Intervention de Stéphane Saint-André

Séance en hémicycle du 21 février 2017 à 15h00
Reconnaissance et poursuite des crimes perpétrés en syrie et en irak — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Saint-André :

Monsieur le Président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, issue d’une branche dissidente d’Al-Qaïda, l’organisation terroriste Daech, autoproclamée depuis 2014 « État islamique en Irak et au Levant », l’EI, est devenue peu à peu la plus puissante et dangereuse dans la région et le monde, d’abord par l’immense territoire qu’elle tient sous son contrôle, puisque l’EI étend son influence sur une grande partie des territoires irakien et syrien, contrôlant de nombreux points de communications et axes stratégiques tels que les villes, les fleuves et les postes-frontières, avec pour ambition d’établir à terme un califat s’étendant du Levant à l’Irak.

Cette organisation est également un danger car elle dispose de moyens financiers considérables. Sans une fortune estimée à plusieurs milliards de dollars, alimentée notamment par des avoirs récupérés dans les banques sur son territoire, l’exploitation des puits de pétrole et du racket récolté dans les zones sous son contrôle, l’État islamique ne pourrait mener ses exactions barbares.

Il ne pourrait pas non plus y parvenir sans une force combattante de plusieurs dizaines de milliers d’individus, venus d’Irak et de Syrie pour la plupart, ainsi que d’Occident. Car l’État islamique continue, par son idéologie, ses méthodes et ses objectifs, d’être d’une dangerosité exceptionnelle aux conséquences gravissimes, puisque, sous couvert de principes religieux, cette organisation prône une doctrine mafieuse et criminelle pour asservir les populations sous son contrôle. Elle y parvient en ayant recours à toutes formes de violence, à l’esclavage, aux enlèvements et à la traite, ainsi qu’à des exécutions barbares : fusillades, décapitations, crucifiements.

À plusieurs reprises, des preuves suffisantes ont été présentées par les Nations unies, par des organisations de défense des droits de l’homme et de causes diverses, ainsi que par des médias, pour arriver à la conclusion que Daech commet des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des actes constitutifs d’un génocide, que ce soit contre des groupes religieux ou contre la population civile dans son ensemble. La condamnation de ces crimes doit non pas varier selon l’origine des victimes, mais concerner chacune d’elles : il y a déjà plus de 300 000 morts.

N’oublions pas, par ailleurs, que, non contents de s’en prendre aux hommes, aux femmes et aux enfants, les terroristes s’attaquent aussi à l’histoire, à la culture et à l’art. Ainsi le musée de Mossoul, la cité assyrienne de Nemrod ou le temple de Bel à Palmyre, pour ne citer qu’eux, ont été saccagés, tant cette organisation veut éradiquer toutes les traces d’un passé dans lequel ont coexisté les civilisations et les grandes religions.

Ensuite, cette idéologie et les actes barbares commis en son nom ont pour conséquence immédiate le drame humanitaire d’Alep, où la population est à la merci des frappes et des blocus opposés à l’aide humanitaire. Autre conséquence : l’afflux historique de réfugiés – plus de 4 millions –, qui fuient la guerre et les massacres vers les pays limitrophes et jusqu’aux portes de l’Europe.

Enfin, Daech est un danger sans nom dans l’exportation du terrorisme puisque, depuis sa basse arrière en Syrie, l’État islamique nous touche régulièrement en plein coeur : les événements tragiques que nous vivons depuis 2015 l’attestent. Rappelons que face à cette menace d’abord, à ces attaques ensuite, la France n’a pas tardé à réagir.

Elle a d’abord réagi en Irak, puisque dès août 2014, en parallèle avec les frappes aériennes américaines menées contre l’État islamique dans le Nord irakien, notre pays a commencé par envoyer de l’aide humanitaire aux réfugiés fuyant l’avancée de l’EI, avant de livrer des armes aux forces kurdes et irakiennes en première ligne dans le combat contre les djihadistes. Et quand, à la demande du gouvernement irakien, dans le cadre des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies, une large coalition internationale s’est formée, la France a pris l’initiative d’organiser à Paris, en septembre 2014, une conférence internationale pour la paix et la sécurité en Irak.

Quelques jours après, elle lançait l’opération Chammal. Celle-ci, basée aux Émirats arabes unis et en Jordanie et forte, alors, de 800 militaires et d’un dispositif important, constitué notamment de plusieurs avions Rafale et Mirage, s’est montrée très active puisque, en étroite coordination avec nos alliés présents dans la région, elle a permis des avancées significatives, en fournissant un appui aérien aux forces armées irakiennes et en acquérant du renseignement sur les positions et les mouvements des terroristes.

Cependant Daech a poursuivi son emprise, accompagnée d’atrocités, jusqu’en Syrie. Le Président de la République, chef des armées, a alors décidé en septembre 2015 l’engagement de nos forces aériennes pour des vols de reconnaissance au-dessus du territoire syrien. Le but : permettre aux services français de collecter du renseignement sur les centres d’entraînement et de décision de l’État islamique et, éventuellement, les frapper. Cette décision a reçu l’aval du Parlement. Ainsi, la France a pu frapper à plusieurs reprises, et avec succès, des camps d’entraînement de combattants étrangers.

À la suite des attentats meurtriers perpétrés sur notre territoire, cet effort s’est amplifié. Il a d’abord été décidé d’accentuer les frappes, qui ont alors détruit postes de commandement, centres de recrutement djihadistes, camps d’entraînement terroristes et dépôts d’armes et de munitions. Il a ensuite été décidé de faire appareiller le porte-avions Charles-de-Gaulle et de l’envoyer dans le golfe Persique, où il a multiplié par trois nos capacités d’action : des chasseurs-bombardiers en partent désormais pour appuyer au sol les forces locales qui progressent contre les troupes de Daech.

Ainsi, les forces irakiennes appuyées par la coalition internationale ont eu raison de l’État islamique dans nombre de ses bastions, tandis qu’en Syrie, l’organisation terroriste cède également du terrain. En Irak, en un an et demi, Daech a dû céder le contrôle de plusieurs villes. Ainsi, Tikrit, Sinjar et Ramadi ont été reprises, comme quasiment la moitié des territoires alors contrôlés par les djihadistes. Bientôt, ce sera Mossoul qui tombera.

Au sein de la coalition internationale, nos armées ont donc montré leur capacité de mobilisation et leur efficacité dans la lutte contre l’État islamique. Néanmoins, s’il faut combattre et éradiquer Daech par la force, militairement, il faut aussi continuer à le faire par le droit.

Là encore, la France n’a pas tardé à agir. En mai 2014, elle a tenté en vain de faire saisir la Cour pénale internationale des crimes commis en Syrie, en proposant une résolution qui dénonçait les crimes commis tant par l’État islamique que par le régime syrien. Sans surprise, le texte fut bloqué par un veto de deux membres permanents, la Russie et la Chine. En octobre dernier, notre pays présentait un projet de résolution demandant la cessation des bombardements sur Alep et essuyait de nouveau un veto de la Russie. Deux mois plus tard, il soutenait une autre résolution sur la situation à Alep pour permettre aux acteurs humanitaires d’agir face aux urgences vitales dans l’est de la capitale ; une fois encore, la Russie a brandi son veto.

De même, en mars 2015, la France était à l’origine d’un débat au Conseil de sécurité des Nations unies pour mobiliser la communauté internationale face aux persécutions infligées par Daech aux chrétiens d’Orient et à d’autres minorités. En septembre, elle organisait, avec la Jordanie, la conférence internationale de Paris sur les victimes de violences religieuses et ethniques au Moyen-Orient.

Contre ces crimes de guerre, ces crimes contre l’humanité et ces actes constitutifs d’un génocide, il est impératif que le Gouvernement continue à utiliser toutes les voies de droit, notamment la saisine de la Cour pénale internationale par le Conseil de sécurité. De même, il est indispensable que le Gouvernement poursuive ses efforts afin que l’aide humanitaire parvienne aux populations civiles en Syrie.

Par conséquent, vous l’aurez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient cette proposition de résolution.

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