Monsieur le président, mes chers collègues, ces deux propositions de résolution, déposées sur le fondement de l'article 88-6 de la Constitution, ont été adoptées hier par la commission des Affaires européennes. Elles portent sur deux propositions de directives relatives, d'une part, au système de notification en matière de services et, d'autre part, aux professions réglementées.
L'article 88-6 de la Constitution définit, vous le savez, les modalités du contrôle du principe de subsidiarité, prévu à l'article 5 du traité sur l'Union européenne, par les parlements nationaux. L'exercice de ces compétences est soumis à trois principes fondamentaux figurant à l'article 5 du traité, qui encadrent et limitent le champ d'action de l'Union pour mieux protéger la marge de manoeuvre des États : le principe d'attribution, le principe de proportionnalité et le principe de subsidiarité.
Le principe d'attribution prévoit que l'Union européenne ne dispose que des compétences qui lui sont attribuées par les traités. Le principe de proportionnalité limite l'exercice des compétences de l'Union à ce qui est nécessaire afin de réaliser les objectifs des traités. Enfin, le principe de subsidiarité implique que, pour les compétences partagées, l'Union européenne ne peut intervenir que si elle est en mesure d'agir plus efficacement que les États membres.
Les parlements nationaux disposent d'un délai de huit semaines pour émettre un avis sur les projets de texte européens, ce délai s'achevant le 17 mars dans le cas présent.
Les propositions de résolutions adoptées hier jugent que les deux propositions de directives en question ne sont pas conformes au principe de subsidiarité. Le Sénat a porté le même jugement et a adopté une résolution en ce sens la semaine dernière. De quoi s'agit-il ?
Ces deux propositions de directives sont intégrées dans le « paquet services » qui a été présenté par la Commission européenne en janvier dernier. Elles s'inscrivent dans la continuité de la politique de la Commission visant à limiter les entraves à la croissance dans le secteur des services, via l'approfondissement du marché intérieur unique. Cette ligne s'est traduite par la « stratégie pour le marché unique », dont ces deux textes sont les derniers éléments en date.
La première directive propose une modernisation du système de notification en matière de services. Elle établit ainsi une procédure de notification qui découle de la directive « Services » du 12 décembre 2006, visant à éviter que les mesures qui restreignent la liberté d'établissement et la libre prestation de services ne soient discriminatoires au regard de la nationalité ou de la résidence, mais soient proportionnées et justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général.
Des points d'inquiétude motivent, selon moi, un avis de non-conformité au principe de subsidiarité.
Tout d'abord, l'extension démesurée du champ de la directive, puisqu'elle pourrait limiter d'autant le champ d'intervention des États membres.
Les contraintes pesant sur la procédure parlementaire, ensuite, pourraient s'avérer délétères. L'impossibilité pour un État membre d'appliquer une réglementation lorsque la Commission européenne l'alerte, pendant un délai de trois mois, pourrait par exemple entrer en contradiction avec les agendas parlementaires de ces États membres. En effet, l'exigence d'un tel délai implique un gel de la procédure législative pour les mesures notifiées, ce qui pose un problème important au législateur, ainsi qu'en termes de souveraineté du Parlement. Il pourrait même en résulter des risques quant à la bonne application de la loi.
La seconde directive propose d'introduire un processus de contrôle de la proportionnalité de la réglementation des services professionnels. Si la Commission reconnaît qu'il appartient à chaque État membre de décider s'il y a lieu d'intervenir et d'imposer des règles et des restrictions pour l'accès à une profession ou à son exercice, elle souhaite soumettre ces décisions à un contrôle de proportionnalité ex ante, ce qui reviendrait à codifier la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne. Autrement dit, la directive fixe un cadre pour évaluer dans quelle mesure une réglementation nationale des professions, ou toute exigence nationale applicable aux qualifications, seraient susceptibles d'entraver ou de rendre moins attrayant l'exercice des professions concernées par les citoyens et les entreprises de l'Union européenne.
Cette proposition peut exercer des contraintes pour l'instauration de règles nationales relatives aux professions entrant dans le champ de la directive – je pense, par exemple, aux modifications que nous avons apportées lors de l'adoption de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».
En matière de subsidiarité, les principales difficultés que contient cette proposition tiennent dans le partage des compétences entre les États membres et l'Union européenne dans des domaines qui ne relèvent pas uniquement des services.
Dans le domaine de la santé, par exemple, en vertu de l'article 168 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, il est établi que l'action de l'Union complète les politiques nationales et que le Parlement et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent adopter des mesures d'encouragement pour protéger et améliorer la santé humaine. Il en va de même dans le domaine du tourisme, en vertu de l'article 195 du même traité, ou encore dans le domaine de l'enseignement, selon l'article 165, qui pourraient être également affectés par la procédure de proportionnalité proposée par la Commission européenne.
Dès lors, l'introduction d'un contrôle ex ante de proportionnalité obligatoire pourrait contraindre la satisfaction d'objectifs nationaux tels que la protection la plus haute possible de la santé humaine ou une politique économique de promotion du tourisme décidée à l'échelon national.
Enfin, pose aussi problème l'obligation faite de mener une évaluation indépendante en préalable à chaque nouvelle mesure législative entrant dans ce champ, ce qui, là encore, pose la question de la capacité du législateur à agir et délibérer dans le respect des règles posées par l'Union européenne.
La proposition de directive ne me paraît donc pas en tout point conforme au principe de subsidiarité.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d'adopter ces deux propositions de résolutions, qui jugent que les deux textes auxquelles elles se rapportent ne sont pas conformes au principe de subsidiarité.