Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi sénatoriale soumise à notre examen aujourd’hui, dernier texte de la législature, tend à renforcer les obligations comptables des partis politiques. Il s’agit d’améliorer la transparence des financements des campagnes électorales et des partis politiques.
Le dispositif proposé reprend des dispositions introduites par l’Assemblée nationale sous forme d’amendement lors de l’examen en première lecture de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Ces dispositions avaient été déclarées non conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.
L’article en question prévoyait la publication par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques d’informations relatives aux emprunts souscrits par les candidats à une élection politique tenus d’établir un compte de campagne ainsi que par les partis et groupements politiques bénéficiant de l’aide publique ou de dons.
Le texte a été complété par les sénateurs avec plusieurs dispositions visant les délais et modalités de dévolution des comptes de campagne, la possibilité offerte à la commission nationale des comptes de campagne de moduler les sanctions qu’elle prononce ou encore l’allégement des formalités de certification comptable pour les plus petites formations politiques.
Toutes ces mesures recueillent notre assentiment.
Nous sommes en particulier favorables à ce que la commission nationale des comptes de campagne puisse rendre publics les montants des emprunts souscrits par catégories de prêteurs, types de prêts et pays d’origine des prêteurs, et indiquer l’identité des différents prêteurs personnes morales, les flux financiers nets entre partis et entre partis et candidats.
Ainsi, les citoyens auront connaissance de l’existence, du montant et de l’origine nationale de ces emprunts et pourront apprécier par eux-mêmes l’indépendance des formations et des candidats.
Sachant que la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n’est pas en mesure de tracer l’origine des fonds dont bénéficient les partis politiques dès lors qu’ils sont versés par des contributeurs étrangers, il importait donc de légiférer.
Nos collègues au Sénat, par la voix d’Éliane Assassi, se sont interrogés sur l’opportunité de l’examen de ce texte. Pourquoi seulement aujourd’hui, alors que le texte ne sera applicable qu’en 2018 ? Pourquoi ne pas avoir déposé simultanément une proposition de loi organique visant le scrutin présidentiel ? Ce sont des interrogations légitimes.
Nous ne pouvons que regretter que ce texte, qui ne sera applicable qu’aux élections intervenant après le 1er janvier 2018, ne s’accompagne pas de mesures touchant les élections présidentielles. Nous regrettons surtout qu’il fasse montre d’une si faible ambition. Nous savons, avant même de l’adopter, qu’il devra être complété.
Nous aurions pu souhaiter, par exemple, une extension des règles de publicité des dons ou emprunts des personnes physiques au-delà d’un certain seuil. Nous aurions pu également revenir sur la mesure de réduction d’un an à six mois de la période de comptabilisation des dépenses de campagne présidentielle sans modification proportionnelle du plafond de dépenses, qui fait problème car elle constitue une forme d’appel à dépenser davantage.
Nous aurions pu profiter de ce texte pour aborder d’autres sujets. Le calendrier de son examen nous interdit d’aborder des questions cruciales. En commission, notre collègue Jean-Christophe Lagarde a ainsi abordé à juste titre le problème bancaire. Les banques se montrent en effet de plus en plus frileuses, voire hostiles, à l’idée de prêter de l’argent aux candidats en attendant le remboursement de leurs dépenses par l’État. J’en ai personnellement fait les frais. C’est un sujet que nous devrions traiter au Parlement car il n’est pas acceptable qu’une banque puisse de fait s’arroger le droit de désigner qui peut ou ne peut pas être candidat.
Il apparaît également de plus en plus nécessaire et urgent de revoir notre système de financement public des partis politiques. Si les règles instituées depuis la loi du 11 mars 1988 ont constitué une avancée, le mode de répartition des financements n’est pas satisfaisant. Une moitié dépend des résultats obtenus au premier tour des élections législatives ; l’autre moitié est attribuée aux partis représentés au Parlement, en proportion de leur nombre de députés et sénateurs.
Une telle clé de répartition contribue à renforcer le bipartisme et reproduit à l’échelle du financement des organisations politiques les distorsions introduites par les modes de scrutin actuels. Les deux principales formations politiques ont ainsi touché au cours de la législature près de 70 % de l’ensemble de l’aide publique, alors qu’elles ont obtenu aux dernières législatives 57 % des suffrages exprimés au premier tour.
En l’absence de scrutin proportionnel, le fait d’attribuer la moitié de l’aide en fonction du nombre de députés et sénateurs constitue donc une anomalie. Afin de renforcer l’équité du dispositif, nous proposons pour notre part d’établir de nouvelles règles de répartition de l’aide publique donnant plus de poids à la fraction assise sur les suffrages exprimés en faveur de chaque parti. Ce serait une évidente mesure de justice.
Ces remarques étant faites, le texte qui nous occupe n’est pas non plus inutile. Les emprunts constituent en effet l’essentiel des ressources propres utilisées par les candidats pour couvrir les dépenses, soit 71 % lors des élections municipales, 75 % lors des élections législatives et 89 % lors des élections départementales. Ces sommes, remboursées par l’État dans une proportion de 90 à 95 %, ne sauraient être obtenues dans des conditions plus ou moins opaques.
Ce texte poursuit également l’objectif d’informer les citoyens pour leur permettre d’apprécier par eux-mêmes l’indépendance des formations et des candidats à l’égard notamment de puissances étrangères.
Nous le voterons donc sans hésitation, monsieur le rapporteur.