Le comité de suivi n'avait pas pour mission de refaire le débat de la loi, mais d'examiner comment elle s'applique, jusqu'à ce que la représentation nationale en vote une autre dans le temps qui doit être celui d'une loi sur l'école, comme l'a rappelé à juste titre Frédéric Reiss. Je ne répondrai donc pas aux questions qui concernent la réforme du collège et les rythmes scolaires puisqu'ils ne figurent pas dans la loi.
Emeric Bréhier, cette loi a été appliquée en bloc, c'est-à-dire d'un coup si je puis dire, mais comme vous l'avez dit c'est un socle. Du reste c'est ce que nous avons voulu en disant que cette loi était dynamique. Elle devait être un socle qui permet d'ouvrir d'autres chantiers et des perspectives, et non une loi qui renferme et apporte des solutions toutes faites ne varietur. Ces chantiers doivent évoluer dans le temps parce qu'ils sont en rupture avec certaines habitudes, cultures et pratiques ancrées depuis longtemps, quelle que soit la responsabilité des uns et des autres. Le cycle 3 qui figure dans la loi s'inscrit nécessairement dans le temps. Il ne peut pas se faire dans un seul mandat, même s'il est nécessaire de l'impulser dans le cadre de celui-ci, car il réclame un profond changement dans les cultures et dans les statuts. Nous devrions trouver, sinon un consensus, du moins des points d'accord.
Vous avez accueilli avec intérêt les recommandations que nous faisons dans ce rapport. Vous nous demandez ce qu'elles deviennent une fois qu'elles ont été débattues, discutées, et parfois même approuvées au cours de nos échanges. Cela pose le problème plus général du rôle je dirai presque constitutionnel du Parlement qui est non seulement de faire la loi mais aussi de contrôler et d'évaluer son application. Si nous nous contentons de faire la loi sans nous préoccuper de la manière dont elle s'applique concrètement au quotidien, nos citoyens considéreront de plus en plus que nous sommes en chambre close et que nous nous intéressons seulement à nos propres problèmes et non à l'intérêt général. Vous avez noté, les uns et les autres, l'importance de l'existence de ce comité de suivi, en dehors de son travail. Il y a, là aussi, un vrai sujet de réflexion pour les parlementaires que nous sommes.
La scolarisation des enfants moins de trois ans est un objectif qui n'est pas totalement atteint. Il existe des résistances de toutes sortes, à la fois matérielles – les communes ont parfois des difficultés à offrir des locaux –, et culturelles, notamment de la part de certaines familles auxquelles cette mesure s'adresse justement. En la matière, la pédagogie est nécessaire parce que lorsque l'on touche à l'humain le temps est nécessairement plus long que la simple application des décrets. Du reste, et je pense que vous serez d'accord, il faudrait cesser de gérer l'Éducation nationale avec des circulaires.
Colette Langlade, un certain nombre de comités de suivi ont été mis en place par le ministère sur chacun des dispositifs, qu'il s'agisse du dispositif « plus de maîtres que de classes », de la scolarisation des enfants moins de trois ans ou de la prise en compte des ESPE.
Effectivement, les ESPE constituent le point central. Nous sommes en train de réussir la professionnalisation, mais il faut aller plus loin. Si nous ne parvenons pas à professionnaliser le métier d'enseignant, donc la formation, nous n'arriverons pas à refonder l'école. Les directeurs d'ESPE, auxquels je rends un hommage vibrant, effectuent un travail remarquable.
Emeric Bréhier, nous avons déjà eu de longues discussions sur la place que l'on doit donner au concours. Les préconisations que nous faisons en ce qui concerne la nature du concours doivent être prises en compte. D'ailleurs, la ministre de l'Éducation nationale est convenue qu'il faut parvenir à une évolution dans un cadre national, tout en laissant aux ESPE une liberté de pilotage afin qu'elles puissent s'intégrer dans leur environnement local avec les partenaires qui sont les leurs.
Concernant les programmes, comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis favorable à la création d'une agence. Je pense qu'il faut qu'elle sorte du simple milieu de l'Éducation nationale et que la composante sociale de la société fasse partie de cette agence qui sera chargée d'élaborer ce que l'on doit apprendre aux élèves. Si je ne m'abuse, le CSE québécois est composé de représentants syndicaux, patronaux et de la société civile. Cette agence doit être représentative de la nation, et ne pas être composée uniquement des experts de l'Éducation nationale, sinon elle ne sera pas vraiment indépendante, quelle que soit par ailleurs la volonté des uns et des autres.
Je veux dire à Xavier Breton que je n'ai pas entendu parler de ce sondage sur la perte de confiance des Français vis-à-vis de leur école. S'il y a bien une institution en laquelle les Français ont confiance, c'est leur école. Peut-être d'ailleurs lui en demandent-ils trop, ce qui conduit à cette pseudo-perte de confiance.
C'est la dernière fois que je siège ici puisque je ne serai pas candidat lors des prochaines élections législatives. En tant que parlementaire et en tant qu'enseignant, j'en ai un peu assez d'entendre sans cesse cette affirmation éculée selon laquelle l'école serait en crise. L'école a des difficultés, il faut qu'elle s'adapte, qu'elle anticipe l'avenir puisqu'elle doit former à des métiers que l'on ne connaît pas encore ; c'est un défi extraordinaire. Mais ayons la lucidité de dire qu'aucune entreprise, aucune institution n'aurait réussi à prendre en compte l'ensemble des enfants dans toute leur diversité dans une situation de chômage massif depuis 1974 et réussi, comme l'a fait l'école, à les porter au plus haut niveau. Il faut défendre notre école. S'il pouvait y avoir un consensus sur ce point, ce serait une bonne chose.