Intervention de Vincent Ledoux

Réunion du 22 février 2017 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Ledoux :

Je voudrais revenir sur les conclusions d'Yves Durand concernant l'approche territoriale de l'action publique, le rôle de la collectivité et la place de l'État, les partenariats à consolider et la culture d'évaluation. Je voudrais dire tout d'abord que l'État et la fonction publique peinent à évaluer et à s'évaluer.

En ce qui concerne le rôle de la collectivité et le financement de l'État, il s'agit bien d'un contrat de confiance, mais encore faut-il que ce contrat s'inscrive dans le temps et assure la pérennisation des financements.

Je prends l'exemple de la ville de Tourcoing qui s'est beaucoup investie. Tourcoing, c'est 40 % de jeunes de moins de vingt-cinq ans, 600 jeunes qui sortent du système scolaire après la troisième, 12 000 écoliers et à peu près 27 % des moins de quinze ans qui sortent du dispositif scolaire sans aucun diplôme. Beaucoup de choses ont été faites, notamment en lien avec les services de l'État : je pense au dispositif de réussite éducative. Mais l'État n'a pas donné de moyens pérennes puisque la ville de Tourcoing a dû réinjecter, l'année dernière, plus de 180 000 euros pour soutenir ce dispositif.

Le dispositif qui consiste à donner un livre par enfant et par trimestre du cours préparatoire au CM2 fonctionne bien. Mais il y a de plus en plus de bureaucratie, de paperasses à remplir, moins de moyens et parfois une certaine incohérence. En ce qui concerne le taux d'encadrement, par exemple, la caisse d'allocations familiales (CAF) demande un agent pour quinze écoliers tandis que l'État demande un agent pour cinq écoliers.

Je voudrais rebondir sur l'intervention de Marie-George Buffet sur la maternelle précoce. Nous peinons à soutenir ces dispositifs. À Tourcoing, dans deux quartiers, l'Épidème et Le Virolois par exemple, aucun enfant de moins de trois ans n'est scolarisé. Dans le quartier de La Bourgogne, 15 % seulement des moins de trois ans sont scolarisés malgré tous les efforts qui ont été faits. J'estime qu'il faut agir dans ce domaine.

En ce qui concerne la culture de l'évaluation, je pense aussi à la culture de la sanction. Même si le projet éducatif territorial (PEDT) et la réforme des rythmes scolaires n'ont rien à voir avec le rapport, nous avons, avec la maire de Lille, récemment interrogé la ministre parce que nous avons le sentiment que le samedi matin n'a pas toujours été soutenu par l'État et qu'il a même été plombé par certains agents de l'État. Alors que le taux d'absentéisme dans ma commune était de 25 % ces trois dernières années, les services de l'État n'ont rien fait pour y remédier. Les parents n'ont pas déposé leurs enfants à l'école le samedi matin et c'est passé comme une lettre à la poste ! Il n'y a pas de meilleur moyen pour plomber un dispositif. Avec une quinzaine de maires, toutes tendances confondues, nous avons envoyé un courrier pour demander si nous pouvions prolonger d'un an ce dispositif et étendre le périmètre d'évaluation, aujourd'hui limité à Lille, aux quatorze communes de la métropole européenne de Lille concernées par le dispositif.

En ce qui concerne le dispositif « Plus de maîtres que de classes », j'ai le sentiment qu'on est un peu angélique en matière d'évaluation. Dans le Nord, on a tendance à considérer que tous les enfants qui sortent du CE1 savent lire. Personnellement, je me demande comment on peut soutenir une telle affirmation, parce qu'aujourd'hui, ce sont les maîtres et les inspecteurs qui « déclarent » la réussite, sans qu'aucune évaluation professionnelle n'ait été faite. On peut donc s'interroger. D'autant que le centre Alain-Savary, au sein de l'Institut français d'éducation à Lyon, a rappelé ses doutes sur l'utilité d'un tel dispositif qui, à mon sens, a été trop peu piloté.

Tels sont les points que je souhaitais aborder : la culture de l'évaluation ; les partenariats consolidés dans le cadre d'un vrai contrat de confiance gagnant-gagnant, avec l'assurance de la pérennité des moyens, faute de quoi on court après l'argent, et donc, les dispositifs sont fragilisés. Dans les années à venir, il faudra faire plus que s'interroger sur la place de la collectivité dans le système scolaire. Il faudra lui donner plus d'autonomie et lui faire davantage confiance.

Je peux vous le dire, les seize années que j'ai passées en tant que maire ne m'ont pas toujours amené à aimer l'Éducation nationale. Je fais beaucoup d'efforts, mais honnêtement, c'est compliqué…

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