Intervention de François Rochebloine

Séance en hémicycle du 21 février 2017 à 15h00
Reconnaissance et poursuite des crimes perpétrés en syrie et en irak — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au moment de clore les travaux de la quatorzième législature, nous abordons un sujet éminemment grave, celui d’un drame qui se joue devant nos yeux : il s’agit des crimes perpétrés chaque jour en Syrie et en Irak par des organisations, étatiques ou non étatiques, sur des minorités ou sur l’ensemble de la population.

Qui parmi nous oserait le contester ? Les massacres commis sur ces populations, rapportés par la commission d’enquête internationale sur la Syrie dès 2014 et fondés sur d’innombrables témoignages, sont d’une ampleur sans précédent.

Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a dénoncé, dans un rapport de mars 2015, les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocides commis par Daech. Le rapport met en avant les meurtres, tortures, viols, esclavage sexuel ou conversions forcées commis par Daech. Le Haut-Commissariat écrit que le schéma des attaques contre les Yézidis « a indiqué l’intention de Daesh de détruire les Yézidis en tant que groupe ».

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Au début des années 1990, selon l’ONG Portes ouvertes, on dénombrait 1,2 million de chrétiens en Irak et 1,25 million en Syrie. Aujourd’hui, ils ne seraient plus que 300 000 et 500 000 respectivement. En 2015, au moins 7 100 chrétiens auraient été tués dans le monde « pour des raisons liées à leur croyance », ce qui représente une augmentation de 63 % par rapport à 2014. Le chiffre ne cesse de croître au fil des années.

Les populations yézidies sont, elles aussi, victimes de persécutions. En témoignent les massacres insupportables commis en 2014 dans la région de Sinjar, au nord de l’Irak. Ils auraient provoqué la mort de plusieurs milliers de personnes, réduit en esclavage 2 000 à 3 000 femmes et jeunes filles et contraint 90 % de la population yézidie d’Irak à l’exil. Il ne convient pas non plus d’oublier les chiites, les Turkmènes, les Kurdes ou les Shabaks, eux aussi les proies des massacres perpétrés par Daech.

Comment ne pas évoquer également les agissements du régime syrien, responsable de milliers de morts et qui aura fait subir à son peuple tortures et attaques aériennes et chimiques ?

À travers ces persécutions, c’est la diversité religieuse, ethnique et culturelle qui est visée. À travers ces exactions, c’est bel et bien à une entreprise d’élimination de certaines communautés que nous assistons. S’agit-il de génocides, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre ? Certainement. Faut-il déférer leurs auteurs devant la juridiction internationale ? Sans aucun doute.

La saisine par le Conseil de sécurité des Nations unies n’est envisageable que si une résolution est préalablement adoptée à cet effet. Nous pouvons, nous devons, comme le prévoit cette proposition de résolution, inviter le Gouvernement à utiliser les voies de droit, notamment la saisine de la Cour pénale internationale, la CPI, pour reconnaître ces crimes. Le monde, l’Europe et la France, berceau des droits de l’homme et de la liberté, ne peuvent rester inertes face à ces persécutions, à ces massacres, à l’asservissement des populations et à l’oppression des minorités.

Détruire Daech ainsi que le Front Al-Nosra et tous les autres groupes associés à Al-Qaïda, qui constituent une menace mondiale d’une gravité sans précédent contre la paix et la sécurité internationales, est l’objectif prioritaire. C’est pour cela que nous conduisons l’opération Chammal en Irak et en Syrie. Mais la reconstruction suppose à terme une réconciliation, laquelle ne peut se faire sans que justice soit rendue aux victimes et sans que les crimes commis soient reconnus et punis. Cela relève de notre responsabilité.

La communauté internationale a déjà condamné ces exactions et cette proposition de résolution s’inscrit dans la lignée d’autres textes. En janvier 2016, le Conseil de l’Europe a adopté une résolution reconnaissant que « des individus qui agissent au nom de l’entité terroriste Daech ont commis un génocide ». Ce ne sont pas mes collègues membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ici présents qui me démentiront. Le Parlement européen a également adopté une résolution sur le « massacre systématique des minorités religieuses par le soi-disant groupe Daech » et demandé au Conseil de sécurité des Nations Unies « de prendre des mesures pour que ces actes soient qualifiés de génocide ».

En mai 2014, la France a présenté une résolution visant à ce que le Conseil de sécurité des Nations unies saisisse la Cour pénale internationale de l’ensemble des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises en Syrie par l’ensemble des parties au conflit. La Russie y a mis son veto.

En décembre dernier, le Sénat a adopté une résolution sur le sujet. Peu de temps après, dans cet hémicycle, nous avons également adopté un texte à l’initiative de nos collègues du groupe Les Républicains, visant à reconnaître le génocide perpétré par Daech contre les populations chrétiennes, yézidies et autres minorités religieuses.

À la différence de cette précédente résolution, c’est ici l’ensemble des exactions dirigées contre la population civile qui est concerné. Le texte ne se limite pas aux minorités ethniques et religieuses : il concerne les crimes perpétrés en Syrie et en Irak quels que soient leurs auteurs et quelles que soient les considérations ethniques ou religieuses. Ainsi, là où le précédent texte visait Daech, celui que nous examinons aujourd’hui englobe tous les auteurs, car il peut s’agir d’organisations étatiques comme d’organisations non étatiques, de Daech comme d’Al-Qaïda ou du Front Fath Al-Cham.

Le présent texte répond donc aux préoccupations exprimées par mon collègue Meyer Habib en décembre dernier. Cette proposition de résolution invite le Gouvernement à utiliser toutes les voies de droit, y compris la saisine de la Cour pénale internationale par le Conseil de sécurité, pour reconnaître les crimes perpétrés en Syrie et en Irak, notamment les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, voire les crimes de génocide, et pour poursuivre leurs auteurs. Nous soutenons cette initiative car il revient à la communauté internationale et à l’ONU de prendre leurs responsabilités et de saisir la juridiction internationale.

La proposition de résolution prend également en compte l’aspect humanitaire – vous l’avez rappelé dans votre intervention, madame la présidente de la commission des affaires étrangères –, particulièrement en Syrie où la situation est alarmante. De très nombreux hôpitaux sont la cible de frappes aériennes depuis 2011. Le système de santé est très fragilisé. Les efforts doivent donc être poursuivis pour faire parvenir l’aide humanitaire internationale aux populations civiles en Syrie.

Mes chers collègues, faire reconnaître ces crimes et condamner leurs auteurs en les soumettant à la justice pénale internationale est un devoir moral que nous nous honorerions à remplir en adoptant cette proposition de résolution, afin que triomphe la justice et que soit réalisée une paix durable. Monsieur le secrétaire d’État, le groupe UDI votera donc en faveur de cette proposition de résolution, dont plusieurs de mes collègues et moi-même sommes cosignataires.

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