Mes chers collègues, avant que se terminent nos travaux cet après-midi avec l'audition du ministre de la Défense, j'ai souhaité vous faire part rapidement du bilan de l'activité de notre commission au cours de la XIVe législature.
Celle-ci a atteint un niveau jamais égalé, en partie en raison des circonstances dramatiques que nous savons : je relève ainsi que nous avons tenu 364 réunions, totalisant 547 heures de débats.
Bien entendu, ce qui est intéressant, c'est le contenu de ce travail plus que sa quantité.
De ce point de vue, je soulignerai que l'activité proprement législative nous a sans doute davantage mobilisés que lors des précédentes législatures du fait qu'outre la traditionnelle loi de programmation militaire (LPM), nous avons également examiné en 2015 son actualisation. Et chacun sait que ces textes sont désormais autant des lois de programmation stricto sensu que des projets portant diverses dispositions concernant la défense. C'est d'ailleurs dans le cadre de ces deux lois qu'ont été adoptées d'importantes mesures en matière de cyberdéfense, de renseignement et de droit d'association des militaires. Par ailleurs, nous nous sommes saisis pour avis de textes ayant un fort impact sur la sécurité nationale ; je pense bien entendu au projet de loi relatif au renseignement.
Parmi ces travaux législatifs, certains ont aussi été d'initiative parlementaire : nous avons ainsi par exemple adopté une proposition de loi sur la surveillance des communications électroniques internationales, déposée par Philippe Nauche et moi-même, mais aussi la proposition de loi de Claude de Ganay visant à renforcer les conditions d'accès aux installations nucléaires de base, sujet particulièrement sensible au vu du contexte actuel.
J'en viens au coeur de la mission de notre commission, à savoir le travail de contrôle et d'information, essentiel pour s'assurer du bon suivi de la programmation militaire et pour garantir le lien entre les armées et la Nation.
Ce travail s'est exprimé en grande partie par le biais des missions d'information et des auditions par l'ensemble de notre commission, j'y reviendrai dans un instant.
Il a aussi été complété par la possibilité de procéder à des contrôles sur pièces et sur place, qui nous est désormais conférée par l'article 7 de la LPM. Nous avons fait un usage aussi consensuel que possible de cette nouvelle « arme », en organisant pour l'essentiel des contrôles menés en commun et en bonne intelligence avec la commission des Finances et nos collègues de la commission des Affaires étrangères et de la défense du Sénat, et en contribuant finalement au respect de la programmation budgétaire. J'appelle donc de mes voeux la reconduction de ce dispositif lors de la prochaine LPM.
S'agissant des missions d'information, 20 rapports ont été réalisés au cours de cette législature, toujours en associant un co-rapporteur de la majorité et un de l'opposition.
Vous me pardonnerez par avance de ne pas tous les citer. Mais pour simplifier, je crois pouvoir dire que nous avons traité des trois grands domaines qui font l'objet de notre attention constante : les opérations, les équipements dont disposent nos forces, et la condition des militaires.
Cette législature a connu un rythme opérationnel exceptionnel, et nombre de nos rapports d'information y ont été consacrés. Je prends pour exemples le retrait d'Afghanistan, par Philippe Meunier et Philippe Nauche, l'opération Serval, par Christophe Guilloteau et Philippe Nauche, l'évolution du dispositif militaire français en Afrique, par Gwendal Rouillard et Yves Fromion, et la présence et l'emploi des forces sur le territoire national, par Olivier Audibert Troin et Christophe Léonard.
S'agissant des équipements et des capacités dont disposent nos forces, je citerai la revue capacitaire de nos armées effectuée par Gwendal Rouillard et Yves Fromion, les conséquences du rythme des OPEX sur le maintien en condition opérationnelle, par Alain Marty et Marie Récalde, la filière munitions, par Nicolas Bays et Nicolas Dhuicq, mais aussi les enjeux scientifiques et technologiques du renouvellement de la dissuasion nucléaire, sujet qui aura une importance certaine lors de la prochaine LPM, par Jean-Jacques Bridey et Jacques Lamblin.
Troisièmement, notre commission est aussi une commission des forces armées, et à ce titre particulièrement attentive à la condition des militaires. Outre le rapport que nous venons d'entendre sur leur environnement social et leurs familles, notre commission a traité de la prise en charge des blessés, thème vu par Olivier Audibert Troin et Emilienne Poumirol, de la formation des militaires, par Francis Hillmeyer et Jean-Michel Villaumé, ainsi que de la réorganisation du ministère de la Défense, sujet qui a permis à Geneviève Gosselin-Fleury et Damien Meslot de suivre dans la durée les conséquences de Louvois.
Notre rôle d'information s'exerce aussi au travers des auditions menées ici même. Je ne les détaillerai pas car nous avons effectivement beaucoup reçu et beaucoup écouté au cours de ces cinq années. En accord avec le bureau, j'ai essayé, autant qu'il était possible, d'organiser nos travaux aux travers de cycles thématiques, permettant de croiser les points de vue et de nous donner le meilleur éclairage possible. Ce fut le cas par exemple en matière de dissuasion nucléaire ainsi que sur les conséquences des attentats de 2015, mais aussi en matière de renseignement. Pour la première fois, l'ensemble des directeurs des services concernés a été entendu ; avec sans doute un peu d'appréhension au départ, mais je sais qu'ils ont finalement apprécié l'exercice. Ce choix nous a également amenés à entendre des responsables de niveaux hiérarchiques divers, permettant à des directions et services moins mis en valeur par l'actualité mais pourtant essentiels de venir présenter leurs activités, ce qui constituait une première pour beaucoup d'entre eux. Je me permets en votre nom de remercier nos interlocuteurs pour leur disponibilité et la franchise de leurs propos.
Enfin, une mention spéciale pour le ministre de la Défense, qui nous a très régulièrement fait part de ses analyses au cours de ses 48 auditions, et à qui il appartient de venir clôturer nos travaux cet après-midi.
Je ne saurai dresser le bilan de la législature sans mentionner un autre point moins visible de notre activité : il s'agit des contacts entretenus avec nos homologues parlementaires des commissions de la Défense dans d'autres pays européens. Le contact établi avec nos amis britanniques dans la foulée des accords de Lancaster House a été poursuivi et affermi ; j'étais d'ailleurs à Londres hier avec Jean-David Ciot, Philippe Meunier et Gwendal Rouillard. Nous avons également construit un partenariat solide et régulier avec nos collègues du Bundestag. Avec d'autres homologues, les contacts ont été par la force des choses moins réguliers, mais ils ne s'en sont pas moins multipliés, que ce soit avec la Pologne, la Belgique, la Norvège, l'Italie ou l'Estonie. Je ne peux que souhaiter la poursuite et l'élargissement de ces discussions lors de la prochaine législature, tant il est vrai qu'il appartient aux Européens de mieux s'organiser face aux menaces présentes et à venir.
Un dernier point plus personnel si vous me le permettez.
Je crois profondément que le bilan que je viens de dresser souligne la nécessité de l'existence d'une commission spécialisée en matière de défense et de forces armées au sein de notre assemblée, ce qui avait fait l'objet de questionnements voire de remises en cause au début de la législature, chacun ici s'en souvient. La suite des événements a donné raison à tous ceux, très nombreux, qui ont agi pour le maintien de notre commission.
Nous laisserons bien entendu à nos successeurs le soin de faire fructifier cet héritage, et pour cela il me semble personnellement qu'il sera opportun de réfléchir sérieusement à une répartition des compétences entre commissions qui fasse davantage apparaître la continuité évidente entre défense extérieure et sécurité intérieure.
Avant d'en terminer, qu'il me soit permis de remercier le bureau de la commission pour la confiance qu'il m'a accordée et qui a oeuvré pour une programmation consensuelle de nos travaux. Je remercie également les collaborateurs des groupes politiques, qui ont étroitement suivi nos travaux. C'est aussi le moment pour moi de souligner la contribution des membres de mon cabinet, dont le contrôleur général François Robert mis à disposition et ayant travaillé en liens étroits avec l'équipe administrative, Gwenaël Jézéquel, désormais en poste au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, Samuel Manivel, mon directeur de cabinet, et Manon Poirier, qui évoluera prochainement vers de nouvelles fonctions. Dans le contexte médiatique actuel, je n'oublie pas vos collaborateurs, mes chers collègues. Leur travail à vos côtés a été essentiel et témoigne de leur engagement à servir la France.