Mme Theresa May l'a dit : « Brexit means Brexit ». Ce Brexit sera complet et assumé ; c'est une décision souveraine du peuple britannique et de ses représentants, dont nous ne pouvons que prendre acte. Face à cette situation sans précédent, tout doit être fait pour que la sortie britannique soit aussi peu douloureuse que possible, pour notre pays comme pour toute l'Union.
Je remercie à mon tour notre président Claude Bartolone de son initiative. Le rapport dresse un tableau exhaustif des enjeux du Brexit et fixe nos lignes rouges. Je me retrouve dans ses conclusions ; il est en effet impératif de maintenir l'unité des Vingt-Sept dans la phase de négociations, afin de préserver les fondements de l'Union, et notamment les quatre libertés. Nous pouvons, je crois, faire confiance à Michel Barnier.
Je voudrais insister sur cinq points.
Tout d'abord, il est indispensable qu'un accord soit trouvé très rapidement sur la question des ressortissants européens au Royaume-Uni, et inversement sur la question des ressortissants britanniques qui résident dans l'Union européenne. Leurs droits sociaux doivent être préservés. Axelle Lemaire et Christophe Premat nous alertent régulièrement sur les inquiétudes des Français vivant au Royaume-Uni. À Bruxelles, j'ai pu constater aussi, lors des quatre dernières cérémonies d'accueil, un grand nombre de ceux qui acquièrent la nationalité française étaient des citoyens britanniques. Les fonctionnaires européens ne deviennent pas seulement belges…
Ensuite, le Royaume-Uni doit payer son dû. Ce n'est pas un divorce à l'amiable, mais un départ unilatéral : les engagements financiers pris par les Britanniques doivent être respectés. Aux 60 milliards d'euros que vous évoquez, on aurait d'ailleurs pu ajouter des dommages et intérêts pour préjudice moral, quand on voit le temps passé par les fonctionnaires européens, et par nous tous, à négocier le Brexit ! Ce sont des heures que nous ne passerons pas à approfondir l'Union européenne.
Je voudrais également insister sur la question de la paix. L'Union européenne, c'est la paix. Il n'est que de rappeler le rôle de l'Union européenne dans le processus de paix en Irlande du Nord. Nous devons être très vigilants pour préserver cette paix, ce qui ne sera pas facile : les divisions nord-irlandaises lors du référendum reflètent exactement les anciens camps belligérants. L'Europe aura, malgré le Brexit, une grande responsabilité.
S'agissant de l'arme que pourrait constituer le dumping – fiscal, social et réglementaire – nous devons nous montrer intransigeants. Il y va de la survie de notre modèle social. Le Parlement français doit rester vigilant : une menace de dumping doit interdire tout accord.
Enfin, nous ne devons pas nous détourner de notre objectif, qui est la réorientation et l'approfondissement de l'Union européenne. Le Brexit, en l'occurrence, peut se révéler favorable. Si l'Union est si impopulaire aujourd'hui, c'est aussi parce qu'elle n'est pas aboutie, parce qu'elle est bloquée au milieu du gué. Nous devons approfondir l'union économique et monétaire, mais aussi Schengen, les politiques en matière de sécurité, de transition écologique et énergétique, de numérique… Il faut aller jusqu'au bout de la logique de la construction européenne et mettre en place des politiques communes.
J'ai ici une phrase de désaccord avec le rapport – ce sera la seule. Vous faites de l'unité un préalable à l'approfondissement ; je crois au contraire que, s'il ne faut pas cesser de rechercher l'unité, il faudra aussi construire des majorités. Dans les décennies au cours desquelles il a appartenu à l'Union européenne, le Royaume-Uni a bloqué l'approfondissement et d'autres, demain, comme le Danemark ou la Pologne, pourront jouer ce rôle de trublion. Nous devons donc trouver des majorités pour avancer, car l'unité ne sera pas possible sur tous les sujets.
Il me paraîtrait opportun que la prochaine législature instaure un suivi de cet excellent travail. Je présenterai ce travail à la commission des affaires européennes, et je proposerai la mise en place d'une cellule de veille jusqu'à la fin de cette législature.