Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, terminer la législature avec l’examen d’un texte améliorant la transparence dans le domaine du financement politique est particulièrement symbolique d’un quinquennat qui a permis de grandes avancées dans ce domaine. Que je sois, en outre, le rapporteur de ce texte me permet de prononcer dans cet hémicycle le dernier discours d’une vie parlementaire qui aura duré vingt-cinq ans et qui aura été largement consacrée à ces questions. C’est dire l’émotion que je ressens.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui présente un aspect d’apparence mineur, puisqu’il s’agit de rendre publics les emprunts obtenus par les partis politiques et les candidats aux élections, ainsi que les prêts consentis aux candidats, en indiquant leur origine et leurs caractéristiques. Elle complète ainsi les dispositions que nous avons prises durant ce quinquennat pour clarifier le financement de la vie publique.
Nous avons limité les dons aux partis politiques à 7 500 euros, tous versements cumulés. Nous avons supprimé les dérives occasionnées par l’existence de dispositions spécifiques à l’outre-mer et qui ont permis l’apparition, en métropole, de partis « guichets » au seul bénéfice personnel des parlementaires intéressés. Nous avons procédé à la répartition égalitaire de la réserve parlementaire entre majorité et opposition, et les attributions de cette réserve sont désormais rendues publiques. Nous avons assuré la publicité du rattachement des parlementaires aux partis politiques bénéficiaires de l’aide publique. Nous avons obligé les groupes parlementaires à se doter d’un statut associatif et avons rendu publics leurs comptes.
Avec ce texte, c’est un pas supplémentaire qui est fait. Considérer que la proposition de loi que nous examinons est négligeable serait une erreur. En effet, les emprunts constituent l’essentiel des ressources utilisées en fonds propres par les candidats pour financer leurs dépenses électorales – près de 39 millions d’euros pour les dernières élections législatives – et ces sommes sont quasi intégralement remboursées par un apport d’argent de l’État, dans la mesure où l’on a obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. Ce double mécanisme – emprunt au départ, remboursement par l’État ensuite – permet à des candidats sans fortune personnelle de tenter l’aventure électorale. Il est donc utile de connaître l’origine et les modalités précises de ces emprunts finalement remboursés avec des fonds publics.
S’agissant des partis politiques, il est encore plus utile de connaître l’origine et les caractéristiques des emprunts obtenus et des prêts consentis. L’opacité qui règne aujourd’hui dans ce domaine a permis à certains groupements politiques de mettre au point des pratiques à la légalité douteuse – expression qui signifie, si l’on parodie la réplique d’Emmanuelle Riva dans Hiroshima mon amour, « qui doutent de la légalité ». Je pense en particulier au parti créé par Mme Le Pen et qui s’appelle « Jeanne » : son trésorier, son ancien trésorier et son expert-comptable viennent d’être renvoyés devant le tribunal correctionnel, à l’issue d’une instruction qui a duré plusieurs années et qui portait sur le financement des élections départementales de 2011 et des élections législatives de 2012 – le financement d’élections plus récentes faisant lui aussi l’objet d’investigations de la justice.
Sommés par la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques de préciser l’origine et les modalités de ce financement, les responsables de Jeanne n’ont pas répondu aux demandes. Il est vrai que la non-réponse n’est pas sanctionnée, ce que déplore d’ailleurs la Commission. Désormais, grâce à l’adoption de ce texte, ces renseignements seront joints aux comptes des partis politiques et certifiés par les commissaires aux comptes. C’est donc un nouveau pas vers la transparence du financement de la vie publique qui sera accompli avec ce texte. Il s’additionnera à tous ceux qui ont été réalisés durant le quinquennat de François Hollande, et que je me plais à rappeler.
Concernant l’élection présidentielle, la transparence a été réalisée sur les parrainages accordés aux candidats : désormais, chacun devra assumer devant ses électeurs le choix politique qu’il aura effectué. En outre, le patrimoine de chacun des candidats sera rendu public, alors que lors des élections précédentes seul le patrimoine du candidat élu l’était. Enfin, les comptes de campagne des candidats feront l’objet d’un contrôle renforcé de la part de la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques, que nous avons dotée de compétences nouvelles pour qu’elle puisse apprécier à leur juste valeur les coûts des meetings électoraux, en recourant à des experts qui pourront déceler d’éventuelles sous-estimations par les candidats telles qu’on en a vu par le passé. Les candidats devront en outre fournir la liste détaillée des avantages matériels et financiers accordés par les partis politiques qui soutiennent leur candidature.
Une fois élu, le Président de la République disposera d’un budget global, dont le montant a été réduit de 10 % au cours de ce quinquennat – il est désormais inférieur à 100 millions d’euros – et qui sera contrôlé chaque année par la Cour des comptes. Il serait bon d’ailleurs que les candidats se prononcent sur le maintien de ce contrôle, qui résulte de la seule volonté du chef de l’État. Quant aux avantages matériels que l’État accorde aux anciens présidents, ils seront désormais plafonnés et limités dans le temps.
Il serait souhaitable que les candidats à la présidentielle se prononcent aussi sur deux autres décisions prises par le chef de l’État durant ce quinquennat : d’une part, la diminution de 30 % de la rémunération du Président de la République et des membres du Gouvernement ; d’autre part, l’interdiction pour un ministre d’exercer, en même temps, une fonction exécutive locale, afin de se consacrer pleinement à son action ministérielle. Ce n’est pas pour l’instant une obligation, car il faudrait pour cela une réforme de la Constitution ; c’est toutefois une tradition, qui a été instaurée par François Hollande et dont il serait souhaitable qu’elle soit poursuivie.
En outre, la présente mandature a été marquée par l’apparition d’une législation relative aux conflits d’intérêts et à la déontologie dans la fonction publique. La définition du conflit d’intérêts est claire : « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».
La suppression du cumul d’un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale, mesure applicable dès la prochaine législature, met un terme au conflit d’intérêts le plus généralisé – et pour cette raison banalisé – de notre vie politique. Désormais, les élus nationaux ne seront plus soumis à la tentation de préférer l’intérêt des collectivités locales au détriment de l’intérêt de la nation, notamment dans le domaine financier.
La publicité, sur le site de la Haute Autoritépour la transparence de la vie publique – HATVP – des déclarations d’intérêts des parlementaires et des élus locaux chargés d’une responsabilité de décision,…