Intervention de Jacques Toubon

Réunion du 21 février 2017 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Jacques Toubon, Défenseur des droits :

J'aimerais revenir sur un point dont je n'ai pas parlé, mais qui est lié à ce que vous venez de dire sur la difficulté des interventions des forces de l'ordre. L'un des enjeux est la formation des agents de sécurité. Nous avons participé l'année dernière, au titre de la déontologie de la sécurité, à la formation de 5 600 gardiens de la paix, dans les dix écoles nationales de la police. Il y a un gros travail à faire, d'autant qu'il est délicat, surtout dans certaines circonstances, de passer de la théorie à la pratique. Je reconnais l'extraordinaire difficulté des rapports humains, souvent asymétriques, qui s'établissent entre un membre des forces de sécurité et un autre individu.

L'accompagnement des familles, comme leur information, est effectivement essentiel. On le voit dans ces situations où une grande solidarité – de quartier, intrafamiliale, au sein de certaines communautés d'origine – est à l'oeuvre. Elles doivent être abordées comme les cas de traumatisme grave et ces personnes doivent être considérées comme ayant été, individuellement ou collectivement, traumatisées.

Enfin, vos propos sur le maintien de l'ordre me donnent l'occasion d'une petite mise au point. Il y a quelques jours, le président de cette Assemblée m'a demandé, à la requête de certains de vos collègues, d'étudier l'éventualité d'une rénovation de la doctrine du maintien de l'ordre dans notre pays. Il se trouve qu'il l'a fait au moment où tout le monde ne parlait que du drame de Théo et des contrôles d'identité, ce qui a créé, notamment dans les médias, une certaine confusion, d'ailleurs compréhensible. Je veux donc clarifier les choses.

Il faut distinguer, d'une part, les rapports entre la police et la population lors des interventions et notamment des contrôles d'identité, à propos desquels je viens de vous livrer mon sentiment et mes propositions, et, d'autre part, la question de savoir s'il faut rénover les méthodes de maintien de l'ordre qui sont utilisées en France, une question à laquelle j'ai donné une place centrale depuis mon entrée en fonction. Elle se pose naturellement à la lumière du drame du barrage de Sivens – il en a été question dans le cadre de la commission d'enquête « sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation », présidée par M. Noël Mamère et dont M. Pascal Popelin était le rapporteur –, des quatre ou cinq mois de manifestations contre la loi « Travail » et des troubles survenus autour du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, notamment. À propos de tous ces sujets, peut-être devrions-nous réfléchir ensemble à un aggiornamento. Ainsi, faut-il conserver la doctrine française, qui promeut depuis 1947 la mise à distance et a par exemple conduit à l'utilisation des armes de force intermédiaire, ou bien l'adapter ?

Nous avons essayé d'y réfléchir en nous inspirant d'exemples étrangers, monsieur Goldberg. À Londres où je me suis déjà rendu, à Berlin où je vais la semaine prochaine, à Madrid où j'irai ensuite, nous comptons étudier avec nos homologues comment les forces de l'ordre respectent les règles de déontologie dans leur comportement quotidien. Certains pays ont intégré les déontologues aux forces de police. Et, dans beaucoup de pays, les forces de sécurité cherchent, pour le dire vite, à accompagner la manifestation plutôt qu'à la cantonner.

Il est clair que ce n'est pas dans le mois que me donne l'article 32 de la loi du 29 mars 2011, ni même dans les quelques mois qui nous séparent de la fin de la législature, que je pourrai produire un avis pertinent sur ces points. Je verrai, avec le président Bartolone, comment être néanmoins utile, en particulier à la future Assemblée. Nous nous inspirerons non seulement des expériences étrangères, mais aussi de tout ce qui a déjà été fait dans notre pays. À ce propos, je salue la démarche de la préfecture de police de Paris, très désireuse de tirer les leçons de ce qui s'est passé au printemps dernier en modernisant et en adaptant les méthodes employées.

Sur ce sujet, comme sur les contrôles d'identité, nous pouvons nous mettre tous d'accord, à condition que chacun se départe de ses a priori et que personne ne se considère comme l'ennemi de l'autre. Il s'agit de rechercher la paix et la cohésion sociale, non de s'affronter.

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