Je tiens à remercier ceux d'entre vous qui ont participé aux travaux dont je vous présente les conclusions aujourd'hui, ainsi que ceux qui se sont soumis au calendrier contraignant de nos auditions.
Le rapport d'information, que je ne présenterai pas de manière exhaustive, se divise en trois grandes parties. Une première partie fait le point sur la situation qui résulte de la dernière réforme de la PAC de 2013. Il nous a également paru important de consacrer une partie à l'agriculture européenne et française que nous défendons, ainsi qu'aux outils de politique agricole qui pourraient utilement être mis au service du développement d'un modèle que nous souhaitons durable et respectueux de l'emploi et des conditions de vie des travailleurs du secteur. La troisième partie du rapport détaille nos préconisations afin d'atteindre ces objectifs.
Avant de vous présenter en quelques mots nos recommandations, je vous rappelle le calendrier de la prochaine réforme de la PAC. Initialement annoncée pour 2020, il nous a été confirmé, lors des auditions effectuées à Bruxelles, que les prochaines élections au Parlement européen et le renforcement récent du principe de codécision imposeraient sans doute un délai supplémentaire avant son adoption. Néanmoins, deux échéances vont concerner la PAC à court terme. D'une part, les négociations sur le règlement budgétaire, dit « omnibus », pourraient permettre quelques ajustements à la PAC actuelle. D'autre part, les négociations qui commencent sur le Brexit auront un impact sur le budget de l'Union européenne, et donc sur la PAC.
J'en viens à la proposition de résolution européenne, qui rappelle en premier lieu que la PAC est une politique structurante de l'Union et doit le rester. À ce titre, son budget doit être préservé, y compris après le Brexit.
La PAC est également un élément essentiel de la souveraineté alimentaire européenne ; elle doit aussi être respectueuse de la souveraineté alimentaire des pays partenaires de l'Union. C'est un élément très important qui a des conséquences sur les politiques publiques consacrées à l'agriculture européenne.
Dans cette résolution, nous proposons d'établir un lien entre la politique alimentaire et la politique agricole, et de renommer la PAC en « Politique agricole et alimentaire commune » (PAAC), afin de spécifier qu'il faut repenser de manière plus équilibrée tous les éléments de la chaîne alimentaire et agroalimentaire. Je reviendrai notamment sur les questions de partage et de construction de la valeur ajoutée.
L'adoption du règlement omnibus, si les députés et les instances européennes oeuvrent en ce sens, devrait permettre de mobiliser des outils de gestion de crise, des aides contra-cycliques et des filets de sécurité contre les variations trop fortes des prix de marché. Dans les négociations à venir, il importera d'être vigilant et d'évaluer a priori les effets des accords internationaux – notamment le CETA (Accord économique et commercial global, entre l'Union européenne et le Canada) – sur les différentes filières agricoles.
Le cinquième point de la résolution souligne l'attention particulière qui doit être portée au soutien à l'emploi agricole. De nombreuses aides sont aujourd'hui liées aux facteurs de production et fortement découplées. Elles devraient, pour certaines, tenir compte de l'emploi et mieux cibler les agriculteurs actifs, en particulier les plus jeunes.
La résolution réaffirme la nécessité que les producteurs les plus fragiles – les jeunes, ceux aux revenus modestes ou ceux travaillant dans une filière en difficulté – bénéficient de filets de sécurité leur assurant une protection contre les aléas économiques et climatiques.
Elle insiste également sur l'attention qui doit être portée à long terme à la création de valeur ajoutée. La compétitivité est souvent associée à la baisse des prix, donc à celle des coûts, mais il existe une compétitivité hors prix, fondée sur la qualité. L'agriculture européenne doit aussi s'engager dans cette voie, car elle permet de répartir la valeur au sein des filières. À cet égard, si nous souhaitons que les organisations de producteurs soient renforcées, c'est pour qu'elles puissent peser sur les négociations qu'elles mènent avec les industriels et la grande distribution. Je précise que, contrairement à une idée reçue, ce renforcement ne se heurte pas au droit européen – la direction générale de la concurrence que nous avons rencontrée à Bruxelles nous l'a confirmé.
Du point de vue environnemental, nous ne disposons que de peu de données permettant d'évaluer la réforme de la PAC mise en oeuvre depuis 2013. Plusieurs éléments tendent cependant à démontrer que l'objectif fixé à l'époque n'a pas été atteint, faute pour les outils adéquats d'avoir été mis en place. Les dispositifs actuels sont perçus comme trop complexes et trop contraignants par les agriculteurs pour qu'ils appréhendent de manière positive la question environnementale. Une révolution s'impose.
La résolution propose, en conséquence, de simplifier les outils liés à l'environnement en retenant des indicateurs simples et synthétiques relatifs, par exemple, au carbone, à la lutte contre le réchauffement climatique ou à la qualité des sols. Ce sont les progrès accomplis par les exploitations dans ces domaines qui constitueraient le levier des politiques agricoles. Les auditions que nous avons menées nous laissent penser que la profession agricole est prête à la construction de tels indicateurs et à la mise en place de leur contrôle.
La résolution encourage le développement des outils innovants pour contribuer à l'essor de l'agriculture et améliorer ses performances économiques et environnementales. Les outils numériques, en particulier, sont très utiles pour réduire les intrants et pour optimiser l'utilisation des ressources. Ces outils innovants sont de nature à renforcer les modèles agricoles mettant en avant la biodiversité ou la durabilité des sols.
En matière de gouvernance, la simplification de la politique agricole est souvent citée comme un objectif prioritaire. Encore faut-il s'entendre sur sa signification. La Commission européenne la considère souvent de son seul point de vue. Pour elle, le passage d'une organisation commune de marchés (OCM) par filières à une OCM unique a sans doute constitué une simplification, mais il n'a en rien amélioré la lisibilité de ces politiques publiques pour les agriculteurs. Ils devraient pourtant être les premiers bénéficiaires de la simplification.
Enfin, la résolution considère qu'il est nécessaire que la prochaine réforme de la PAC fasse l'objet de consultations, et qu'elle soit co-construite avec les États et avec les partenaires.
Je précise, pour terminer, que certains sujets sont absents de la résolution mais sont néanmoins abordés dans le rapport d'information. Il nous semblait, par exemple, contradictoire avec notre volonté de voir se renouveler les générations d'agriculteurs de reparler des prix garantis et des quotas. Fortement liés au poids des investissements ou aux volumes, ils constituent en effet des freins à l'installation des jeunes agriculteurs et dressent des barrières à l'entrée de la profession. Un autre sujet beaucoup discuté est celui des assurances-prix. Dans les systèmes mixtes privé-public parfois envisagés, le second partenaire est souvent amené à réassurer le premier. Ce système ne nous paraît pas opportun : il serait coûteux pour la puissance publique et n'enverrait pas un bon signal à des marchés déjà contraints.