J'ai l'honneur de représenter le segment des distributeurs moyens. Le marché est très concentré puisqu'il est couvert à 75 % par onze sociétés. Nous représentons le segment du milieu, avec treize sociétés qui représentent 15 % du marché et distribuent 85 % des films français et européens.
Nous sommes des intermédiaires, au centre de la problématique de la diffusion d'oeuvres françaises et européennes. Nous intervenons auprès des producteurs et des vendeurs pour acquérir des scénarios et nous nous occupons de la mise sur le marché et des frais d'édition. Les frais d'acquisition et les coûts de marketing représentent des sommes très importantes, dépassant parfois le million d'euros. Ce sont les recettes générées par le film sur notre territoire – salles, vidéo, vente télé, VOD – qui nous permettent d'amortir les frais que nous avons pu engager en amont.
Nous sommes donc très attachés à la territorialité des droits. En tant qu'importateur de films étrangers, notamment, nous ne pouvons pas nous contenter d'acquérir seulement les droits « salles ». Pour espérer amortir nos frais, il nous faut acquérir l'ensemble des droits. Très souvent, les films que nous distribuons ne couvrent pas leurs frais d'édition. Nous nous en sortons grâce au principe de compensation : les films qui marchent mieux nous permettent de payer les dettes générées par d'autres.
Pour pouvoir continuer notre travail, nous avons besoin, je le répète, de l'ensemble des droits d'auteur. Nous sommes donc très dépendants du compte de soutien français, mais aussi du soutien de MEDIA.
Ainsi, nous avons pu, l'an dernier, faire l'acquisition d'un film allemand, intitulé Toni Erdmann, parce que nous avions une partie de ce soutien financier à réinvestir dans un film européen. Nous partons demain pour le festival de Berlin, où nous pourrons, grâce au soutien généré par ce film, acheter d'autres films allemands et européens. Le soutien de MEDIA est au coeur de notre métier. Je m'interdis presque, parfois, d'aller voir des films américains parce que je sais que l'écosystème dans lequel les films européens sont vendus et distribués facilite notre travail et nous permet de garder l'équilibre sur ce portefeuille de films.
À l'origine, le programme MEDIA a consacré à peu près un tiers de son budget à la distribution. Il est donc très important pour l'ensemble des distributeurs européens. Yvon Thiec l'a souligné, il y a aujourd'hui, dans une période de diminution des budgets, de fortes tensions entre les petits pays et les grands pays, les curseurs ayant été modifiés pour instaurer une discrimination positive en faveur des petits pays. Il convient de veiller à ce que les grands pays comme l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne ou la France puissent continuer à bénéficier de ce programme.
J'ai été très sensible à ce que vous avez dit sur les publics et les salles de cinéma. Nous travaillons en amont avec les producteurs et les vendeurs et en aval avec les salles. C'est un dialogue que nous entretenons au quotidien. Je tiens à saluer le travail qui a été fait en France pour la transition numérique et à souligner la chance que nous avons de disposer d'un parc de salles extrêmement dense et de qualité. Il est très important d'accompagner ce mouvement le mieux possible au niveau européen et de s'assurer qu'il y aura toujours des salles dans tous les pays européens pour permettre à de jeunes spectateurs de découvrir le cinéma dans les conditions pour lesquelles il a été créé.
Je suis aussi très attentive à la diffusion de films européens par nos chaînes de télévision, en particulier par nos chaînes publiques. À ce titre, Arte fait un travail absolument exemplaire. Pour nous, distributeurs, c'est à peu près le seul guichet pour nos films, car il est très difficile de vendre ces films à d'autres chaînes publiques. Il faut inciter nos chaînes nationales à assurer une plus grande diffusion de films d'auteurs européens contemporains et favoriser la circulation de ces oeuvres sur les chaînes publiques européennes afin d'engager les autres pays à suivre notre exemple.
En ce qui concerne l'exportation, nous avons besoin de vendeurs forts. Je rappelle que la plupart des films présentés à l'occasion de grands festivals, en France, à Berlin et à Venise, sont représentés par des vendeurs français, qu'il faut continuer à soutenir.
Une grande partie du programme MEDIA est consacrée à l'éducation. Il faut multiplier les programmes qui permettent aux enfants de découvrir le cinéma et de rajeunir un public qui est, comme vous le savez, de plus en plus âgé, car il a le temps de venir voir nos films. Il conviendrait de renouveler le public par tous les moyens possibles : l'éducation à l'image, un apprentissage plus précoce de l'écriture à l'école afin de sensibiliser les enfants, de manière plus générale, aux oeuvres audiovisuelles.