Sachez, monsieur le Président que, bien que n'appartenant pas aux mêmes groupes politiques, les deux rapporteurs ont travaillé dans la plus complète entente, et que nous partageons chacun des mots écrits dans le rapport.
Vous l'avez rappelé, le 19 octobre 2016, le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, nous a présenté un rapport soulignant un certain nombre de problèmes dans la politique des jeux en France. Toutefois, la question est plutôt qu'une telle politique n'existe pas : c'est une balkanisation du système, préjudiciable à sa cohérence ainsi qu'à l'intérêt public, qui est constatée.
La loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne a permis de franchir un grand pas, en répondant, quelque peu dans l'urgence, à des sollicitations fortes de la part de la Commission européenne, ainsi que de certains opérateurs désireux d'être présents sur le marché français. Il a donc fallu ouvrir à la concurrence les monopoles qui, à l'époque, régissaient la politique des jeux en France. Cette loi doit aujourd'hui faire l'objet d'un examen précis afin de refonder un certain nombre d'aspects de cette politique des jeux.
Je rappelle qu'auparavant les monopoles étaient parfaitement justifiés au regard, non seulement des lois françaises, mais aussi de la jurisprudence européenne. Alors que nous étions en train d'élaborer la loi du 12 mai 2010, l'arrêt Santa Casa de la Cour de justice des communautés européennes a débouté la Commission ainsi qu'un certain nombre de requérants, et justifié le monopole de l'État portugais pour des raisons d'ordre public. Il s'agit bien en effet d'un domaine d'ordre public, de sécurité comme d'ordre sanitaire, expressément réservé aux États depuis le traité de Rome.
Le rapport de la Cour des comptes relève que les différents secteurs ont connu une évolution contrastée, et que la fiscalité applicable aux jeux n'est pas uniforme, ce qui semble assez difficile à réaliser. Il est vrai qu'en 2010 chacun s'accordait à penser que les jeux en ligne comme le poker cannibaliseraient les autres jeux. Il n'en a rien été, car nous avons assisté plutôt à l'avènement des paris sportifs.
Une disposition très claire a été inscrite dans la loi, enjoignant l'État à veiller à l'équilibre entre les jeux, car une cannibalisation de l'un par un autre peut perturber un secteur économique, comme la filière hippique par exemple.
Nous avons animé une vingtaine d'auditions qui se sont mutuellement confortées ; ce travail prenant et passionnant nous a permis de tirer des conclusions et d'émettre des propositions communes aux deux rapporteurs.
Le domaine du jeu peut aussi être celui de la fraude, du blanchiment d'argent sale ainsi que de l'addiction ; c'est pourquoi l'État a toujours voulu avoir la main sur ce secteur afin d'éviter des dérapages. Au XIXe siècle, dans le domaine des courses hippiques, régnait le système des paris « à la cote », qui s'est révélé très propice à la fraude. Aussi, l'État a-t-il adopté le principe de l'interdiction des jeux, mais assorti d'un certain nombre de dérogations.
Le régime français est donc très particulier puisque fondé sur l'interdiction assortie de dérogations ; en 1891, les paris mutuels sur les courses de chevaux ont été autorisés ; en 1907, ce fut le tour des casinos ; en 1923 celui les cercles de jeux. La loterie nationale a été créée en 1933 et les paris sportifs furent autorisés en 1984 ; aujourd'hui apparaissent d'autres jeux sur lesquels le législateur devra se pencher.
Il est maintenant temps de revoir l'architecture d'ensemble de ce système, qui s'est construit au fil de l'histoire, afin d'éviter des déséquilibres entre les jeux, mais aussi de déterminer une politique publique des jeux cohérente.