Intervention de François-Michel Lambert

Réunion du 15 février 2017 à 9h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Certes, mais elle était d'autant plus déplacée que des centaines de personnes ont été mobilisées dans cette affaire, qui toutes ont salué, quelle que soit leur appartenance politique, le fait que la logistique existe enfin en tant qu'enjeu de politique publique. Dans ces conditions dénoncer l'idée d'une gouvernance et ironiser sur le fait que cette question surgit dans les derniers jours de la législature, c'est faire fi d'années de travail en amont.

Je répondrai également à M. Julien Aubert qu'une stratégie se pilote au niveau national – sous la responsabilité d'un ministre, d'un secrétaire d'État ou d'un délégué interministériel – et au niveau territorial. Il n'est pas question d'imposer de délégué logistique à quiconque, mais nous demandons à ce que la logistique soit intégrée dans les politiques régionales.

M. Christophe Bouillon a évoqué la question du coût et des nuisances générées dans les derniers kilomètres. Des révolutions technologiques et numériques sont en cours qui devraient améliorer les performances logistiques sur ces derniers kilomètres, mais la véritable révolution doit s'effectuer dans la tête des élus locaux. La logistique en effet, ce n'est pas le Far West ; cela exige la mise en place d'une réglementation et, le cas échéant, d'une fiscalité adaptée. À cet égard, ce qu'a réalisé la ville de Paris est remarquable, puisqu'elle a su adapter sa réglementation et permet désormais l'approvisionnement nocturne des magasins à la condition que ces livraisons soient non polluantes et silencieuses. Et si je n'avais qu'une recommandation, ce serait de reproduire sur l'ensemble du territoire le dialogue entre les élus locaux et les acteurs économiques pour parvenir à dupliquer partout le modèle parisien.

Je ne saurais répondre à M. Stéphane Demilly sur les projets relevant des PIA. Ce qui est certain en revanche, c'est que d'énormes gains de productivité peuvent être faits en matière de transport, où les pertes d'efficience sont encore trop importantes : un camion sur trois circule en effet à vide et seul 10 % d'un ruban d'autoroute d'un kilomètre est utilisé à l'instant t pour le transport de marchandises.

Grâce à la révolution numérique et aux innovations françaises – Chronotruck ou Convargo – ou internationales – on attend l'arrivée des camions autonomes, plus efficaces, plus précis dans leurs trajectoires, moins accidentogènes –, on évalue entre 30 et 50 % les marges de progrès dans le transport routier de marchandises. En comparaison, aucun autre mode de transport ne dispose d'une telle marge de progression et, plutôt que de chercher à concurrencer la route, mieux vaut que chacun se recentre sur ce qui constitue sa valeur ajoutée spécifique. On m'a interrogé sur l'horizon de ces innovations : mais elles sont déjà à l'oeuvre ! Chronotruck ou Convargo augmentent de 30 % le taux de remplissage des camions, et Uber fait déjà circuler aux États-Unis des camions sans chauffeurs. Nous aurons dès l'an prochain des camions circulant en convoi, les distances de sécurité étant réglées grâce à des connexions informatiques. Ces progrès auront un impact sur le trafic fluvial et le trafic ferroviaire mais également sur le trafic routier puisque, les camions étant mieux remplis, ils seront moins nombreux à circuler. Je parle ici entre autres d'impact en termes d'emplois, ce que nous devons anticiper et accompagner.

Pour ce qui concerne la concurrence déloyale, je complèterai ce qu'a dit M. Gilles Savary en insistant sur le fait qu'il faut rester vigilant sur le respect des règles sociales et environnementales.

J'admets avec M. Michel Heinrich qu'une politique européenne en matière de logistique serait souhaitable, mais souvenons-nous que nous en sommes aux prémices d'une politique nationale en la matière, alors que la guerre entre territoires avait provoqué la désaffection logistique de certaines zones, dont les plates-formes ne sont plus utilisées. La priorité est donc d'établir au niveau national une gouvernance et un pilotage permettant d'éviter que de telles situations ne se reproduisent. La coordination européenne viendra dans un second temps.

L'établissement d'un schéma des infrastructures logistiques doit répondre aux préoccupations exprimées par M. Gérard Menuel, en permettant précisément d'englober l'ensemble des coûts et d'investir là où il est judicieux d'investir en renforçant les modes de transport les plus appropriés.

En revanche, il n'est pas pertinent de comparer les coûts d'un transport entre Nogent-sur-Seine et Rouen avec ceux d'une expédition vers la Chine. La différence tient à la loi de l'offre et de la demande : les flux vers la Chine étant très réduits, il ne coûte quasiment rien d'y expédier des conteneurs, d'autant que la massification dans le transport maritime contribue à écraser les coûts. Cela ne doit pas nous empêcher par ailleurs d'améliorer les performances au niveau local afin qu'aucun territoire ne soit privé des progrès de la logistique.

M. Rémi Pauvros a évoqué les moyens engagés par l'Union européenne pour le financement des infrastructures. C'est en élaborant un schéma d'infrastructures cohérent au plan national, comme l'on fait plusieurs de nos voisins européens, que nous pourrons faire bon usage des fonds européens.

Quant à la sécurité de nos concitoyens, elle ne passe pas uniquement par une réorientation des flux vers le fret ferroviaire ou maritime, mais en priorité par la modernisation de notre parc roulant et la formation de chauffeurs compétents.

M. Jean-Pierre Vigier a raison de souligner le sous-équipement des territoires ruraux en haut débit. Je tiens néanmoins à préciser que ce retard n'est pas celui du plan France Très Haut Débit.

Je répète à l'attention de Mme Catherine Beaubatie qu'un schéma national ne doit pas se limiter aux infrastructures de transport mais intégrer la question du foncier et du développement numérique. Nos entreprises doivent certes avoir accès au haut débit mais elles doivent surtout acquérir les compétences pour s'en servir. Le retard de nos PME dans l'appréhension de ce que peut leur apporter le numérique en matière de logistique est dramatique. C'est la raison pour laquelle nous insistons dans notre rapport sur l'urgence de les former et de les informer dans un domaine où elles ont d'importantes marges de progrès et où elles pourraient regagner rapidement 40 % de leurs coûts.

Je voudrais dire à M. Jean-Marie Sermier que les autoroutes ferroviaires ne peuvent être conçues que comme des colonnes vertébrales du réseau, et il ne me paraît guère envisageable de les développer au-delà d'une supplémentaire, compte tenu de ce que j'ai dit du transport routier.

Je partage ce qu'il a dit de la formation aux métiers de la logistique, très largement déficiente. C'est la raison pour laquelle le ministère de l'enseignement supérieur a décidé d'organiser la coordination de l'ensemble des formations aux métiers de la logistique, en supprimant les formations caduques pour en faire émerger de nouvelles et en repensant les enseignements au fond. Il s'agit en effet, notamment pour corriger la pyramide des âges, d'attirer les jeunes vers des métiers qui, loin d'être répétitifs – les tâches répétitives étant de plus en plus robotisées –, sont modernes, passionnants et offrent de multiples opportunités.

Je réponds à M. Olivier Falorni que l'avenir est évidemment à l'intégration et non à la différenciation, puisque l'internet permet aujourd'hui de choisir son mode de transport en fonction des différentes opportunités offertes à un instant donné et selon des critères économiques, environnementaux ou relevant de la RSE.

Quant aux progrès à attendre des nouvelles technologies et de la révolution numérique, ils vont être très rapides : Rolls Royce envisage de mettre en service dès 2020 des barges et des navires autonomes pilotés à distance et dédiés au transport de marchandises sur de longues distances. Cela signifie qu'en 2022, c'est-à-dire à la fin de la prochaine législature, ces procédés se seront déjà banalisés. Il faut donc s'attacher dès à présent à élaborer nos stratégies de développement en fonction de ces évolutions.

Pour ce qui concerne l'articulation entre l'échelon national et l'échelon régional sur laquelle m'a interrogé M. Florent Boudié, à l'échelon national se traiteront les questions de fiscalité, de réglementation, d'investissement et de formation, tandis qu'il reviendra aux régions d'assumer l'organisation des réseaux et d'être l'exécutif de terrain.

M. Gilles Savary a enfin assimilé le réseau logistique au système cardio-vasculaire de notre économie, doté de veines et de capillaires, d'un cerveau qui commande, d'un coeur qui pompe. La logistique est en effet un tout.

Vous l'aurez compris, à partir d'une page blanche, nous sommes parvenus, grâce à « France Logistique 2025 », à introduire, au printemps 2016, la problématique de la logistique dans nos politiques publiques. Je ne peux que souhaiter que le prochain Gouvernement et le nouveau Parlement s'en saisissent dès l'été prochain.

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