Et lorsque vous avez évoqué les questions liées au foncier, j’ai senti que vous auriez aimé être le ministre ayant posé les fondations de la grande loi foncière que Dominique Potier appelle de ses voeux. En réalité, le temps vous a manqué, et surtout les appuis.
Ce texte – et c’est pourquoi je reste sur ma faim – a surtout pour vocation de colmater les brèches dans la coque pour maintenir l’état ancien, pour conserver la possibilité d’intervention de la SAFER. Malheureusement, il ne dessine pas les voies et moyens de s’adapter à un monde qui change.
J’ai bien entendu vos craintes à l’égard de ce qu’on nomme la financiarisation du marché foncier. Elles sont fondées, et justifient que nous prenions à l’avenir des dispositions pour la limiter. En même temps, je suis convaincu de la nécessité d’aider les agriculteurs en drainant vers eux des capitaux pour porter une partie du foncier. Je me suis déjà exprimé en ce sens dans l’hémicycle.
Il faudra trouver un système, un cadre juridique permettant de créer un équilibre entre le risque de financiarisation et la nécessité d’appuyer les efforts des agriculteurs.
En définitive, la seule chose dont nous n’ayons pas parlé, mais peut-être est-ce un tabou, c’est que nous sommes peut-être à la veille d’une très grande restructuration du monde agricole, qu’aucun d’entre nous n’a voulue, liée à la crise profonde que traversent les agriculteurs. Moi-même, en faisant le tour de la plaine d’Alsace – la situation est la même dans d’autres départements –, j’ai fait l’amer constat que nombre d’agriculteurs s’interrogent sur leur avenir.
Des jeunes, qui souhaitaient reprendre des exploitations, s’orientent vers d’autres directions. Sous peu, il y aura probablement beaucoup de fermes à acheter, en Alsace et ailleurs. Qui trouvera les capitaux pour porter des projets fonciers ? Qui sera capable d’investir des dizaines de milliers d’euros, voire des millions, pour une rentabilité extrêmement faible ?
Dans l’agriculture, il faut investir 10 euros en capital pour obtenir 1 euro de chiffre d’affaires. Aucun secteur de production n’a un ratio aussi faible et aussi difficile à supporter sur le long terme. C’est un vrai sujet, auquel je continue de penser que ce texte n’apporte pas les bonnes réponses.
Dernier constat, concernant les CEPP, qui font l’objet de la dernière partie du texte et constituent son enjeu politique essentiel : je regrette qu’en matière d’agro-écologie, et plus généralement d’utilisation des produits phytosanitaires, on n’ait jamais eu recours qu’au bâton et pas suffisamment à la carotte.
Le bâton, ça a été l’augmentation de la TVA sur les produits phytosanitaires ou encore l’application de la redevance pour pollutions diffuses. Malheureusement, nous sommes de nouveau dans une logique de répression. J’aurais aimé vous entendre nous annoncer que vous alliez multiplier les efforts pour que des solutions alternatives issues du biocontrôle soient rapidement disponibles. Or, sur le sujet, vous êtes muet !
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, le groupe Les Républicains s’abstiendra sur le texte, en espérant qu’à l’avenir, nous pourrons avoir sur le fond de vrais débats, qui nous permettront de préparer la suite, c’est-à-dire l’avenir de nos agriculteurs.