Intervention de Philippe Luscan

Réunion du 15 février 2017 à 9h30
Commission des affaires économiques

Philippe Luscan, président de Sanofi France et vice-président exécutif des affaires industrielles mondiales :

Je suis président de Sanofi en France, mais je suis aussi directeur industriel du groupe, et c'est à ces deux titres que je souhaite illustrer les propos de M. Philippe Lamoureux afin d'expliquer ce que fait Sanofi dans le domaine de la R&D en France ainsi que dans le domaine industriel, puisque c'est là le coeur de notre discussion.

S'agissant de la recherche et développement en France, nous dépensons 2,4 milliards d'euros par an, ce qui représente 40 % de nos dépenses de R&D mondiales. Nous disposons de six centres de recherche, employons 6 000 personnes environ, et nous sommes le premier investisseur privé de R&D en France, toutes industries confondues. La vocation de notre R&D est de développer de nouveaux médicaments. Après une période difficile dans les années 2010, pendant laquelle notre innovation s'était quelque peu tarie, nous sommes revenus à de meilleurs résultats puisque nous avons, au cours des trois dernières années, lancé cinq nouveaux médicaments dans le monde. Nous en lancerons cinq de plus dans les trois prochaines années.

Toutefois, seuls deux de ces cinq produits ont reçu une AMM en France, ce qui illustre la difficulté de l'accès des médicaments dans le domaine de l'innovation. Par ailleurs, huit de ces dix médicaments sont biologiques, et deux relèvent de procédés chimiques, ce qui constitue l'inverse de ce que j'ai connu à mes débuts chez Sanofi – je fête mes vingt-sept années au service de cette belle maison –, le rapport étant alors de 80 % pour 20 %.

En France, nous possédons 18 usines et employons 13 000 personnes. Ces chiffres sont stables depuis 2008, date de ma prise de fonctions. Nous exportons à travers le monde plus de 80 % de notre production – contre 50 % en moyenne pour l'industrie pharmaceutique en France –, et même plus de 95 % pour les vaccins. Le marché évolue néanmoins, ce qui nous impose de renouveler environ un tiers de l'ensemble de nos produits tous les six ans. Cela signifie que, tous les six ans, 6 de nos 18 usines doivent renouveler leur portefeuille de production ; en d'autres termes, tous les ans, une usine doit trouver une nouvelle dynamique. C'est ainsi qu'au fil des années, nous avons développé une stratégie industrielle reposant sur cinq leviers permettant d'anticiper cette indispensable transformation.

Le premier levier est l'export. Le marché français représente 6 % de nos ventes, ce qui signifie que 4 de nos usines travaillent pour la France, et les 14 autres pour l'exportation. En termes d'export, nous représentons 11 milliards d'euros, et notre balance commerciale positive s'établit à environ 6 milliards, ce qui est considérable. Nous sommes le cinquième exportateur français, après avoir été troisième derrière l'aéronautique et l'automobile, et nous avons l'intention de le redevenir.

Le deuxième levier est l'obtention de la reconnaissance par la Food and Drug Administration (FDA), qui régule le marché américain, capital pour nous à l'export. C'est pourquoi nous fournissons dans nos sites un travail qualitatif considérable afin de les faire approuver pour ce marché. Douze de nos dix-huit sites sont approuvés par la FDA, ce qui, à ma connaissance, n'est le cas que pour moins de la moitié des usines françaises.

Le troisième levier est la spécialisation de deux de nos sites pour le marché de l'automédication, dont nous sommes devenus le numéro un mondial grâce à l'acquisition du portefeuille dit OTC – acronyme de Over The Counter, soit par-dessus le comptoir – de Boehringer-Ingelheim. La croissance du portefeuille de produits de ces usines est ainsi assurée, car ils sont présents en France ainsi qu'à l'export.

Notre activité chimique, activité historique du groupe, représente le quatrième levier. Deux pôles sont concernés : le premier regroupant des usines travaillant pour le groupe Sanofi, le second produisant pour des laboratoires à travers le monde. Nous réfléchissons, à moyen terme, à des possibilités de partenariat afin de poursuivre cette dynamique de développement de notre activité chimique.

Le dernier levier est l'évolution dans les biotechnologies auxquelles huit de nos sites français sont consacrés, ce qui est considérable. Je pense qu'à travers nos diverses activités dans ce domaine, nous sommes le premier opérateur mondial. Au cours des six dernières années, nous avons investi 1 milliard d'euros dans nos usines afin de les adapter au portefeuille de Sanofi, et saisir les opportunités de croissance et de lancement de nouveaux médicaments.

Je citerai deux exemples célèbres en France, ce dont nous sommes très heureux. Dans la région lyonnaise, le site de Neuville-sur-Saône, est un ancien site de chimie que nous avons reconverti dans les années 2010 pour la production du vaccin contre la dengue, aujourd'hui approuvé par quatorze pays. À Vitry-sur-Seine, nous avons également reconverti un site de chimie en investissant 300 millions d'euros dans la production des anticorps monoclonaux. Approuvé par l'Europe, ce site est le plus grand producteur d'anticorps de France, et nous espérons obtenir l'année prochaine son agrément par les États-Unis.

Enfin, je souhaiterais délivrer trois messages.

D'abord, j'insiste sur le lien unissant, chez Sanofi, la recherche et développement, le commercial et la production. À cet égard, les difficultés d'accès au marché français que rencontrent certains de nos produits constituent un paradoxe puisque beaucoup d'entre eux sont fabriqués en France. Imagine-t-on que notre aéronautique rencontre des difficultés à faire homologuer les prototypes de ses nouveaux avions dans le marché national ? Établir cette liaison entre nos médicaments, le marché français et la production en France constitue pour nous un enjeu majeur.

Ensuite, je rappelle que l'objet de la R&D est l'innovation, et qui dit innovation, dit transformation. Notre activité dans le secteur biologique le démontre puisque les 80 % de notre effort de recherche que nous y consacrons induisent une transformation de notre outil industriel, que nous tâchons de mener dans la transparence, l'anticipation, et en agissant en entrepreneur.

Enfin, j'appelle l'attention sur la filière biotechnologique évoquée par M. Philippe Lamoureux, qui représente pour la France un énorme potentiel. Dans ce secteur, notre pays est en retard par rapport aux États-Unis, à l'Allemagne et à l'Irlande, pays qui forme 5 000 personnes par an dans les biotechnologies. Sanofi a donc décidé d'investir significativement en France et d'être l'acteur essentiel d'une filière dans laquelle la France doit s'engager et peut gagner.

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