette modalité dérogatoire de calcul de la richesse d’un territoire aux dotations de péréquation horizontales. Ainsi, pour le calcul des contributions et reversements au fonds de péréquation intercommunal et communal, le potentiel fiscal agrégé de l’ensemble intercommunal issu d’un SAN est pondéré pour la part du potentiel fiscal correspondant aux anciens SAN.
Cet ensemble de mesures favorables aux SAN était de nature à accompagner ces territoires aux charges particulières, dont l’endettement est très supérieur à la moyenne nationale.
À l’occasion des débats sur la loi de finances rectificative pour 2016 a été examiné un amendement parlementaire qui visait à limiter l’application de la pondération du potentiel fiscal à la seule cotisation foncière des entreprises. Le dépôt tardif de cet amendement quelques heures seulement avant sa discussion, comme l’a évoqué voilà quelques instants le rapporteur, n’a pas rendu possible la réalisation d’une étude d’impact et donc l’évaluation réelle des effets sur les finances des collectivités concernées.
Christian Eckert, mon collègue du budget, s’en est néanmoins remis, au nom du Gouvernement, à la sagesse de l’Assemblée, considérant que l’amendement n’avait pas d’impact sur les équilibres budgétaires de l’État, et parce qu’il avait été présenté comme plus conforme à l’intention du législateur que la mesure votée en loi de finances initiale pour 2016.
Mesdames, messieurs les députés, je profite de cette intervention pour rappeler l’importance de la prévisibilité pour les collectivités et de l’attention que nous devons porter collectivement à des changements soudains des règles du jeu fiscal. Nous devons travailler ensemble, le plus en amont possible, pour que le Gouvernement puisse étudier l’impact financier des amendements dans de bonnes conditions et que le Parlement puisse en conséquence se prononcer de manière éclairée, en connaissance de cause.
Cela m’amène à évoquer dès à présent un amendement que le Gouvernement a déposé, et dont nous discuterons plus en amont. Lors des débats sur la loi de finances, les rapporteurs de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ont exprimé le souhait que les parlementaires soient mieux associés aux décisions d’attribution de subventions d’investissement par l’État aux collectivités territoriales. Il s’agit du FSIL – Fonds de soutien à l’investissement local –, qui a été renouvelé et augmenté en 2017, passant de 1 à 1,2 milliard d’euros, et de la DETR – dotation d’équipement des territoires ruraux –, qui a augmenté de 62 % en trois ans pour atteindre 1 milliard d’euros. Je souscris à cette demande ; j’avais d’ailleurs donné une instruction en ce sens aux préfets par circulaire dès ma prise de fonction.
Les rapporteurs ont souhaité aller plus loin et prévoir la présence de parlementaires aux commissions d’élus réunies autour du préfet pour répartir la DETR. Cependant, au vu du nombre de parlementaires dans certains départements, et j’avais évoqué le sujet au moment de l’examen de la loi montagne, il était nécessaire de prévoir des représentants désignés par l’Assemblée nationale et le Sénat. Si l’intégration de quatre parlementaires dans une commission ne pose aucun problème, il en va différemment lorsqu’ils sont quinze ou vingt, et donc plus nombreux que les élus représentant les communes et les intercommunalités. Tel était le sens de l’amendement présenté par les rapporteurs de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », auquel j’avais donné un avis favorable.
Nous sommes aujourd’hui dans une situation de blocage s’agissant de la DETR, car les désignations par les bureaux des assemblées n’ont pas encore pu intervenir. Or, les commissions DETR se tiennent traditionnellement en février, pour permettre une première série d’attributions de la dotation en mars, attendue par nos collègues élus communaux et intercommunaux. Il va de soi que si nous ne prenons pas de décision, en application de la loi ces commissions ne peuvent pas se réunir.
Or, l’Assemblée nationale comme le Sénat seront renouvelés prochainement. Voilà qui pose un vrai problème, alors que je m’emploie depuis un an à relancer l’investissement local, et que les crédits nécessaires ont été déployés pour servir cet objectif dont nous avons fait une priorité. Il ne faut pas que des obstacles techniques entravent notre action. C’est pourquoi je vous proposerai de reporter l’entrée en vigueur de ce dispositif visant à intégrer des parlementaires dans les commissions DETR après les élections législatives et sénatoriales – nous respecterons ainsi le parallélisme des formes – et d’attacher le mandat de représentant au sein des commissions d’élus au mandat électif, comme c’est le cas pour les maires.
Ainsi, dans les départements de moins de cinq parlementaires, les décisions prises en 2017 par les commissions qui ont pu se réunir restent valables. En revanche, la désignation dans les départements de cinq parlementaires et plus serait reportée au 1er janvier 2018. Ce délai laissera le temps aux assemblées de procéder aux désignations pour une représentation des parlementaires stabilisée à partir de 2018 et évitera de compliquer la répartition de la DETR 2017, qui est indispensable et attendue par nos collègues.
Pour revenir à l’objet principal de cette séance, le Gouvernement est aujourd’hui appelé à se prononcer sur cette proposition de loi qui vise à revenir au statu quo ante, considérant après analyse que l’amendement voté en loi de finances rectificative a des effets trop violents pour ces territoires encore fragiles.
Je suis, vous le savez, très attaché au principe de stabilité financière, qui devrait d’ailleurs être plus présent dans nos esprits lors des débats au Parlement, et que j’ai cherché à mettre en oeuvre dès ma prise de fonction. Il me semble que les modifications intempestives et non maîtrisées qui peuvent intervenir parfois pour de très bonnes raisons dans notre organisation territoriale et financière ne facilitent pas l’exercice du mandat d’élu local. Le Gouvernement donnera donc un avis favorable à cette proposition de loi, qui vise à éviter une rupture trop brusque des conditions de préparation des budgets des intercommunalités concernées.
Cependant, j’entends les arguments selon lesquels la minoration du potentiel fiscal de ces territoires a des conséquences sur les autres territoires – le rapporteur l’a également évoqué – et j’y suis bien entendu sensible, car je poursuis l’objectif d’une répartition plus juste des dotations. Il est vrai que la montée en puissance des instruments de péréquation, notamment le FPIC – le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales –, rend nécessaire de porter une attention particulière aux critères qui déterminent les contributions de chacun, car elles ne sont pas sans impact les unes sur les autres.
La disparition des syndicats d’agglomération nouvelle et leur intégration dans des EPCI de droit commun posent la question de la normalisation de leur situation financière. Il n’est cependant pas possible, sans éléments d’analyse précis, de juger du bon niveau de dotation des territoires en question, ou du bon niveau de contribution à la péréquation horizontale. Il faudra étudier précisément la situation financière des anciens SAN afin de juger de l’adéquation des modalités de calcul de leur potentiel fiscal à leur richesse. Cette étude permettra de dégager des solutions pérennes qui préserveront la soutenabilité financière de ces territoires sans que soient maintenues des différences de traitement qui ne seraient pas justes.