Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 8 février 2015 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli, rapporteure de la mission d'information sur la politique européenne du cinéma :

Je vous donne donc lecture de la lettre que Costa-Gavras nous a adressée.

« Mesdames et messieurs les députés,

« J'ai été très honoré de votre invitation et vous en remercie. Malheureusement, des engagements antérieurs m'empêchent d'être à vos côtés. Je tenais néanmoins à partager avec vous mon regard de cinéaste et de citoyen sur cette nécessité absolue de défendre une politique culturelle européenne ambitieuse.

« L'Europe et ses cinéastes sont historiquement liés par un désir commun : celui de bâtir ensemble une société respectueuse de ses diversités culturelles, celui de permettre aux oeuvres européennes de circuler, d'être exposées au plus grand nombre. Alors que, partout, pointent des menaces nationalistes, la culture est le meilleur rempart contre le repli sur soi général.

« Il y a six ans, nous étions de nombreux cinéastes européens mobilisés pour la défense de l'indépendance du programme MEDIA. À Bruxelles, José Manuel Barroso, alors président de la Commission européenne, s'engageait enfin à en préserver et augmenter l'enveloppe budgétaire afin de répondre durablement aux mutations numériques et économiques annoncées. Pourtant, nous avons aujourd'hui le sentiment que M. Barroso et la Commission ont freiné une impulsion nécessaire à la vitalité du cinéma européen. Le dialogue s'est trop souvent éteint entre les créateurs et la Commission, dont la vision citoyenne semble, hélas, avoir plutôt sacrifié aux exigences des grands groupes et de leurs puissances lobbyistes.

« Nous ne cesserons jamais de le répéter : le cinéma européen a besoin de courage politique et d'un modèle vertueux qui incarne bien plus qu'un simple guichet. Il nous faut mieux mutualiser les risques créatifs et économiques, équilibrer et pérenniser le financement des oeuvres, encourager les coproductions avec les cinématographies des autres pays européens, inscrire l'Europe et la diversité dans le nouveau jeu cinématographique et audiovisuel mondial qui est en train de s'instaurer.

« Inspirons-nous du modèle français, modèle vertueux qui a joué un rôle déterminant pour la vitalité du cinéma européen.

« Le programme MEDIA, pivot du financement des oeuvres européennes, doit bénéficier d'un budget renforcé ; il doit aussi soutenir toutes les cinématographies des États membres, notamment celles des pays les plus fragiles.

« Une fois de plus, soyez convaincus que les cinéastes européens sont unis et solidaires pour défendre cet objectif et ces principes. Ils partagent la conviction que les autorités européennes, Conseil, Commission et Parlement, doivent reconsidérer la culture avec la conscience et l'ambition politiques que celle-ci mérite. C'est aussi pour cela que nous attendons le soutien de l'Europe en faveur d'un meilleur partage de la valeur entre les créateurs et les intermédiaires en ligne. Il est essentiel que tous ceux qui tirent profit de la distribution d'oeuvres protégées participent en retour à leur financement : c'est le principe vertueux de l'extension de la taxe sur les vidéogrammes votée par le Parlement français en décembre dernier, mesure que nous avons soutenue avec force.

« Nous n'avons d'autre possibilité que celle de mieux anticiper et toujours relever les défis qui se présentent à nous. Agissons dès maintenant : appréhender l'Europe de demain, protéger l'espace et les moyens que la société accordera alors à la culture sont de notre devoir et répondant à des enjeux essentiels. Les cinéastes européens, unis, en sont convaincus et appellent de leurs voeux un nouveau pacte culturel européen, dont vous serez, nous l'espérons sincèrement, les premiers relais. »

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