Intervention de Denys Robiliard

Réunion du 15 février 2017 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenys Robiliard, rapporteur de la mission d'évaluation :

Monsieur Costes, le fait que le décret relatif aux UMD ait été attaqué dès sa parution semble prouver, selon vous, que vous aviez raison de contester la disposition de la loi qui les concerne. Je vous rassure, si je puis dire : le reste de la loi, que vous souteniez, a également été mis en cause. Pour notre part, nous considérons que le passage par un dispositif thérapeutique n'a pas à produire d'effets juridiques ; les deux champs ne se recouvrent pas. Je ne crois pas que notre analyse soit erronée.

Je me félicite qu'un large consensus se dégage ce matin. Lorsque nous nous opposons sur les questions psychiatriques, cela fait d'abord souffrir les malades – bien plus que les psychiatres eux-mêmes. Il est de notre responsabilité qu'il n'en soit pas ainsi. Je constate avec satisfaction la quasi-unanimité de notre commission sur un sujet difficile.

Certaines de vos remarques concernent moins les soins sans consentement que la psychiatrie en général. Nous retrouvons, dans cette spécialité, les problèmes généraux du monde médical.

La question des déserts médicaux, par exemple, se pose parfois davantage en psychiatrie : certains hôpitaux ne disposent pas du nombre de psychiatres nécessaire à leur fonctionnement. En 2013, lorsque j'étais rapporteur de la mission d'information de notre commission sur la santé mentale et l'avenir de la psychiatrie, on m'avait cité le cas d'un hôpital psychiatrique sans psychiatre : les spécialistes d'autres hôpitaux s'y relayaient. Lorsque l'on sait l'importance de la personnalisation et de la continuité médicale afin de rétablir la relation humaine, on s'interroge. Je continue de penser qu'une partie de la solution se trouve chez les médecins généralistes qui doivent être davantage formés : il leur appartient d'identifier la maladie, et de savoir passer la main à un spécialiste plus tôt qu'ils ne le font généralement. Il faut également que ce dernier assure un retour vers le généraliste, ce qu'il ne fait pas toujours, tant s'en faut.

Mme Orliac a évoqué l'IPPP et, de son côté, M. Perrut a parlé des mesures urgentes. Il s'agit en fait du même sujet. L'IPPP intervient en matière de mesures urgentes prises par les commissaires de police lorsqu'ils exercent, par délégation du préfet de police, une prérogative qui est habituellement celle des maires.

Je rappelle que, pour prolonger une hospitalisation d'urgence, le préfet doit prendre une décision dans les quarante-huit heures qui suivent l'arrêté du maire. Ce dernier lui est transmis dans les vingt-quatre heures de sa signature. À défaut de décision du préfet, la personne est remise en liberté.

Si nous disposons de nombreuses informations sur les mesures d'urgences prises à Paris grâce aux comptes rendus transmis par l'IPPP, nous n'en avons en revanche aucune sur la situation en province. Paradoxalement, nous n'avons donc aucune statistique sur les pratiques de ceux qui sont les moins préparés pour agir – le maire est parfois seul, sans aucun service communal.

Le préfet doit certes informer le maire dans les vingt-quatre heures de la décision qu'il prend, mais il n'y a pas de dispositions spécifiques pour assurer le suivi des décisions. Sachant qu'à Paris deux mille personnes passent tous les ans par l'IPPP, on peut penser que les cas sont nombreux hors de la capitale, même si nous avons bien conscience que le cas de Paris est un peu particulier en raison de sa nombreuse population et de l'attrait particulier exercé par la ville sur les malades. Je rappelle aussi que, par délégation du préfet de Seine-Saint-Denis, le préfet de police de Paris gère les problèmes de l'aéroport de Roissy.

Madame Orliac, vous avez raison, il y a bien un problème : le rapport prévu à l'article 73 de la loi du 26 janvier 2016 devait être remis au Parlement dans les six mois de la promulgation de la loi. De son côté, la préfecture de police a fait la partie du travail qui lui incombait, et nous avons eu connaissance des « Éléments pour le rapport au Parlement relatif à l'évolution de l'organisation de l'infirmerie psychiatrique près la préfecture de police de Paris ». Le préfet de police assume la responsabilité de ce document, et nous ne sommes pas certains qu'il ait été rédigé par le médecin-chef de l'IPPP. Nous ne lui avons pas posé la question, même si nous avons passé trois heures à l'IPPP où nous l'avons rencontré, ainsi que les professionnels qui travaillent dans cette structure. L'infirmerie psychiatrique fonctionne en coordination avec le bureau des actions de santé mentale de la préfecture de police (BASM) qui émet tous les arrêtés suite aux décisions du préfet relatives à l'admission en soins psychiatriques de personnes non consentantes.

Nous ne nous sommes pas prononcés sur l'IPPP. Nous avons seulement constaté que l'établissement fonctionnait bien. Il compte cinq psychiatres : un médecin-chef, un médecin-chef adjoint, trois psychiatres à temps partiel. Ces derniers se relaient, et la présence psychiatrique est continue. Conformément aux objectifs poursuivis par la loi, 93 % des personnes hospitalisées y font un passage de moins de vingt-quatre heures. Un véritable dispositif d'observation est en place. Malgré la durée généralement limitée passée à l'IPPP, le placement systémique en isolement peut être discuté, d'autant que les lieux dédiés ne sont pas équipés de sanitaires – un infirmier et un surveillant doivent assurer les déplacements dans l'infirmerie. Le dispositif médical est cependant très bien encadré. Le personnel est en nombre suffisant. Les certificats sont rédigés de façon très précise, et le taux de confirmation est très élevé – les ordonnances de mainlevée des JLD parisiens sont peu fréquentes. Dans ces conditions, je vous avoue que la réforme de l'IPPP ne constitue pas, à mes yeux, la priorité du moment. En matière de psychiatrie, il me semble que nous devons mener des travaux autrement urgents.

À mon sens, l'IPPP est victime de son rattachement à la préfecture de police car, assez spontanément, on imagine que la psychiatrie ne devrait pas relever de cette institution. N'oublions pas que l'IPPP prend en charge des personnes qui font l'objet de mesures urgentes d'hospitalisation à Paris alors que, partout ailleurs en France, ces mesures sont prises par les maires sans que l'on n'en sache jamais rien ! Comment sont-elles exécutées ? Combien en compte-t-on ? Même si je n'ai pas connaissance d'abus particuliers sur les territoires, je pense qu'il faudrait commencer par répondre à ces questions, et par savoir comment les choses se passent dans les communes avant de chercher à réformer l'IPPP.

Vous êtes nombreux à vous être interrogés sur l'effectivité des droits. Notre rapport d'information traite ce sujet en abordant trois questions importantes.

Les rapporteurs encouragent « la généralisation, au niveau national, de points d'accès au droit dans l'ensemble des établissements autorisés en psychiatrie chargés d'assurer les soins psychiatriques sans consentement ». Cela vaut aussi à mon sens dans les hôpitaux généralistes. La question se pose cependant avec davantage d'acuité à l'hôpital psychiatrique où il faut répondre non seulement aux problèmes relatifs à l'hospitalisation sans consentement, mais aussi à ceux concernant les régimes de protection des majeurs. Les commissions départementales d'accès au droit (CDAD), instituées auprès de chaque tribunal de grande instance, sont compétentes pour agir, mais des financements sont nécessaires.

J'en viens à la question des notifications. Qui notifie ? Est-ce le médecin ou le directeur d'établissement ? Comment les notifications sont-elles faites ? Vérifie-t-on que la personne hospitalisée dispose bien d'une copie du document sans lequel elle ne pourra pas attaquer la décision qui la concerne ? Pour exercer ses droits, il faut être informé. L'IPPP a pris des dispositions afin d'informer de ses droits toute personne maintenue dans ses locaux, dès son arrivée sur place. Je crois, madame Orliac, que ces mesures permettent de répondre aux observations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté que vous citiez. La notification de la décision énonce nécessairement les conditions de recours car, sans cette précision, le délai de recours ne court pas.

Il ne faut pas oublier le sujet un peu urticant de l'aide juridictionnelle. La loi du 27 septembre 2013 impose la présence de l'avocat, car le législateur a estimé que, si l'état de santé d'une personne l'empêche de consentir aux soins qui lui sont nécessaires, on ne peut présumer qu'il lui permet de discerner si elle a besoin d'être assistée par un conseil. La loi impose donc la présence de l'avocat, mais sans prévoir une prise en charge au titre de l'aide juridictionnelle. La pratique des bureaux d'aide juridictionnelle est cependant assez souple pour que cette prise en charge soit accordée dans environ 90 % des cas, sans que l'avocat ait à justifier des revenus de son client. La situation de l'avocat est particulièrement difficile : il intervient en urgence dans des délais si brefs que le bureau d'aide juridictionnel n'a pas le temps de prendre une décision. De plus, il a affaire à une personne hospitalisée qui n'a plus accès aux documents qui justifieraient de ses revenus et de ses charges.

Une question plus fondamentale se pose. Il serait en effet un peu saumâtre de demander à une personne qui fait l'objet d'un examen judiciaire qu'elle n'a pas demandé mais auquel la loi le soumet, et qui sera assistée d'un avocat parce que le législateur le lui impose, de régler les honoraires de ce dernier au motif qu'elle en a les moyens. Nous recommandons en conséquence que soit reconnu le bénéfice de l'aide juridictionnelle de plein droit aux personnes admises en soins psychiatriques sans consentement. Cette prise en charge devrait être systématique lorsque l'avocat intervient au titre de l'aide juridictionnelle – chacun conservant la liberté de choisir son avocat par ailleurs.

J'ajoute que ce dispositif n'est pas coûteux, tout étant relatif. Actuellement, la dépense qui permet de couvrir 90 % des cas s'élève à 5,6 millions d'euros. En extrapolant, il faudrait donc mettre sur la table environ 600 000 euros supplémentaires ; j'ai déjà soutenu des amendements plus onéreux… J'en appelle donc au Gouvernement, car l'initiative parlementaire en matière de dépense est contrainte par l'article 40 de la Constitution.

Vous avez évoqué le tiers de confiance. Ce dernier n'est pas défini par la loi. La jurisprudence montre qu'il peut s'agir d'un membre de la famille, d'un proche qui peut prouver qu'il est soucieux des intérêts de la personne concernée, ou encore des mandataires aux tutelles. Je sais aussi les hôpitaux un peu réticents à l'égard des personnes de confiance de peur que certaines aient développé des stratégies pour être désignées à des fins qui ne seraient pas désintéressées. La crainte concerne aussi les sectes qui pourraient chercher à approcher des personnes fragiles. Toutefois, dès lors que la loi n'opère pas de distinction, il n'y a pas lieu de le faire. De plus, si je ne prétends pas qu'il n'y a jamais eu d'affaires, les inquiétudes dont on nous fait part ne sont pas documentées. L'institution de la personne de confiance permet d'instaurer un véritable dialogue avec le médecin. Nous protestons contre le développement peut-être trop important des procédures d'urgence, parce qu'elles placent le médecin, selon les mots mêmes de l'un d'entre eux, « en position de toute puissance, étant seul à ordonner et prescrire l'admission, sans contradicteur possible dans sa décision médicale ». Il faut donc porter une attention particulière à la présence du tiers qui est utile à la fois à l'hôpital et au patient.

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