Mes compliments s'ajoutent à ceux qui ont été adressés, à juste titre, aux auteurs de ce rapport qui débroussaille la complexe négociation à venir et en éclaire les termes.
Il n'est pas inutile d'associer les parlements nationaux aux accords de sortie de l'Union et pour cela de les consulter. Leur permettre de s'exprimer sur le résultat des négociations ne doit pas les conduire à revendiquer trop fortement la participation à la décision. Procéder de la sorte serait inviter le Royaume-Uni à rejouer les Horaces et les Curiaces, avec le risque qu'un parlement national provoque le blocage de la négociation. La garantie de l'unité des Vingt-Sept est le mandat le plus impératif donné à la Commission et au Parlement européen. Demander que la négociation soit approuvée par des ratifications nationales affaiblirait considérablement la position des négociateurs européens car le Royaume-Uni s'empresserait de conclure des accords bilatéraux avec tel pays ou tel autre. Cela pourrait avoir pour conséquence que, pour une tout autre raison, un pays s'oppose par exemple à l'interdiction du bénéfice du passeport financier européen pour la City, rendant cette interdiction impossible. Gardons à l'esprit que les diplomates britanniques sont de redoutables négociateurs.
Il aurait été judicieux de demander que la conférence interparlementaire prévue par l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire soit saisie d'une mission de suivi de la négociation. Cette conférence a toute son utilité : elle permet de prendre la température, en même temps, des différents groupes politiques de l'ensemble des parlements nationaux, et de tisser des liens. Que la position de chacun soit ainsi éclairée permet d'orienter puissamment la diplomatie parlementaire, j'en ai été témoin pour d'autres sujets – le budget et les travailleurs détachés.
Les remarquables travaux qui ont été conduits dans notre instance ne pouvaient, à ce stade, aller plus loin, mais ils ne s'adressent qu'à des spécialistes des questions européennes. Il serait bon de créer un observatoire chargé de mesurer l'impact socio-économique du Brexit pour la France. Pour la raison dite par Daniel Fasquelle, le Brexit est un sujet de panique pour la pêche française, et en ce cas l'impact ne sera pas forcément négatif pour les Britanniques. Le discours selon lequel ils s'abîmeront avec le Brexit est réducteur : ils peuvent aussi nous faire mal.
Ainsi, les principales compagnies aériennes européennes ont demandé que mandat soit confié à la Commission européenne de négocier avec les pays du Golfe, dont les compagnies leur livrent une concurrence résolument déloyale pour les longs courriers. La négociation ne peut être menée que par l'Union ; si elle était faite par chaque État membre séparément, des autorisations de trafic seraient délivrées à nos portes et les compagnies aériennes européennes s'effondreraient toutes, au bénéfice de celles des pays du Golfe. Quand, demain, le Royaume-Uni ne sera plus partie à ce mandat de négociation, l'aéroport de Gatwick s'ouvrira-il massivement à Etihad, Qatar Airways et Emirates ? Voilà une question à suivre de près. Quel sera d'autre part l'avenir d'Airbus, et que deviendra Easyjet, société de droit britannique au poids considérable dans le secteur aérien ? D'innombrables questions de cet ordre se posent à nous, s'agissant de l'impact du Brexit sur nos économies. Celle de nos exportations n'est pas la moindre puisque l'on nous dit que si notre déficit commercial a atteint 48 milliards d'euros en 2016, c'est en partie parce que le Royaume-Uni a importé moins de nos produits. En bref, il ne s'agit pas de surveiller seulement la technostructure bruxelloise mais aussi l'impact du Brexit sur l'ensemble de notre économie. Pour ce faire, l'observatoire du Brexit dont je propose la création devrait, tout au long de la négociation, entendre les représentants socio-professionnels nous éclairer sur leurs inquiétudes.