Rassurez-vous, monsieur le ministre, je n’ai pas l’habitude de siffler ni de persifler un élu, encore moins un ministre. Par contre, lorsque j’interviens, je le fais avec conviction et personne ne me fera changer.
Chers collègues de l’Assemblée, mon premier discours ici date du 23 octobre 1997 et il portait déjà sur l’agriculture. Celui d’aujourd’hui, qui est aussi celui de mes adieux, concerne le même thème et plus précisément la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et le développement du biocontrôle.
Entre ces deux interventions, vingt ans se sont écoulés, et je n’ai cessé d’interpeller tous les gouvernements successifs sur les nombreux problèmes à surmonter : surface agricole utile, produits phytosanitaires – notamment le chlordécone –, ou encore SAFER, pour ne citer que ces exemples-là.
Malgré toutes les décisions prises, malgré tous les outils mis en place, que vous avez en partie évoqués, comme le schéma d’aménagement régional – SAR –, le schéma de mise en valeur de la mer – SMVM –, le schéma de cohérence territoriale – SCOT –, le plan d’occupation des sols – POS –, ou encore le plan local d’urbanisme – PLU –, la situation n’a cessé de se dégrader.
Prenons le cas de la surface agricole utile.
Lors de ma question au Gouvernement du 6 février 2008 portant sur le droit de préemption des SAFER, je vous informais qu’en Martinique « la surface agricole utile était désormais de 28 000 hectares, soit une réduction de 1 000 hectares par an depuis la publication du SAR de Martinique en 1998 ». C’est inconcevable ! C’est incompréhensible ! Cela a entraîné la diminution du nombre d’exploitants agricoles et une spéculation foncière inacceptable.
Lors de mon discours à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la modernisation de l’agriculture et de la pêche en 2010, je vous rappelais encore – là encore, je cite pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté et aucune mauvaise interprétation de l’histoire – que « La surface agricole utile se rétrécit d’année en année, nous éloignant de plus en plus du seuil requis pour une autosuffisance optimum. De 80 000 hectares en 1960, nous sommes à 25 000 aujourd’hui ». Voilà ce que je disais il y a déjà longtemps.
En 2013, cette surface agricole utile était encore de 22 696 hectares. Mesurez-vous l’ampleur de ces régressions successives ? Et, au moment où je vous parle, la situation ne cesse d’empirer. À ce rythme-là, celui qui interviendra dans vingt ans à cette tribune vous dira-t-il qu’il n’y a plus de surface agricole utile en Martinique ?