Monsieur le président, madame la vice-présidente de la commission mixte paritaire, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous sommes arrivés au bout du travail législatif sur ce texte. La commission mixte paritaire s’est penchée sur une proposition de loi faisant suite à un recours devant le Conseil constitutionnel au sujet de la loi Sapin 2, concernant la question foncière.
Il s’agit d’un sujet à la fois difficile sur le plan juridique et porteur d’enjeux pour l’avenir de l’agriculture – vous l’avez évoqué, monsieur le rapporteur. Je pense in particulier à l’installation et à l’accès au foncier. Celui-ci est en effet le facteur principal de production de l’agriculture. L’accès au foncier est donc au coeur de la capacité à assurer la production agricole. La France dispose à cet égard d’un outil qui, lorsque je suis arrivé aux responsabilités, faisait l’objet de débats entre les établissements fonciers régionaux et les SAFER. La question était de savoir s’il fallait transférer la compétence dans ce domaine aux établissements fonciers régionaux.
Je n’ai pas souhaité faire ce choix, préférant conforter l’outil historique de l’accès au foncier, à savoir les SAFER. Toutefois, dans la loi d’avenir pour l’agriculture, nous avons revu la gouvernance des SAFER, ce qui était nécessaire. Trois collèges, regroupant les différents acteurs qui sont directement concernés par les enjeux territoriaux et environnementaux – les agriculteurs, mais aussi les collectivités locales, que l’on oublie trop souvent, et les associations environnementales –, sont désormais chargés de gérer l’accès au foncier.
Il était fondamental de faire ce choix. Mais, comme vous l’avez rappelé, nous avons été confrontés à des éléments juridiques complexes, ce qui, en ce qui concerne les sociétés foncières, a nécessité de préciser un certain nombre de points. Pour ce faire, nous nous sommes fondés sur règle simple et qui figure dans la Constitution : le respect du droit de propriété, souvent évoqué ici par Antoine Herth.
Cette règle s’impose et nous avons cherché à la respecter, tout en donnant le maximum de pouvoir possible aux SAFER. Car, en matière d’accaparement des terres – ce qui est l’un des éléments du titre de cette proposition de loi –, les choses peuvent aller très vite : il suffit que des investisseurs choisissent de drainer des capitaux vers le foncier pour le coût de celui-ci augmente. Or il s’agit d’un facteur de production essentiel pour l’agriculture. Les conséquences de son augmentation sur le renouvellement des générations d’agriculteurs sont donc extrêmement négatives. Cela vaut pour la métropole et pour les outre-mer : partout où le foncier subit une pression très forte, les prix augmentent.
Toutes les discussions que nous avons eues – en particulier les dernières – pour essayer de tirer les conséquences du constat qui avait été fait après l’achat de terres par une société chinoise dans le centre de la France, nous permettent aujourd’hui de donner aux SAFER des outils, conçus dans le respect du droit de propriété, pour leur permettre de préempter des terres et les redistribuer, notre objectif étant le renouvellement des générations, l’installation de jeunes agriculteurs et l’accès au foncier.
De la même manière, lors des débats sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, nous avons aussi mis en place – je ne l’oublie pas – des dispositions visant à donner aux acteurs des espaces agricoles naturels et forestiers des arguments pour résister à la pression qui pèse sur le foncier agricole dans les zones fortement urbanisées. C’est un point très important. En témoigne la mise en place de nombreuses commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers – ou CDPENAF –, puisque nous sommes allés jusqu’à voter un dispositif selon lequel, pour les terres accueillant une appellation d’origine protégée ou une appellation d’origine contrôlée, un avis conforme doit nécessairement être demandé aux acteurs agricoles. C’est une protection – j’ai en tête quelques exemples de collectivités locales dans lesquelles des zones AOP ou AOC sont menacées par l’urbanisation.
Dans un pays comme le nôtre, le processus d’urbanisation doit être revu. Considérant que nous avions de l’espace, nous avons consommé beaucoup d’espace foncier agricole. Certes, par rapport à d’autres pays européens, nous disposons de beaucoup de surface, mais il est temps de réguler le phénomène et de faire baisser la pression qui pèse sur le foncier agricole. Tout ce que nous avons fait, tout ce que nous avons voté ensemble va dans ce sens ; c’est là quelque chose de très important.
Je dis souvent – pour que nous ayons une image en tête – que la France est passée de 50 à 66 millions d’habitants, ce qui revient à ajouter sur l’ensemble de la métropole, en vingt ou trente ans, l’équivalent de tous les habitants de l’Île-de-France. Eh bien, si nous continuons à consommer les espaces agricoles comme nous l’avons fait jusqu’à présent, ce sera une catastrophe.
Ce que nous avons fait pourrait sans doute être complété par une grande loi sur le foncier, mais ne croyez pas que c’est uniquement par la loi que nous parviendrons, dans un tel domaine, à répondre aux grands enjeux auxquels nous sommes confrontés. Nous disposons également des outils contractuels, sans oublier bien sûr le dialogue. À cet égard, les trois collèges, dans la gouvernance des SAFER, revêtent une importance particulière : il était important que nous engagions des discussions sur ce sujet. Lorsque la pression est trop forte, il est toujours possible de contourner la loi – il se trouve toujours des spécialistes, aux aguets, pour le faire. Les outils du dialogue, à la disposition de tous les acteurs, sont aussi un élément très important pour faire face à la pression qui pèse sur le foncier.
Je me réjouis donc des dispositions qui ont été votées et surtout de l’accord obtenu par la commission mixte paritaire sur des éléments qui avaient été proposés dans le cadre de la loi Sapin 2. C’est un point très important pour mettre fin à l’accaparement des terres.
En ce qui concerne le biocontrôle, il est traité, pour l’essentiel, à travers la question des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques.
Comme je l’ai indiqué à de nombreuses reprises, le projet agro-écologique avait pour but d’éviter que la dimension écologique de l’agriculture soit incompatible avec sa dimension économique, comme ce fut trop souvent le cas.
Le débat sur ce sujet avait finalement conduit à opposer des options qu’il faudra pourtant bien combiner, à savoir l’économie, l’écologie et la dimension sociale de l’agriculture. On ne peut plus considérer, comme je l’ai si souvent entendu, en particulier venant de nombreux professionnels, que pour avoir des rendements il faut utiliser des produits phytosanitaires. La preuve en a été faite avec le plan Écophyto II, qui a repris, sur ce point, les orientations du plan Écophyto I, proposé par Michel Barnier, avec les fameuses fermes DEPHY, ainsi qu’avec les exploitations que nous avons appelées pionnières, qui ont défriché, si je puis dire, de nouveaux chemins et essayé de nouveaux modèles de production. Cela prouve – car nous voyons d’ores et déjà les résultats – qu’on peut obtenir les mêmes niveaux de rendement, voire augmenter la production agricole, avec moins d’intrants, et cela de manière globale et générale.
Le premier certificat d’économie de produits phytosanitaires a été accordé pour l’association féverole-colza : le simple fait de combiner ces deux cultures permet de diminuer de 30 % l’utilisation de produits phytosanitaires. N’est-ce pas là une démarche vertueuse ? N’avons-nous pas ouvert ainsi des chemins, des perspectives nouvelles pour l’agriculture française ?
Il s’agit là d’un enjeu considérable pour demain. C’est pourquoi les CEPP ont été un sujet de débat et de négociation – car nous n’avons pas imposé ce mécanisme : nous avons négocié pendant un an et demi et sommes parvenus à un accord entre les organisations non gouvernementales, qui voulaient que l’on aille plus loin, et les organisations agricoles, qui craignaient un certain nombre de difficultés et voulaient surtout préserver ce qui existait.
L’accord que nous avons trouvé est gagnant-gagnant. La preuve en est que, lorsque l’on a annoncé l’inversion de la courbe de la consommation de produits phytosanitaires entre 2014 et 2015, tout le monde – à commencer par le syndicat majoritaire – a salué un progrès. Certes, je n’irai pas au congrès que cette organisation tiendra à Brest, mais ce n’est pas pour autant que je n’ai pas remarqué qu’elle a souligné cette avancée. Et j’en suis très fier, même si j’ai été longtemps sifflé. Si ces sifflets permettent de faire avancer les choses, je les assume et je continue à avancer.