Intervention de Emily O'Reilly

Réunion du 7 février 2015 à 16h30
Commission des affaires européennes

Emily O'Reilly, Médiateur européen :

Voilà précisément ce que visent beaucoup de mes enquêtes. J'ai aussi enquêté sur la transparence des trilogues. La Commission, le Parlement européen et le Conseil s'y retrouvent, souvent à huis clos, pour trouver des arrangements, pour lesquels le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne servent ensuite seulement de chambres d'enregistrement. Il y a un compromis à trouver entre transparence et efficacité. Beaucoup de parlementaires et de représentants apprécient la formule du trilogue parce qu'elle permet d'avancer vite. Mais, cela se fait dans une totale opacité. Parfois, des membres d'un parlement national viennent à moi parce qu'ils ne savent pas ce qu'ont dit leurs propres ministres, en leur nom, dans ces trilogues.

Pour résumer, la grande majorité des citoyens européens n'ont pas besoin de se rendre devant moi, parce qu'ils ne sont pas directement en rapport avec les institutions européennes. Pour ma part, je travaille sur les problèmes systémiques de la mauvaise administration pour que les citoyens reçoivent de l'aide, quand bien même ils ne connaissent pas l'existence du Médiateur européen.

C'est ainsi que davantage de documents ont été publiés sur les sites de la Commission dans le cadre des pourparlers commerciaux transatlantiques. Par exemple, aussi, l'agence Frontex a complètement modifié le protocole de ses vols de rapatriement, d'Irlande, de France ou d'ailleurs, pour tenir compte de mes recommandations en matière de protection au regard des contraintes utilisées et du traitement accordé aux femmes et aux enfants. Le réseau des médiateurs nationaux m'a également aidée à traiter ces problèmes très concrets.

En ce qui concerne la Banque centrale européenne, sur une initiative de ma part, elle a modifié sa politique concernant les rencontres que peuvent avoir les membres du directoire, particulièrement pendant la période précédant ses réunions mensuelles. Un membre français du directoire, M. Benoît Coeuré, avait en effet, dans un discours tenu à huis clos dans une université londonienne, donné fortuitement des informations sur les décisions qui allaient être prises ; ces informations avaient fait – un peu – bouger les marchés. J'ai écrit à ce sujet à M. Draghi, en l'invitant à se pencher sur leurs rapports avec les interlocuteurs de la BCE, dans le souci que personne ne soit dans une position privilégiée par rapport à l'ensemble des citoyens quant à l'accès à l'information. Il m'a répondu que l'information était censée être mise en ligne au même moment que M. Coeuré tenait son discours, mais cela n'avait pas été le cas.

Toujours est-il que la BCE a désormais revu son protocole. Elle impose le silence aux membres du directoire dans les sept jours qui précèdent les réunions mensuelles. Un compte rendu des réunions est publié trois mois après leur tenue. Ce résultat est dû à une petite intervention à mon niveau. Les citoyens n'en sont peut-être pas conscients, mais j'ai pu faire bouger les choses.

Je reçois aussi des plaintes de petites et moyennes entreprises qui n'ont pas été payées par la Commission européenne ou par les agences, et que cela met en difficulté. Si vos enfants se sont portés candidats à un poste de la fonction publique européenne et qu'ils ont été recalés, ils peuvent également faire appel à moi, s'ils pensent que la procédure n'était pas valable.

Le cas du président Barroso a été un sujet de préoccupation pour beaucoup de fonctionnaires des institutions. Son recrutement a eu un retentissement mondial, du fait de la position anciennement occupée par l'intéressé et de l'entreprise concernée, à savoir la banque Goldman Sachs, emblématique de la crise financière, qui fut aussi bien impliquée dans le krach du marché immobilier américain que dans le maquillage des comptes de la Grèce ayant permis l'entrée de ce pays dans l'union monétaire, avec les conséquences que l'on sait.

J'ai attendu deux mois, pour voir comment la Commission européenne allait réagir. Elle a estimé qu'aucune règle n'avait été transgressée, puisque son code de conduite impose un délai de dix-huit mois entre le départ d'une fonction et le recrutement par une entreprise ; en l'espèce, le recrutement a dû avoir lieu quelque chose comme dix-huit mois et une semaine après le départ de fonction. La Commission a pris cette position, alors même que ses membres étaient assez ennuyés par la situation, en raison de la publicité négative ainsi attirée sur l'institution – vous parliez de la confiance des citoyens...

Au début du mois de septembre, j'ai écrit au président Jean-Claude Juncker pour l'inviter à saisir le comité d'éthique de la Commission, et l'interroger sur le traitement réservé à M. Barroso, dans le cadre de ses nouvelles fonctions. Il m'a répondu rapidement qu'il serait traité comme n'importe quelle autre personne. Le comité d'éthique a, quant à lui, estimé que M. Barroso n'a pas transgressé de règle. Cela dit, les membres de ce comité sont désignés par la Commission européenne, qui décide de leur ordre de jour et de la question de savoir s'ils doivent publier ou non leur avis.

Le code de conduite a néanmoins été modifié pour allonger la « période de refroidissement », tant pour les commissaires que pour les anciens commissaires. Il y a deux jours, j'ai reçu une plainte de fonctionnaires européens mécontents de la réaction de la Commission européenne. Je dois aviser et me pencher sur la question de savoir comment rendre le comité d'éthique vraiment indépendant. Ses membres ne sont pas en cause, mais ils ont les mains liées. Dans l'avis rendu, ils estimaient même qu'ils n'ont pas même le droit de se prononcer sur le code de conduite lui-même. Monsieur Gollnisch, je n'ai pas de rôle dans la sphère politique. Certes, il s'agit de l'administration du Parlement européen, mais cette institution effectue un travail politique ; les mécanismes administratifs et politiques se rejoignent quelquefois.

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