France Télévisions a des engagements d'investissement très importants dans la création puisqu'ils représentent 400 millions d'euros par an, soit plus de 50 % de tout le financement de la création audiovisuelle en France, 60 % dans le domaine de la fiction et 60 % dans le domaine des documentaires. En matière de cinéma, ces engagements sont très significatifs puisque cela représente un socle-plancher de 57 millions d'euros. Dans les faits, cela a représenté 59,2 millions d'euros en 2015, avec plus de soixante films coproduits, dont un tiers consacré à des premiers et seconds talents, donc de jeunes créateurs.
France Télévisions a souhaité renforcer ces engagements. C'est ce qu'elle a fait savoir à l'occasion du dernier Festival international de programmes audiovisuels (FIPA), en lançant son plan Création. Ses investissements dans la création audiovisuelle vont passer de 400 à 420 millions d'euros et le plancher pour le cinéma pourrait passer à 60 millions si un accord est trouvé avec l'ensemble de la profession.
C'est une façon de montrer que France Télévisions ne pourrait réaliser ces investissements si elle n'était pas fondamentalement attachée au principe de territorialité. Ce qui fonde l'autorisation de financement de France Télévisions, c'est la redevance qu'elle perçoit, la contribution à l'audiovisuel public, et il n'est donc pas concevable pour elle d'investir en dehors des territoires pour lesquels elle est investie de cette mission. Elle n'aurait pas vocation à acquérir des droits pour d'autres territoires. La territorialité est donc un point fondamental.
Nous faisons néanmoins le constat que les usages évoluent de façon significative. En effet, la consommation télévisuelle, même si elle reste une consommation de masse, se diversifie et de plus en plus de jeunes usagers se tournent vers les téléphones, les tablettes et autres pour en user. France Télévisions a un certain rayonnement à l'étranger, à travers des opérateurs du câble. Or ce rayonnement pourrait diminuer si l'on ne tenait pas compte de l'évolution des usages. Nous réfléchissons donc à la manière de faire évoluer ces usages dans le respect des principes de territorialité et tout en maintenant notre rayonnement à l'étranger.
Il nous a semblé que le règlement en projet pouvait apporter des solutions sur la partie câble. France Télévisions rappelle avec force qu'elle est opposée à l'extension du principe du pays d'origine telle qu'évoquée, car elle est inadéquate pour les raisons que j'ai indiquées. En revanche, si nous voulons maintenir un certain rayonnement des programmes de la France, la partie gestion collective pourrait être utilement aménagée pour tenir compte des nouveaux usages, ce qui impliquerait d'intégrer les plateformes dans ces nouveaux usages mais dans un univers fermé, géobloqué, avec, le cas échéant, des mesures techniques de protection pour empêcher tout système de piratage. La gestion collective peut favoriser la négociation et l'encadrement des droits, une distribution maîtrisée à l'étranger, et éventuellement intégrer une demande de plus en plus forte concernant la reprise du service des télévisions de rattrapage.
Mon dernier point est important et n'a pas été évoqué jusqu'à présent dans cette table ronde : il s'agit de la question du droit voisin. France Télévisions fait partie des éditeurs qui se battent pour un traité relevant de l'OMPI en faveur du droit voisin. Nous savons que c'est un combat difficile à mener. Nous regrettons que la directive « Droit d'auteur dans le marché unique numérique » n'ait pas abordé le sujet, car nous pensons que le droit voisin protège non seulement les éditeurs de services mais aussi tous les producteurs des contenus repris par ce signal. C'est une façon collective de protéger les contenus contre le piratage et la reprise illicite.