Intervention de Audrey Linkenheld

Réunion du 21 février 2017 à 18h00
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAudrey Linkenheld :

Je commencerai par quelques mots pour rappeler le contexte dans lequel s'est inscrite cette évaluation des aides à l'accession à la propriété, que nous avons menée et que nous vous présentons à deux voix : non seulement nombre de nos concitoyens rencontrent des difficultés à se loger, mais les prix de l'immobilier, après une longue période de hausse, se maintiennent à des niveaux qui restent encore difficilement compatibles avec les ressources de nombreux ménages ; par ailleurs, les contraintes budgétaires ont conduit à remettre en cause certains outils d'aide à l'accession, sans que ceux-ci n'aient fait au préalable l'objet d'une évaluation convaincante.

Pour conduire cette évaluation, nous avons demandé l'assistance de la Cour des comptes, avec laquelle nous avons défini son champ d'intervention et sa méthode de travail. Il a ainsi été décidé de centrer l'évaluation sur les aides individuelles directes destinées à faciliter l'acquisition d'une résidence principale, à travers les quatre principaux outils améliorant la capacité d'emprunt ou le revenu disponible des accédants : les aides personnelles au logement (APL) « accession », le prêt à taux zéro (PTZ), le prêt d'accession sociale (PAS) et le prêt social location-accession (PSLA).

À notre demande, la Cour s'est également penchée – et c'est une première qui mérite d'être soulignée – sur les outils proposés par les collectivités territoriales en matière d'aide à l'accession à la propriété. En effet, de plus en plus de collectivités proposent des aides à l'accession à la propriété, qu'il s'agisse de mécanismes d'aide directe destinés aux accédants ou de mécanismes indirects de soutien à l'attention des bailleurs ou des promoteurs. Il nous a donc semblé pertinent d'analyser ensemble les aides nationales et les aides territoriales, car aborder l'un en méconnaissant l'autre revient à ignorer une partie du sujet.

En conclusion de ses travaux, la Cour a dressé trois constats. Elle a estimé en premier lieu que les objectifs de la politique d'aide à l'accession à la propriété n'étaient pas clairement établis ; en second lieu, que le coût de cette politique pour les finances publiques restait mal mesuré ; enfin, que, du fait d'outils complexes et mal articulés, son efficacité avait tendance à décroître.

Ces constats posés, elle a proposé plusieurs mesures susceptibles, selon elle, de rationaliser et de rendre plus efficaces les dispositifs en vigueur. Il nous a semblé pertinent de soumettre les conclusions de ce rapport à l'avis des acteurs du logement. C'est dans cette perspective que nous avons animé plusieurs tables rondes destinées à recueillir la position des parties prenantes – promoteurs, bailleurs, représentants du ministère chargé du logement, financeurs, associations ou élus locaux – sur l'étude de la Cour.

Au terme de nos travaux, Michel Piron et moi-même restons très réservés sur l'approche de la juridiction financière et sur les enseignements qu'elle tire de plusieurs de ses observations. Nous considérons que la Cour a une conception trop extensive des effets d'aubaine : même s'ils ne sont pas toujours déclencheurs, nous considérons que les dispositifs d'aide à l'accession améliorent la plupart du temps le budget des ménages et sécurisent leur projet d'accession, conformément à l'objectif social qui est le leur.

S'agissant des effets inflationnistes, les critiques adressées à certaines aides ne nous paraissent étayées par aucune étude concluante.

D'une manière plus générale, nous estimons qu'il est toujours difficile de tirer des conclusions à partir de moyennes, qui ne peuvent pas refléter la très grande hétérogénéité des situations locales.

Enfin, si la dépense publique doit rester une préoccupation majeure, l'évaluation des aides à l'accession ne saurait se limiter au coût des dépenses de fonctionnement qu'elles engagent, mais prendre en compte les investissements, les emplois et les recettes fiscales qu'elles génèrent.

Nous restons très attachés au modèle français d'accession à la propriété que les personnes que nous avons entendues s'accordent à considérer comme vertueux et efficace, puisqu'il a notamment su traverser la crise de 2008 sans connaître les défaillances constatées chez plusieurs de nos voisins européens. C'est cette conviction qui nous a conduits à formuler deux messages principaux : d'une part, les spécificités des différentes aides de l'État à l'accession doivent être préservées ; d'autre part, ces aides doivent être mieux suivies et mieux différenciées en fonction des priorités locales pour être plus efficaces.

Les propositions que nous formulons restent animées par le souci d'offrir une visibilité et une stabilité aux acteurs d'un secteur qui nécessite des investissements lourds.

J'en viens à présent aux dispositifs que nous avons évalués, au premier rang desquels le prêt à taux zéro (PTZ). Les auditions que nous avons menées nous ont convaincus du caractère équilibré de cet outil tel qu'il existe aujourd'hui.

En effet, en termes de ciblage social, ce dispositif s'adresse surtout aux catégories intermédiaires. Il ne s'adresse ni aux ménages démunis, ni aux ménages aisés. Ce ciblage est logique et légitime pour un prêt censé apporter une aide complémentaire à des ménages disposant d'un certain niveau de pouvoir d'achat immobilier mais qui, en raison du niveau des prix de l'immobilier et du foncier, ne parviennent pas à accéder à la propriété.

Le PTZ est devenu, en outre, un dispositif équilibré d'un point de vue géographique. Nous nous en félicitons, car les déséquilibres en matière d'accession concernent tous les territoires, y compris les zones dites « détendues » où le coût de l'accession à la propriété peut également être élevé.

Enfin, le PTZ soutient désormais l'habitat neuf comme l'habitat ancien avec travaux. Or l'ancien constitue très souvent la réponse la plus adaptée aux besoins des accédants modestes, pour qui le neuf est trop coûteux. En outre, l'éligibilité du PTZ à l'ancien incite les communes à varier leur offre de logements, en mobilisant un parc déjà disponible, parfois vacant, au lieu de créer des lotissements qui contribuent à l'étalement urbain, étalement urbain dont on connaît les effets discutables en termes d'environnement ou d'aménagement du territoire.

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