Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission mixte paritaire, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, après l’accord trouvé en commission mixte paritaire la semaine dernière, nous sommes aujourd’hui appelés à voter la proposition de loi de notre éminent collègue Dominique Potier sur la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et le développement du biocontrôle.
À l’origine, cette proposition de loi reprend essentiellement des articles qui avaient été intégrés par voie d’amendement dans le projet de loi sur la transparence de la vie publique et la lutte contre la corruption, plus connu sous le nom de loi Sapin 2. Le Conseil constitutionnel a en effet estimé qu’il s’agissait de cavaliers législatifs, c’est-à-dire de dispositions dépourvues de lien avec le texte initial.
Compte tenu de l’importance de ces sujets, du consensus trouvé et du travail utile qui avait été fourni, il aurait été vraiment regrettable de ne pas adopter ces dispositions. La régulation du foncier agricole est un sujet majeur et complexe, qui nécessite une législation fine et délicate. Dominique Potier est l’un des experts les plus remarquables sur ce thème ; il l’avait déjà démontré au cours des débats sur la loi d’avenir pour l’agriculture et il a toute notre confiance.
Concurrence injuste, incitations à l’individualisme, course un peu folle à l’agrandissement, puis, à partir de 2008, montée en charge de la spéculation sur les terres agricoles avec l’arrivée de fonds spéculatifs sur le marché foncier, au-delà même des zones frontalières et des zones à haute valeur ajoutée comme le vignoble, où ces pratiques étaient assez courantes : tels sont les défis auxquels nous sommes confrontés.
L’objectif partagé est de confier le foncier agricole à ceux qui en ont le plus besoin, à ceux qui l’exploitent réellement sans logique spéculative, à ceux qui privilégient une vision de long terme, respectueuse de l’environnement, et d’éviter de le donner à ceux qui font exactement le contraire. Cette logique s’incarne dans la fable de Jean de La Fontaine Le Laboureur et ses Enfants, qui se termine par les mots : « le travail est un trésor ». Le célèbre fabuliste parle bien là du travail de la terre, du seul travail, opposé à la seule spéculation.
L’avenir de notre modèle agricole et le renforcement de notre agriculture en dépendent en grande partie. Comme vous, je suis convaincu qu’un métier dans lequel nos jeunes ne s’engagent plus est un métier en péril. Oui, nous devons privilégier l’installation des jeunes agriculteurs, mais nous devons aussi prendre garde à limiter les contournements de l’esprit de la loi.
Cette proposition de loi va renforcer le pouvoir des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural. En 2015, les SAFER ont permis à 36 jeunes exploitants de la région des Hauts-de-France de s’installer. Dans mon département de l’Aisne, ce sont 270 hectares qui ont été rétrocédés en 2016. C’est encore trop peu. La portée des SAFER est aujourd’hui limitée ; c’est donc une bonne chose de les renforcer. Tous les opérateurs sur le marché foncier seront ainsi soumis aux mêmes règles de contrôle et aux mêmes limites, en vue de maintenir la régulation du foncier.
En complément du plan Écophyto II, qui prévoit la réduction de moitié des produits phytosanitaires en dix ans, cette proposition de loi améliore aussi la régulation du biocontrôle. Certains estiment que ces dispositions sont d’ordre réglementaire, mais nous savons bien que la frontière entre l’article 34 et l’article 37 de notre Constitution est poreuse.
La proposition de loi rétablit ainsi le certificat d’économie de produits phytopharmaceutiques, inspiré des certificats d’économies d’énergie. Il y aura désormais une relation entre les professionnels, entre les entreprises ; les agro-fournisseurs auront des objectifs de réduction des produits phytosanitaires avec leurs clients, et ces certificats devront concourir à l’objectif de réduction de 25 % de l’utilisation de ces produits dans les cinq ans.
La France comme les agriculteurs responsables sont conscients de la nécessité d’aller dans ce sens. Cessons d’opposer écologie et économie ; luttons contre la capitalisation des terres. Il faut aussi redonner confiance aux gens qui s’engagent pour l’avenir agricole, sans oublier les paysans d’hier qui ont reconstruit la France. Comment nos jeunes agriculteurs pourraient-ils trouver des raisons d’espérer quand ils voient le montant des retraites, à savoir 766 euros, 75 % du SMIC ?
Je ne suis pas un adepte des sifflets, monsieur le ministre. Je vous le dis calmement, je n’ignore rien de ce qui a été fait au cours de la présente législature : 900 millions d’euros ont été consacrés à la revalorisation des retraites agricoles. Mais si je reconnais ces efforts, j’estime qu’ils sont encore insuffisants.
Quant à ce texte, qui est une véritable avancée pour le devenir de notre agriculture, les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste le soutiennent et le voteront. Nous avons toujours été favorables à la conciliation de l’écologie et de l’économie. Nous espérons qu’il permettra de lutter contre la financiarisation de l’outil de travail que représente la terre et qu’il sera accompagné d’autres textes pour aller plus loin dans la mutation agro-écologique et dans la voie de la qualité de la production, autour de la santé et de la prévention, pour l’avenir de notre agriculture et des agriculteurs. Pour nous, l’agriculture, c’est aussi l’avenir de la France.