Madame la présidente, je veux à mon tour vous féliciter d'avoir inscrit à l'ordre du jour de cette dernière semaine deux fondamentaux de l'économie : l'industrie hier, l'agriculture aujourd'hui. C'est cela qui comptera au XXIe siècle, et non toutes les lubies sur l'ubérisation que l'on entend partout.
Le rapport du CESE que vous nous avez présenté, Madame Cécile Claveirole, est évidemment louable, mais je regrette, comme beaucoup de nos collègues, qu'il ne s'appuie pas suffisamment sur les nombreuses initiatives parlementaires prises au cours de la législature. Certes, nous n'avons pas réussi à bien expliquer notre action, ce qui représente pour nous une vraie souffrance aujourd'hui ; mais tout de même ! Gaspillage alimentaire, plan Écophyto 2, plans alimentaires territoriaux… Vous auriez pu faire l'inventaire des changements intervenus, au cours de cette législature comme des précédentes d'ailleurs. Le CESE aurait pu rendre hommage au travail du Parlement.
Je me permettrai, en retour, de souligner les failles du rapport. Vous ne prenez nulle part en compte une innovation capitale, qui va peser demain et qui a été adoptée à l'unanimité la semaine dernière : les CEPP. Ces certificats d'économie de produits phytosanitaires constitueront un levier moderne, en B2B (Business to Business), de réduction de la phytopharmacie, grâce à l'innovation technologique mise en oeuvre par les entreprises elles-mêmes. L'État fixe le cap et certifie les solutions, mais ce sont bien les territoires, les filières et les entreprises qui inventent. Cette dynamique concrète sera bien plus efficace que toutes les incantations que j'ai pu lire par ailleurs.
S'agissant de la PAC, vous ne saluez pas le courage de M. Stéphane Le Foll, qui a su imposer pour la première fois des aides différenciées en fonction de la taille des exploitations. C'est pourtant tout à fait capital.
Vous ne dites rien des perspectives ouvertes aujourd'hui sur le caractère contracyclique des aides ; rien non plus sur une agriculture intégrée qui, entre le label AB (agriculture biologique) et le conventionnel, permettra d'obtenir des résultats en matière de bilan carbone et d'humus, comme de valeur ajoutée et d'emploi, sans s'enfermer dans des contraintes impossibles à respecter.
Vous n'avez pas souligné les incohérences d'une architecture gouvernementale qui organise un conflit structurel entre le ministère de l'environnement et celui de l'agriculture, dont j'ai moi-même été témoin à plusieurs reprises au cours de cette législature. Il est indispensable de cesser de tirer à hue et à dia.
Enfin, je regrette profondément que le rapport passe à côté d'un sujet pourtant essentiel : la politique du foncier – lutte contre l'accaparement des terres, maîtrise du phénomène sociétaire et du travail à façon, qui sont les contournements majeurs de la politique des structures. Sans biodiversité économique, sans liberté d'entreprendre en milieu rural, il n'y aura pas de biodiversité environnementale.