Ce n’est pas à nous, élus de la République, que vous faites ce beau cadeau, mais à la France. Nous avons posé, ce qui n’était pas évident, un principe important : seule la loi dure. Les chartes internes aux entreprises – la soft law, comme on le dit trop fréquemment –, dépendent de l’initiative des uns ou des autres et sont souvent le fait des puissants. Même si elles sont mises en oeuvre dans beaucoup de nos pays, les chartes de bonne conduite ne suffisent pas.
Dans l’Europe continentale qui est la nôtre désormais, puisque nos amis Anglais ont fait le choix de partir, nous affirmons simplement que la loi doit dire le droit et que le droit doit s’appliquer. La convention ne suffit pas, ne suffit plus pour traiter d’un sujet aussi grave que celui de la vie des gens. Le drame du Rana Plaza et, auparavant, la catastrophe de Bhopal ont provoqué des dommages humains ; les grandes catastrophes de l’Erika et de l’Exxon Valdez ont causé des dégâts environnementaux absolument considérables, sans compter leur impact humain pour les personnes qui ont vu tout ce qui déversait sur leurs plages.
Le présent texte ressortit donc à une forme de moralisation de la vie politique. S’il est convenu de dire que le droit n’est pas la morale, je pense que la politique doit être morale. Par la suite, le droit fera son office et la jurisprudence se construira ; mais nous posons aujourd’hui un principe de droit considérable, selon lequel la vie d’un homme ne vaut pas le prix d’un t-shirt. Payer un t-shirt 3 euros ou une veste 25 euros ne justifie pas qu’un immeuble s’écroule et que 1 300 personnes y meurent. Cela nous obligera ainsi à réfléchir au prix des choses, à ce que nous payons, et donc à quelque chose d’important : la valeur de l’argent. Le prix des choses, c’est l’argent qu’on y consacre, mais aussi le corps des personnes qui l’ont fabriqué : ce n’est pas n’importe quoi.
Certes, le libre-échange est bénéfique car il a apporté la prospérité dans nos pays, mais au prix de nombreuses douleurs dans d’autres pays du monde. En adoptant ce texte, les hommes et les femmes politiques français font un acte essentiel : ils refusent d’accepter cette situation. Oui, les grandes entreprises et les multinationales ont un devoir de vigilance à l’égard de leurs sous-traitants.
Cette vigilance doit être effective et concrète, présentée aux salariés de nos entreprises dans les comités d’entreprise et dans les conseils d’administration ; elle doit être validée, pouvoir être revue et reformatée afin de construire une dynamique de sécurité autour d’un concept d’assurance qualité ; elle doit être révisable et opposable aux tiers, assortie de sanctions qui ne sont pas anodines. Comme cela a été dit tout à l’heure, le nouveau règlement européen portant sur l’informatique et les libertés prévoit des sanctions bien supérieures à celles que nous adoptons ici. Nous pouvons donc y arriver !
Ce texte important, que nous examinons en ces derniers jours de notre législature, aura nécessité quatre lectures. Il y avait en effet beaucoup de gens à convaincre, mais il y avait également beaucoup de gens motivés, et pas seulement dans cet hémicycle : les ONG, bien sûr, ainsi que Dominique Potier l’a rappelé tout à l’heure, mais aussi les fondations, grandes ou petites, les attachés parlementaires déterminés, pugnaces, qui vous appellent à trois heures du matin pour vous dire « N’oublie pas, demain matin, sept heures : il faut être là !» – c’est cela, le travail parlementaire, et ce n’est pas rien !
Le 22/02/2017 à 11:05, Laïc1 a dit :
"Dans l’Europe continentale qui est la nôtre désormais, puisque nos amis Anglais ont fait le choix de partir,"
Sont-ils encore nos amis ?
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