Intervention de Sylvain Granger

Réunion du 22 février 2017 à 11h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Sylvain Granger, directeur des projets déconstruction et déchets :

Je vais revenir en premier lieu sur la question de l'évaluation des coûts du démantèlement du parc actuellement en fonctionnement et des UNGG. Si l'hypothèse d'une mutualisation avec des centrales en construction ou en fonctionnement a été évoquée lors de l'audit de 2015, elle a été écartée en 2016, et nous ne parlons aujourd'hui de mutualisation que pour des installations en déconstruction. Nous avons ainsi intégré dans nos calculs, en faisant une analyse très détaillée poste par poste, le fait que certains coûts d'exploitation ou de maintien en condition opérationnelle des installations ne sont pas beaucoup plus importants pour quatre tranches de déconstruction que pour deux, on peut citer l'exemple du gardiennage.

Quant à l'historique des réacteurs, elle est désormais intégrée dans notre démarche d'évaluation, ce qui n'était pas le cas dans l'étude Dampierre 09. Nous continuons à progresser dans cette démarche pour obtenir les analyses les plus fines possibles, sachant que l'audit de 2015 a conclu que cela ne changeait pas significativement les résultats obtenus.

Il en va de même pour les évaluations post-Fukushima. Nous avons certes repris les analyses de robustesse, mais, comme l'a indiqué M. Pierre-Franck Chevet, les problématiques ne sont pas les mêmes pour un réacteur en déconstruction et un réacteur en fonctionnement, dans la mesure où ce qui a posé problème à Fukushima, c'est le combustible, et que la première chose que l'on fait lorsque l'on arrête une centrale, c'est d'en ôter le combustible et, avec lui, 99,9 % de la radioactivité. Il s'est avéré que nos référentiels de sûreté étaient assez solides. Nous avons néanmoins refait nos évaluations en 2016 sur la base des nouveaux référentiels, sans aboutir à des changements majeurs.

Quant à la provision réacteur par réacteur, c'est une nouveauté. L'étude Dampierre 09 s'appuyait sur une extrapolation globale faite à l'aide de ratios à partir d'un site moyen à quatre tranches. Si les auditeurs ont considéré ces ratios raisonnables, ils nous ont néanmoins recommandé de travailler réacteur par réacteur, ce que nous avons fait, le travail s'étant en vérité effectué pour des paires de tranches, puisqu'il s'agit du plus petit module que nous ayons en France, les réacteurs isolés n'existant pas.

C'est cet important exercice tenant compte des particularités de chaque réacteur que nous avons réalisé en 2016 et inscrit dans nos comptes. Je répète que cela n'a pas conduit à une évolution significative de la provision globale, ce qui confirme les conclusions de l'audit de 2015 selon lequel notre évaluation était globalement prudente.

En ce qui concerne les déchets et leur stockage, il ne faut pas perdre de vue le fait que les opérations de déconstruction génèrent relativement peu de déchets radioactifs. En moyenne 80 % des déchets sont des déchets conventionnels non radioactifs ; sur les 20 % restants, on estime entre 0,3 et 0,5 % le taux de déchets de moyenne activité à vie longue et à 0 % les déchets de haute activité à vie longue.

Seuls 0,3 à 0,5 % des déchets seront donc concernés par Cigéo et la question du stockage souterrain. Tous les autres déchets sont soit des déchets conventionnels soit des déchets pour lesquels il existe déjà, en France, des structures de gestion et des centres de stockage, comme le centre TFA Morvilliers ou le centre de stockage de l'Aube, à Soulaines, pour les déchets de faible et moyenne activité, exploités par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA).

Dans la mesure où la France a anticipé cette question des déchets, le démantèlement ne pose a priori guère de problème en la matière. Les centres de stockage étant en revanche des ressources rares, nous nous attachons à les économiser, et c'est dans cette perspective que nous développons à l'échelle européenne notre activité de traitement des déchets, de façon à en réduire le volume.

Pour ce qui concerne à présent les opérations portant sur les autres technologies que celle des réacteurs à eau pressurisée, il faut savoir qu'un réacteur UNGG représente une masse vingt fois plus importante qu'un réacteur à eau pressurisée, qu'il contient autant de métal que la tour Eiffel et autant de béton que la moitié du viaduc de Millau, soit 24 000 mètres cubes, qu'il faut rapporter aux 5 000 mètres cubes de béton de la centrale de Fort Saint-Vrain.

Par ailleurs, à Fort Saint-Vrain, l'essentiel du graphite avait été enlevé au moment de l'arrêt du réacteur, parce que le dispositif de chargement et de déchargement du combustible permettait de le faire. Or la déconstruction des blocs de graphite est la grosse difficulté à laquelle se heurtent aujourd'hui tous les opérateurs qui ont à démanteler des réacteurs de forte puissance. Fort Saint-Vrain était un petit réacteur, et il ne me semble donc pas pertinent d'en faire un point de comparaison.

J'en viens aux coûts. Nous faisons partie des opérateurs qui donnent le plus de détails sur leurs coûts, et Isabelle Triquera reviendra sur nos provisions et nos actifs dédiés, lesquels sont un outil de sécurisation typiquement français, extraordinairement robuste par rapport à ce qui se pratique dans les autres pays, et dont nous avons donc tout lieu d'être fiers.

Cela étant, nous hésitons à aller au-delà d'un certain niveau de détails, dans la mesure où une grande part de la valeur d'une société d'ingénierie – prenons, par exemple, l'américain Bechtel – réside dans sa base de coûts. Si nous voulons conquérir des marchés internationaux et être en position de force par rapport aux fournisseurs à qui nous sous-traitons un certain nombre d'opérations sur site, nous n'avons pas intérêt à être trop précis sur notre base de coûts, pas plus qu'on ne l'est dans l'industrie pétrolière ou l'industrie pharmaceutique.

En gage de transparence, je peux néanmoins vous donner un ordre de grandeur de ce que nous ont coûté l'ensemble des opérations de démantèlement des réacteurs de première génération, c'est-à-dire Chooz À – dont le chantier sera achevé dans cinq ans, soit cinq ans avant la date prévue par notre décret d'autorisation –, les six UNGG, Superphénix – qui est une opération très complexe – et Brennilis enfin, où les travaux ont traîné pour des questions de contentieux qui n'ont pas grand-chose à voir avec la technique : l'ensemble du programme nous aura coûté environ 2,5 milliards d'euros.

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