En cette fin de législature, je voudrais, au nom du groupe Les Républicains, vous remercier, cher Patrick Bloche, pour les moments forts que nous avons vécus au sein de cette commission. Vous avez été un président remarquable, dont nous avons apprécié l'écoute, la compétence, l'enthousiasme, parfois la passion, pour les sujets que nous avons examinés.
J'en viens à l'ordre du jour et je remercie Yves Durand pour sa présentation des travaux du comité de suivi, comité qui a incontestablement pris à coeur sa mission critique sur la loi pour la refondation de l'école. Je voudrais excuser ma collègue Dominique Nachury, qui ne peut être présente ce matin. Elle a été un membre assidu du comité et m'a fait part d'un certain nombre de réflexions que j'évoquerai dans mon propos.
Le rapport d'étape de 2015 a été sans concessions, mais la version qui nous est présentée ce matin semble moins sévère et se rapproche plus d'un satisfecit sur le bilan gouvernemental en matière d'éducation.
Je voudrais d'abord m'associer à deux recommandations présentées dans le rapport.
Premièrement, je pense, moi aussi, qu'il faut travailler sur l'indépendance toute relative du CSP et du CNESCO, les situer dans le paysage global institutionnel de l'évaluation et pallier « l'inexistence des relations entre le CSP et le CNESCO ».
Cela étant, en tant que membre du CNESCO, je voudrais souligner l'intérêt de méthodes un peu particulières, avec des conférences de consensus, des conférences de comparaisons internationales, des conférences virtuelles interactives. L'évaluation s'appuie sur des analyses de politiques scolaires à l'étranger pour formuler des préconisations novatrices : nommer des conseillers pédagogiques formés spécialement en didactique des mathématiques, par exemple, mettre en place des stages d'été pour les élèves en difficulté ou concevoir un label « Entreprise formatrice », qui valorise une réelle dynamique de formation des jeunes.
Deuxièmement, en tant que défenseur de l'enseignement des fondamentaux, je me réjouis de lire que, pour profiter pleinement de l'apport du numérique, il convient d'abord de consolider les compétences fondamentales. Au temps court de la réforme, le comité de suivi oppose le temps long de l'appropriation, « seule susceptible d'engager un changement profond des pratiques ».
Une grande loi sur l'école dure une quinzaine d'années, comme ce fut le cas de la loi Jospin en 1989. Mais la loi Fillon de 2005, avec ses réformes fondamentales, a été stoppée au milieu du gué en 2013 par la nouvelle majorité de gauche, pressée d'imprimer sa marque à l'école.
À l'heure du bilan du quinquennat, cette refondation est ternie par la très inégalitaire réforme des rythmes scolaires et la très inquiétante réforme des programmes.
Le temps long d'une réforme scolaire est une évidence, que j'ai d'ailleurs rappelée lors de la présentation du rapport de Michel Ménard sur la réforme de la formation, alors que certains enseignants s'écriaient : « Laissez-nous travailler ! »
J'ai deux questions à vous poser, cher collègue Yves Durand.
Je voudrais d'abord évoquer un phénomène inquiétant : le flux grandissant d'élèves de l'enseignement public vers le privé, observé un peu partout à travers le pays. La tendance est confirmée pour la prochaine rentrée : les établissements privés gagneront, pour la deuxième année consécutive, plus d'élèves que le réseau public, alors que les flux s'équilibraient auparavant. Selon la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), le secteur privé a accueilli, à la dernière rentrée, 10 600 élèves de plus. Plusieurs explications sont avancées : l'absence d'établissements publics dans certains territoires, comme le Morbihan par exemple, la « re-sectorisation » précipitée de la carte scolaire ou encore de nombreuses réformes imposées aux personnels du public, alors que les enseignants du privé jouissent d'une plus grande liberté. Avez-vous explicitement abordé cette problématique avec vos interlocuteurs lors de vos travaux ? Qu'avez-vous prévu pour endiguer ce phénomène préoccupant pour l'enseignement public ?
Ma deuxième question porte sur la mise en oeuvre du conseil de cycle 3, et je rejoins Martine Faure sur ce sujet. Comme vous le savez, cher Yves Durand, je reste un ardent défenseur de l'école du socle pour permettre à un maximum d'enfants d'acquérir les connaissances indispensables à leur vie future de citoyens. Il convient donc de favoriser les passerelles entre le programme budgétaire 140 « Enseignement scolaire public du premier degré » et le programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré », ce qui pose un certain nombre de contraintes techniques et financières. Les fonds alloués à chaque programme ne sont pas transférables de facto, ce qui empêche, par exemple, la mobilité des professeurs des écoles vers les collèges et l'intervention de professeurs certifiés à l'école élémentaire. Comment résoudre ces difficultés pour assurer les échanges entre primaire et secondaire ? Comment faire progresser l'école du socle, notamment dans les zones d'éducation prioritaire ?