Je vous remercie pour le travail collectif que vous avez accompli sur la question du démantèlement et pour l'occasion que vous me donnez d'intervenir devant vous sur ce sujet. Je n'ai pas trouvé trace d'un rapport récent sur cette question, pourtant très importante. Si de nombreux travaux parlementaires traitent de la question des déchets, celle du démantèlement est peu évoquée, alors même qu'elle inclut la précédente : le démantèlement explique pour une large part que nous ayons besoin, à terme, de centres de stockage pour les déchets. De plus, il ne s'agit pas seulement d'un sujet technique : il touche à de nombreux aspects de nature politique. Un travail parlementaire sur le démantèlement me paraît donc souhaitable dans la durée – il ne m'appartient évidemment pas de l'organiser d'une quelconque manière.
Je commence par quelques mots sur le démantèlement sur le plan technique. Le démantèlement des installations nucléaires de base présente des enjeux techniques non négligeables en termes de sûreté. Je les évoquerai en suivant les étapes des opérations de démantèlement telles que nous les connaissons.
Le premier enjeu, juste après l'arrêt, est de parvenir à concevoir le plan de démantèlement futur de l'installation en y associant les équipes de l'exploitant « historique », c'est-à-dire ceux qui ont connu l'histoire de l'installation et ses éventuels problèmes. Il est très important de le faire afin de préparer au mieux le plan de démantèlement futur. D'expérience, on fait des découvertes au cours des chantiers de déconstruction : on découvre notamment des pollutions.
Le deuxième enjeu technique est d'évacuer le plus rapidement possible le « terme source », c'est-à-dire les matières radioactives les plus dangereuses : pour les réacteurs, le combustible, qu'il faut laisser refroidir quelques années avant de pouvoir l'évacuer, pour les installations du cycle, un équivalent.
Une fois le combustible évacué, les enjeux en termes de sûreté sont moindres, mais il reste des choses à faire qui ne sont pas sans risques : les opérations de déconstruction des installations, des équipements et des bâtiments, puis les opérations d'assainissement et, en parallèle ou à la fin du processus, l'évacuation des déchets vers des filières adaptées.
Tel est le séquençage que j'ai en tête. J'insiste sur le fait qu'il faut avoir une connaissance assez approfondie de chaque installation particulière et de sa vie passée pour optimiser un démantèlement. Les enjeux décroissent au fur et à mesure du démantèlement, notamment une fois que l'on a évacué le « terme source », mais il reste un risque résiduel.
J'ajoute deux remarques.
Première remarque : dans tous les cas, les chantiers de démantèlement complet sont longs ; ils s'étalent globalement sur plusieurs dizaines d'années. Leur durée constitue elle-même un enjeu : à l'évidence, des risques résiduels demeurent tant que le démantèlement n'est pas achevé. Nous sommes donc attachés, pour des raisons de sûreté, à ce que les démantèlements ne durent pas trop longtemps car, plus la durée est longue, plus le risque global, cumulé sur la période, augmente. Autrement dit, il y a un enjeu dans le fait de les réaliser au plus vite.
Deuxième remarque, qui n'est pas de nature technique mais a son importance : ainsi que vous l'avez indiqué dans votre rapport, les opérations de démantèlement ne sont pas « naturellement rentables » ; ce sont, avant tout, des sources de coût. Certes, il est intéressant de récupérer un terrain que l'on pourra réutiliser ou revendre, mais il n'y a pas d'équilibre entre ce bénéfice et le coût d'un démantèlement. Dès lors, on n'a pas naturellement « envie » de réaliser ce dernier.
Compte tenu de ces enjeux techniques, nous disposons, selon moi, d'un corpus législatif de très bonne tenue sur ces questions, qui fait plutôt référence au niveau international. Plusieurs lois s'appliquent en la matière : la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, la loi de programme du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la loi du 25 juillet 2016 précisant les modalités de création d'une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue, qui pose le principe de la réversibilité du projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo).
Je mentionne quelques dispositions qui m'amènent à considérer que ce corpus est de très bonne tenue.
D'abord, la loi prévoit une stratégie de démantèlement immédiat, ce qui recouvre deux notions : le fait que le plan de démantèlement doit être préparé immédiatement avec l'appui de l'exploitant historique, ainsi que je l'ai évoqué précédemment ; l'idée que la durée des opérations physiques de démantèlement doit être réduite autant que possible. Ces deux principes sont inscrits dans la loi, et c'est une très bonne chose.
Ensuite, notre législation, notamment la loi relative à la transition énergétique, a prévu que, au terme du processus de démantèlement, l'on puisse si nécessaire mettre en place des servitudes d'utilité publique, qui permettront de maîtriser la future utilisation du site en fonction de ce qu'on y aura laissé. C'est un outil très important : il apporte la garantie que l'on pourra dans la durée, au-delà des premiers usages d'un site démantelé, maîtriser d'éventuels risques résiduels liés à l'installation.
Par ailleurs, des dispositions plus anciennes, que vous avez largement évoquées dans votre rapport, obligent chaque exploitant non seulement à constituer des provisions en vue de réaliser les futures opérations de démantèlement, ce qui est relativement logique, mais aussi de les couvrir par des actifs dédiés. Autrement dit, les exploitants doivent mettre de l'argent de côté et le placer « en bon père de famille » sous le contrôle de l'État. De cette manière, si jamais l'exploitant fait face à une difficulté majeure, l'État a la garantie de disposer d'une somme qui peut être utilisée aux fins de réaliser les travaux en lieu et place de l'exploitant. Cette notion d'actifs dédiés est très importante. Elle n'a pas beaucoup d'équivalents ailleurs dans le monde.
Enfin, j'insiste beaucoup sur ce point, la loi a prévu, assez logiquement, que l'on réexamine régulièrement l'estimation des coûts futurs de démantèlement, qui déterminent les provisions. La raison en est très simple : on n'a pas nécessairement une expérience complète de ces opérations, même si ce ne sont pas toutes des premières, et l'on démantèle parfois des installations uniques en leur genre. Le problème est d'ailleurs le même que pour les déchets : le coût de Cigéo a fait l'objet d'un débat puis d'un arbitrage du Gouvernement, dont l'élément le plus important, selon moi, est que l'estimation du coût devra être refaite et qu'un nouvel arbitrage devra être rendu, selon une fréquence adaptée, en particulier chaque fois que l'installation acquerra un degré de maturité supplémentaire. La même philosophie doit s'appliquer en matière de démantèlement car, fondamentalement, de nombreuses inconnues ou incertitudes demeurent, pour reprendre les termes du rapport, ce qui est logique du point de vue technique. Ainsi, il est nécessaire que les choses soient revues régulièrement au niveau technique, notamment par l'ASN pour les aspects de sûreté, mais aussi au niveau économique, par les services de l'État. Selon moi, le Parlement a également un rôle à jouer dans ce réexamen régulier, car il s'agit, par définition, d'un sujet sur lequel les choses ne sont pas définitivement acquises.
J'en viens aux grands enjeux, en commençant par la question des déchets. Il faut avoir en tête les ordres de grandeurs suivants : les opérations de démantèlement produisent, en moyenne, 80 % de déchets conventionnels, 10 % de déchets de très faible activité (TFA) et, pour la partie restante, des déchets dont l'activité « monte en gamme ». J'ai en tête trois enjeux concernant les déchets.
Le premier enjeu concerne Cigéo, qui vise à stocker les déchets les plus nocifs, de haute activité (HA) et de moyenne activité à vie longue (MA-VL). La loi du 25 juillet 2016 était nécessaire pour donner la possibilité à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) de déposer une demande d'autorisation de création de la future installation de stockage – rappelons qu'il s'agit, pour l'instant, non pas d'une installation nucléaire, mais d'un laboratoire. À cet égard, les textes ont fixé un rendez-vous politique majeur en 2018, c'est-à-dire dans un an et demi. Ayons-le bien en tête. Il y a non seulement la question de la sûreté, importante pour nos concitoyens, mais aussi celles du devenir des déchets et des enjeux de sûreté associés. Il est essentiel que tous les travaux préalables nécessaires soient réalisés, tant au niveau technique qu'au niveau politique, pour pouvoir honorer ce rendez-vous.
Deuxième enjeu : il y a, à l'autre extrémité du spectre, le problème des déchets de faible ou de très faible activité (TFA). Actuellement, en application de la pratique française, ces déchets ont vocation à rejoindre des centres de stockage centralisés de l'ANDRA. En d'autres termes, cela impliquerait, lorsque l'on procédera au démantèlement de manière plus massive, notamment à celui des réacteurs, que l'on fasse traverser la moitié de la France, sur des camions, à des tonnes de déchets qui présentent une dangerosité non négligeable, même si elle est objectivement très faible. Cela ne me paraît optimal ni du point de vue de la sûreté, ni du point de vue de la sécurité, ni du point de vue de la protection de l'environnement.
Dès lors, de mon point de vue, se pose la question de savoir si nous n'aurions pas intérêt à imaginer des centres de stockage régionaux ou locaux, voire un stockage sur site, adapté techniquement à la dangerosité des produits. Il ne s'agit pas uniquement d'une question technique ou de sûreté : elle a des implications en termes d'aménagement du territoire, aspect sur lequel les élus ont, évidemment, un rôle fondamental à jouer. Un centre de stockage régional n'est pas nécessairement l'objet le plus simple à gérer politiquement… Cette question mériterait de faire l'objet d'un débat public dans les prochaines années, par exemple dans un ou deux ans. Un tel débat doit être préparé, ce qui n'est pas nécessairement simple sur un sujet de ce genre. En tout cas, c'est, selon moi, une étape très importante, qui permettra de recueillir un certain nombre de contributions de nos concitoyens et d'avancer dans la perspective de démantèlements plus massifs, auxquels nous devrons procéder un jour de toute manière.
Troisième enjeu, plus technique mais important à mes yeux : les projets de centres de stockage – je rappelle que le stockage est définitif, par opposition à l'entreposage, qui est provisoire – présentent tous des difficultés en termes d'acceptabilité et de débat, et personne ne peut exclure que les délais d'aménagement de ces centres dérapent, quelle que soit la nature des déchets en question. Compte tenu de ces aléas, il convient de réexaminer tous les lieux existants d'entreposage des déchets afin de vérifier qu'ils ont bien des capacités techniques et une durée de vie qui leur permettent de « faire tampon » jusqu'au moment où les centres de stockage seront opérationnels.
J'en viens aux opérations de démantèlement elles-mêmes. Force est de constater que, pour les trois grands exploitants – le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Areva et EDF –, le processus est globalement plus long que prévu, même s'il y a des nuances. Il s'agit d'opérations complexes, au cours desquelles il peut y avoir, je le répète, des surprises : on peut découvrir des pollutions, internes ou externes, qui expliquent d'ailleurs une partie du retard de ces chantiers. Cette donnée doit être intégrée.
Le premier exploitant directement concerné est le CEA : il a la responsabilité d'un grand nombre d'installations anciennes arrêtées, dont il faut effectivement envisager le démantèlement. Rappelons que ces installations, notamment celles de recherche, ont permis de préparer la construction du parc nucléaire. Inutile de dire que, à l'instar des autres exploitants, le CEA a des difficultés économiques ou plutôt, dans son cas, budgétaires. Il est confronté, d'une part, à un problème technique très difficile à résoudre : ce sont des déchets anciens sur des installations anciennes – certaines datent des années 1950 –, et une partie de la mémoire de ce qui avait été fait a été perdue. Il a, d'autre part, un problème financier : il doit parvenir à réaliser ces opérations dans un délai acceptable.
Mon collègue de l'Autorité de sûreté nucléaire de défense (ASND) et moi-même avons demandé conjointement au CEA, il y a un an et demi ou deux ans, de revoir sa stratégie, de fixer de nouveau des priorités pour l'ensemble des installations, civiles ou de défense, qu'il doit traiter, notamment en fonction des risques présentés par ces installations, et d'optimiser les calendriers. C'était absolument nécessaire. Nous avons reçu la proposition, très structurée, du CEA à la toute fin de l'année dernière, nous allons la faire examiner par nos groupes d'experts, et nous serons amenés à en débattre et à nous prononcer dans le courant de l'année 2018. Nous transmettrons notre avis au Gouvernement et le rendrons public. Nous y expliciterons ce qui nous semble le mieux en termes de calendrier de démantèlement au vu des capacités financières du CEA. Je m'attends à ce que les démantèlements restent, globalement et collectivement, des opérations très longues. Il y aura donc certainement un choix politique à faire : admettra-t-on que l'ensemble de ces démantèlements prenne encore dix, vingt ou quarante ans, voire davantage ? Ou bien jugera-t-on qu'il convient d'injecter rapidement de l'argent supplémentaire pour les mener à terme dans un laps de temps plus court ?
Areva doit, elle aussi, faire face au démantèlement d'installations anciennes, notamment des premières usines de retraitement. D'autre part, elle a l'obligation de remettre en état un certain nombre de déchets historiques, notamment à La Hague – ceux-ci ont été mal conditionnés à l'époque, pour ne pas dire plus. Ces chantiers prennent, là encore, beaucoup plus de temps que prévu et sont très lourds : ils coûtent plusieurs milliards d'euros. Dans le même temps, il y a là un véritable enjeu de sûreté. Je pense notamment au silo 130 à La Hague, qui contient des matières assez radioactives en vrac et ne résisterait pas à un séisme. C'est un sujet de préoccupation pour nous.
S'agissant d'EDF, qui a fait l'objet d'une grande partie de votre rapport, il faut distinguer plusieurs types d'installations.
Premier type d'installation : la « petite » centrale de Brennilis. Son démantèlement prend du temps, y compris pour des raisons d'ordre juridique : des contentieux ont freiné la réalisation de certains travaux.
Deuxième catégorie d'installations : les réacteurs dits de « première génération », qui sont d'une technologie très différente de celle des réacteurs à eau pressurisée (REP) actuels. Dans le courant de l'année dernière, EDF a annoncé que, en raison d'un problème technique, elle était amenée à reporter l'achèvement de leur démantèlement, initialement prévu vers 2040, au début du siècle prochain, c'est-à-dire au début du XXIIe siècle – l'ASN a pris rendez-vous pour recevoir les dossiers correspondants. Il est dommage que l'on ait identifié le problème si tardivement ; on aurait probablement pu le faire plus tôt. Si les difficultés techniques évoquées par EDF sont tout à fait réelles, le décalage du calendrier jusqu'au début du siècle prochain ne nous paraît pas très conforme, pour le dire pudiquement, à la doctrine du démantèlement immédiat – ou alors la notion d'immédiateté a changé... Nous avons donc demandé à EDF d'optimiser le calendrier autant qu'elle pouvait le faire.
Troisième installation, dont le démantèlement est en cours : le réacteur de Chooz A, qui est tout à fait du même type que les REP de la génération actuelle, à ceci près qu'il est d'une puissance inférieure, 300 mégawatts contre 900. Même s'il est clair qu'il y aura quelques années de retard, les opérations se passent, à notre sens, plutôt bien du point de vue technique. Cela montre que, dans le cas des REP, la faisabilité technique est plutôt acquise, si ce n'est garantie, ce qui est une bonne nouvelle. D'ailleurs, l'expérience étrangère le confirme.
Que peut-on dire, ensuite, à propos du démantèlement du parc actuel ? C'est une question importante. EDF est clairement celui des trois exploitants pour lequel nous avons le moins d'éléments techniques pour porter un jugement sur la nature, la faisabilité et la crédibilité des opérations futures, y compris en termes de calendrier. Le rapport que nous a remis EDF sur l'ensemble de ses cinquante-huit réacteurs est beaucoup moins volumineux que celui que nous a remis le CEA sur un seul réacteur. Certes, l'important n'est pas la quantité de papier : il y a parfois des rapports très courts et très puissants, dont le vôtre. Mais, lorsqu'on examine le rapport d'EDF de manière plus détaillée, on s'interroge sur ce qu'est concrètement la « méthode Dampierre » et sur le chiffrage établi pour cette centrale – vous avez évoqué ce point dans votre rapport –, et on ne trouve d'informations suffisantes ni sur la chronique d'ensemble du démantèlement, ni sur la nature des opérations prévues, ni sur leur séquencement. Or tout cela compte évidemment beaucoup, notamment pour la constitution des provisions futures. Ainsi que nous l'avons indiqué dans notre avis de 2014 – nous rendons un avis sur ces questions tous les trois ans ; nous n'avons pas encore publié celui de 2017 –, nous avons une vraie difficulté, en l'absence de ces informations, à faire ce qui nous est demandé, à savoir nous prononcer globalement sur la faisabilité technique de ces opérations et sur leur cohérence avec les enjeux de sûreté.
Dans le même temps, je le répète, au vu de l'expérience du démantèlement du réacteur de Chooz A, la faisabilité technique nous paraît plutôt assurée, plus simplement sans doute que pour d'autres types de réacteurs. En outre, je crois à l'affirmation selon laquelle il y aura des gains d'échelle entre les premières opérations de démantèlement de REP et les suivantes. J'en suis même totalement convaincu. De la même manière, lors de la construction du parc, des gains d'échelle de l'ordre de 40 % avaient été réalisés en termes de délais et, partant, en termes de coûts et de qualité – celle-ci importe au premier chef du point de vue de la sûreté. On peut donc imaginer des gains d'échelle réels lors des opérations de démantèlement. Toutefois, ils sont difficiles à mesurer. J'ignore s'ils seront de 40 %. Encore une fois, je manque d'éléments pour valider ou invalider le coût du démantèlement estimé par EDF. Et, par définition, 40 % d'un chiffre que je ne connais pas, cela donne un chiffre que je ne connais pas…
Le dossier relativement léger que nous a remis EDF est, en outre, un dossier générique. Or une grande partie des difficultés que nous avons rencontrées lors des démantèlements passés ou en cours sont liées à des spécificités de site. Il nous paraît donc absolument indispensable qu'un travail soit fait par EDF, mais aussi par les autres exploitants, pour identifier, site par site, réacteur par réacteur, les éventuels problèmes spécifiques rencontrés au cours du temps – il n'y en a pas nécessairement eu partout –, notamment les pollutions diverses, soit à l'intérieur de l'installation soit sur les sols de l'installation. Par exemple – ce n'est pas un scoop –, on a trouvé de l'amiante dans certains endroits à l'intérieur de centrales. Or la présence d'amiante dans une zone que l'on doit démanteler modifie le calendrier, les coûts et les précautions à prendre pour les personnes – je ne parle pas là de radioactivité. Nous avons demandé à EDF de réaliser ce travail technique, centrale par centrale, mais il n'a pas encore été fait pour l'instant.
Dernier message : il y a une question d'organisation industrielle.
D'abord, j'y insiste à nouveau, il nous paraît essentiel que l'exploitant conserve sa pleine responsabilité au tout début de la période de démantèlement, car c'est lui qui connaît l'histoire de l'installation et qui peut optimiser les opérations qui commencent. Je rappelle que, au tout début d'un démantèlement, la matière nucléaire est encore présente, y compris le combustible. Autrement dit, on est face à une vraie installation nucléaire, et il faut donc un exploitant responsable.
En revanche, au fur et à mesure que le chantier progresse, les opérations changent de nature : elles relèvent de la déconstruction. Or, au regard de l'expérience du CEA, on constate qu'il y a, pour plusieurs raisons, y compris de bonnes, une tendance à « saucissonner » les lots d'intervention pour les entreprises. C'est une manière d'optimiser les coûts, mais ce morcellement présente aussi un inconvénient : on ne donne pas la possibilité aux industriels concernés de monter en gamme en réalisant des opérations de plus grande ampleur. Selon moi, il faut réfléchir à cette organisation industrielle. Je précise que le métier de la construction et celui du démantèlement ne sont pas tout à fait les mêmes : pour construire, il faut savoir souder et faire du béton, alors qu'il suffit de savoir casser le béton lorsque l'on démantèle ; à l'inverse, les problèmes de radioprotection auquel on est confronté lors du démantèlement ne se posent pas lors de la construction. Il y a donc des spécificités liées au métier du démantèlement. EDF et Areva peuvent tout à fait devenir de grands spécialistes en la matière – ils doivent de toute façon contribuer au démantèlement –, mais ce n'est peut-être pas la seule voie.