Nous regrettons cependant que de nombreuses dispositions sans lien avec les projets législatifs du Gouvernement soient maintenant censurées par le Conseil constitutionnel, nonobstant cette réforme constitutionnelle de 2008 qui avait élargi la base de l’entonnoir législatif. Ces censures à répétition, signe d’une mauvaise législation, permettent en effet au Conseil constitutionnel d’éviter de se prononcer sur le fond des dispositions en cause, au bénéfice d’éventuelles questions prioritaires de constitutionnalité qui viendraient contester a posteriori leur conformité à la Constitution.
La revalorisation du Parlement, mes chers collègues, passera par une meilleure maîtrise du processus législatif par le Gouvernement et le Parlement, ce qui supposera de moins légiférer en ne recourant plus systématiquement à la procédure accélérée et en évitant d’alourdir les textes au fur et à mesure des différentes lectures, sans oublier la nécessaire revalorisation de notre fonction de contrôle et d’évaluation des politiques publiques. Je formule ce voeu pour la quinzième législature… Les réformes aventureuses ou bancales proposées par certains, comme la suppression du bicaméralisme, ne sont que poudre aux yeux. Gardons-nous de poursuivre ces chimères.
J’en reviens au texte qui nous occupe aujourd’hui. Son objet initial – rendre public le recours des partis politiques et des candidats à l’emprunt, et les flux financiers existant entre les partis, ainsi qu’entre les partis et les candidats – a été élargi : les délais et les modalités de dévolution des comptes de campagne sont revus ; les pouvoirs de sanction de la CNCCFP, modulés ; et certaines formalités d’ordre comptable, allégées.
Les sénateurs, estimant qu’une plus grande transparence du financement de parti à parti était contraire à l’article 4 de la Constitution, ont toutefois supprimé l’article 2 de la proposition de loi. À la faveur de ce raisonnement biaisé, il n’y aura donc pas de transmission à la CNCCFP des flux nets entre partis politiques, ni de publication systématique des montants nets de ces flux entre partis. Cette disposition était la plus importante du texte. Comme il s’agit aujourd’hui de le voter conforme afin qu’il puisse être promulgué, tout amendement devient superfétatoire. Nous allons donc adopter cette proposition de loi en l’état, alors qu’elle a perdu une grande part de son intérêt.
C’est une déception, et nous partageons les regrets exprimés par notre rapporteur, regrets que nous imaginons d’autant plus amers qu’il faisait partie de la commission d’enquête parlementaire sur le financement des partis et des campagnes électorales sous la Ve République, présidée par Pierre Mazeaud, dont le rapporteur était Jean Le Garrec. Son rapport estimait que la plupart des difficultés passées et actuelles rencontrées en matière de financement des activités politiques tenaient au fait que notre droit ne comporte pas de statut des partis politiques. Il a été adopté le 13 novembre 1991.
Vingt-cinq ans plus tard, nous en sommes toujours à dresser le même constat alors que les micropartis ayant souvent pour but de permettre un contournement des dispositions qui encadrent le financement des campagnes électorales et des partis politiques prolifèrent.
La commission nationale des comptes de campagne dénombrait 431 partis politiques en 2015, toutes formations confondues. Nous savons tous ici qu’il n’y a pas 431 partis politiques en France et que seule l’instauration d’une étanchéité comptable entre les différentes formations politiques permettra de mettre fin aux abus maintes fois dénoncés. Cela suppose de définir ce qu’est un parti politique, que rien ne distingue juridiquement d’une association d’amateurs de pétanque ou de toute autre activité récréative.
Sans pour autant vouloir aller aussi loin que le propose notre excellent collègue Olivier Falorni dans la courageuse proposition de loi qu’il a déposée le 30 novembre dernier, je formule le voeu pour la prochaine législature que nous puissions, éventuellement par le biais d’une nouvelle commission d’enquête, réfléchir aux éléments positifs qui serviraient à l’édification d’un réel statut des partis et des groupements politiques afin qu’il soit possible, d’une part, de garantir le pluralisme de l’expression des opinions en distinguant les partis des autres associations ou groupements et, d’autre part, de veiller à la participation équitable de tous à la vie démocratique de la nation, sans altérer la liberté d’action et d’organisation des partis et des groupements politiques.
S’exprimer sur le dernier texte de la législature est un honneur qui confine quelquefois à la nostalgie. J’ai de-ci de-là entendu certains de mes collègues faire part de leur lassitude. Ce n’est pas mon cas. Je souhaite simplement que cette assemblée, où nous sommes nombreux à beaucoup travailler, à des centaines de kilomètres parfois de notre vie personnelle et familiale, soit davantage respectée. On trouve trop souvent des propos injurieux sur les réseaux sociaux.